Quentin Tarantino, "inglourious basterd" ?
Par Marion Galy-Ramounot | Le 09 février 2018
Montré du doigt dans l'affaire Weinstein, malmené sur le cas Polanski, accusé puis pardonné par Uma Thurman, le réalisateur de Kill Bill pourrait passer une année en enfer. Il joue et rejoue la carte de l'excuse.
Bientôt, Quentin Tarantino sera marié - en juillet 2017, il annonçait ses fiançailles avec Daniella Pick, une «fille de» israélienne de vingt ans de moins de lui. Et surprise, Hollywood s'occupe de son enterrement de vie de garçon. Le garçon de 54 ans a, semble-t-il, quelques mauvais souvenirs à inhumer. À commencer par ceux qu'il avait lui-même longtemps essayé d'oublier.
Weinstein & cie
La fête commence le 19 octobre dans les colonnes de New York Times. Au lendemain de l'éclatement de l'affaire Weinstein, Quentin Tarantino livre qu'il savait, pour les agissements de son ami producteur, depuis des décennies. «J'en savais assez pour faire plus que je n'ai fait», dit-il alors, donnant quelques exemples d'actrices impliquées. «Il y avait plus que des rumeurs, que des gossips. Ce n'était pas de la seconde main. Je savais qu'il avait fait certaines de ces choses. J'aurais aimé prendre mes responsabilités vis-à-vis de ce que j'ai entendu. Si j'avais fait ce que j'aurais dû faire, j'aurais arrêté de travailler avec lui.» À l'inverse, depuis que l'actrice Mira Sorvino lui a parlé la première du comportement inapproprié de Harvey Weinstein, en 1995, il a réalisé quatre films (Kill Bill : Volume 1 et 2, Inglourious Basterds, Django Unchained) produit par la Weinstein Company.
Thurman au tournant
Comme Ben Affleck - qui aurait su pour l'agression sexuelle de Rose McGowan -, Quentin Tarantino est rattrapé par la tempête médiatique. Dans sa tribune parue sur le site du New York Times le 3 février, l'éditorialiste Maureen Dowd raconte l'expérience «déshumanisante» d'Uma Thurman sur le tournage de Kill Bill : Volume 2. Pour tourner la scène de la décapotable bleue, le cinéaste l'aurait contrainte à conduire la voiture sans doublure, promettant que l'engin était en parfait état de marche. «Mais j'étais dans un cercueil (deathbox dans le texte). Le siège n'était pas correctement vissé. C'était une route de sable et ce n'était pas une route droite». L'actrice à la combinaison jaune perd le contrôle du véhicule et percute un arbre de plein fouet, le choc laissant son cou et ses genoux «irrémédiablement endommagés».
Les images vidéo, Quentin Tarantino lui a finalement données, après les avoir gardées quinze ans sous clé. Elle vient de les poster sur son compte Instagram, ce 5 février. «Les circonstances de cet événement relèvent de la négligence voire de la criminalité, commente-t-elle en légende. Pour cela je tiens Lawrence Bender, E. Bennett Walsh, et le très connu Harvey Weinstein pour seuls responsables.» Là, étrangement, le nom de Quentin Tarantino n'apparaît plus sur le banc des accusés. Sans doute parce que le 5 février, il prenait lui aussi la parole - sur le site Deadline - pour qualifier cet accident comme «l'un des plus gros regrets de sa vie».
Excuses tardives
Il y a d'autres choses qu'il regrette, M. Tarantino. Il regrette par exemple d'avoir défendu Roman Polanski contre les accusations de viol de Samantha Geimer, lors d'une interview en 2003. Ce jour-là, l'animateur de radio Howard Stern l'interroge autour de l'affection de Hollywood pour Roman Polanski, «cet homme fou, ce réalisateur qui a violé une jeune fille de 13 ans». Ce à quoi le réalisateur de Pulp Fictionrépond qu'«il n'a pas violé une fille de 13 ans (...). Il a eu une relation sexuelle avec une mineure. Ce n'est pas un viol. Selon moi, quand vous utilisez le mot "viol", vous impliquez de la violence, c'est l'un des crimes les plus violents du monde. Vous ne pouvez pas utiliser le mot "viol" à tout-va.»
Quinze ans plus tard, ce 6 février, Samantha Geimer est revenue sur les propos du réalisateur sur le site du New York Daily News. «Il avait tort. Je parie qu'il le sait, a lancé la victime de Polanski, aujourd'hui 54 ans. Je ne suis pas fâchée, mais je me sentirais probablement mieