Laura Smet |
Laura Smet : "Mes parents sont mes héros"
Par Isabelle Girard | Le 12 septembre 2015
Révélée au cinéma par Les Corps impatients, l’actrice brille dans des rôles fragiles. Dans son nouveau film, Premiers crus, elle incarne cette fois une femme solaire et déterminée face à Gérard Lanvin. Rencontre.
Au début de l’entretien, elle met en garde. « J’espère qu’on ne va pas trop parler de mes parents. » Mission impossible tant il est difficile, en la regardant, d’oublier que ses yeux de loup vert clair lui viennent de son père, Johnny Hallyday, et que l’ovale opalin de son visage est emprunté à sa mère, Nathalie Baye .Deux immenses stars. Deux icônes qui incarnent une génération. Laura Smet n’y peut rien. L’héritage est trop puissant pour être dissimulé. Ce métissage explosif a fait d’elle une personnalité singulière, à fleur de peau, sensible, s’épanouissant dans le monde des artistes dont viennent ses parents.
Dès ses premières apparitions au cinéma, elle irradie, fragile et profonde, discrète et intense dans des rôles plutôt dramatiques qui lui vont comme un gant. Elle peut y exprimer sa rage, son inquiétude et ce côté félin qui fait son unicité. « Ce n’est pas facile d’être fille de…, de trouver sa place, de se réinventer », explique aujourd’hui la jeune femme. Après une dizaine de films entre 2002 et 2010 qui couronnent une jeune carrière pleine de promesses, Laura Smet se perd alors dans des expériences douloureuses et des amours compliquées. Elle ne parvient plus à cajoler sa noirceur. « C’est passé. Oui, j’ai mes failles, mais c’est ce qui fait la complexité d’un personnage, non ? »
Après avoir incarné, en 2014, le rôle principal du film de Katia Lewkowicz Tiens-toi droite, la voilà de retour avec Premiers crus, de Jérôme Le Maire (sortie le 23 septembre), faceà Gérard Lanvin, un rôle dans 10 % , la série produite par Dominique Besnehard ,et dans le prochain film de Xavier Beauvois .« Il me semble que j’avais un peu oublié le plaisir et la chance que j’avais de faire ce métier. » Parcours d’une combattante.
« MADAME FIGARO ». - Dans le film Premiers crus, vous interprétez le rôle de Marie, chef d’un grand restaurant en Bourgogne, une femme solaire et déterminée. Y a-t-il, entre vous, des points de ressemblance ?
LAURA SMET. - J’aimerais bien. Marie est une femme volontaire, généreuse, déterminée, rassurante. Elle aime que les choses, mais aussi que les gens, soient à leur place. Dans le film de Jérôme Le Maire, elle s’emploie à ramener les brebis égarées, se bat pour que son père se souvienne qu’il aime sa terre et son vin, pour que son frère qui s’est fourvoyé dans le monde des affaires revienne lui aussi à ses racines. C’est un film sur la renaissance et sur le repentir. C’est un film biblique et moi je suis croyante. Je rentre dans des églises. Je prie, je remercie et je suis apaisée. C’est pour ça que j’aime ce film. Il est bienveillant avec une forme de spiritualité qui me séduit beaucoup.
Ce film serait-il une sorte de métaphore de votre propre existence ?
On m’avait dit que la trentaine annonçait un autre cap. Je n’y croyais pas et pourtant, c’est vrai. J’ai aujourd’hui 31 ans et je me sens beaucoup mieux, plus mature, moins anxieuse. Aujourd’hui, je fais de la boxe, de la course et du yoga. Je n’ai plus peur du regard des autres. J’ai envie de devenir mère de famille. Je trouve que j’ai fait du bon travail.
Vos 20 ans ne sont donc pas un bon souvenir ?
Disons que cette période a été chaotique. J’adore cette phrase de Nelson Mandela que j’ai faite mienne : « Ne me jugez pas à mes succès mais plutôt à mes échecs et à ma capacité à me relever. »
Avez-vous été une petite fille trop gâtée ?
Oui, dans le sens où j’ai eu une enfance merveilleuse avec des parents de rêve. Longtemps, j’ai vécu dans l’ignorance de leur célébrité. Je vivais avec ma mère à Paris. Mon père était un peu plus absent. Je le voyais chez lui, dans sa maison à Saint-Tropez. Là, il me traitait comme une reine. Quand il m’emmenait sur sa Harley, j’avais l’impression d’être Bardot. On s’entendait très bien tous les deux. Nous sommes des instinctifs. J’ai hérité du côté animal de mon père.
Quand avez-vous découvert que vos parents étaient célèbres ?
J’ai toujours plus ou moins su que ma mère était célèbre. Elle tournait beaucoup, voyageait souvent et m’emmenait parfois aux premières de ses films. La découverte de la célébrité de mon père est plus précise et plus violente. C’était en 1993 au Parc des Princes. J’avais 10 ans. J’étais là lorsqu’il est entré comme un gladiateur dans l’arène. J’ai vu une foule se lever. Puis il a chanté Laura . Tout le stade était debout. J’étais très fière. C’était un moment d’amour hallucinant et en même temps assez perturbant pour une petite fille.
Avez-vous souffert de cette célébrité ?
Peut-être. Les enfants sont durs entre eux. Ils se moquaient de moi à cause de la marionnette de mon père dans les Guignols de l’info sur Canal+. Pour me protéger, je me suis réfugiée dans un rôle de petite dure de mon invention dont j’ai mis du temps à me sortir. Mes parents ne m’ont jamais laissée tomber durant cette période difficile. Ils sont mes héros.
Ce film apaisant est-il un nouveau départ ?
Je ne dirais pas ça. J’avais envie d’un rôle solaire. Je viens de l’interpréter. La vie est bien faite, non ? J’ai réalisé un clip pour The Avener sur une chanson qui s’intitule To Let Myself Go . Une philosophie qui convient parfaitement à ma vie d’aujourd’hui plus fluide et plus harmonieuse. Être derrière la caméra et à la tête d’une équipe m’a redonné confiance.
Vous en manquez ?
De temps en temps, il est bon de changer d’univers, d’assumer d’autres responsabilités, de prendre des risques. Chez moi, c’était un vieux rêve de réaliser. Avoir osé le faire m’a donné beaucoup de force.
Quel est votre meilleur souvenir de cinéma ?
Avoir joué le rôle de Charlotte dans les Corps impatients, de Xavier Giannoli, qui m’a valu le prix Romy-Schneider .C’étaitla première fois que j’allais au bout de quelque chose. À l’école, je n’arrivais jamais à finir mes dessins. Je me suis fait virer de tous les établissements possibles et imaginables. À 16 ans, j’ai dit à ma mère que l’école n’était pas faite pour moi et que je voulais prendre des cours de théâtre pour devenir agent d’acteurs. Puis il y a eu d’autres films avec Claude Chabrol, Pascal Thomas, Philippe Garrel.
C’est audacieux de votre part d’avoir voulu vous lancer dans le monde du cinéma avec des parents comme les vôtres.
Dans tous les métiers, il y a des dynasties.
Quand avez-vous su que vous aimiez jouer ?
Pendant le tournage des Corps impatients. Je me suis aperçue que je pouvais dire trois lignes sans bafouiller. Cela a été une révélation.
Comment gérez-vous les périodes où vous ne tournez pas ?
Ma mère m’a toujours dit que ce métier était formidable mais que le plus dur était de vivre les moments où on ne travaille pas. Elle n’avait pas tout à fait tort.
Qu’avez-vous fait pendant ces moments ?
J’ai travaillé sur moi-même, j’ai fait des rencontres qui m’ont fait grandir. Je suis tombée amoureuse. J’avais besoin de m’éloigner. Je me souviens que Lou Doillon m’avait dit : « Dans ce métier on est in, puis out. Un jour tu plais, le lendemain c’est fini. Il faut le savoir, c’est tout. » Maintenant, je le sais. Je n’ai aucun regret. Tous mes échecs m’ont rendue plus forte.C’est ce que l’on dit, non ?
Qui est votre actrice préférée ?
Marion Cotillard, son parcours est exemplaire. C’est une immense bosseuse, elle mérite totalement son succès. Elle est pour moi une source d’inspiration. J’aime également beaucoup Vanessa Paradis. Elle a toujours été mon idole. C’est elle qui m’a donné envie de faire ce métier. J’aimais tout chez elle. Son look, sa voix. Je voulais lui ressembler. J’ai regardé Noce blanche des dizaines de fois. Ce qui m’impressionne, c’est qu’elle a commencé sa carrière très tôt, qu’elle n’a jamais perdu la tête et qu’elle est toujours restée dans la lumière.
Aujourd’hui, comment gérez-vous votre carrière ?
Quand j’apprécie vraiment un réalisateur, je n’ai plus peur de lui écrire et de lui dire que j’aimerais travailler avec lui. Pourquoi les réalisateurs pourraient-ils courir après les acteurs et pas l’inverse ?
Quels sont vos projets ?
J’ai un projet au théâtre. Maintenant, je n’ai plus peur de la scène. J’ai envie d’oser.
MADAME
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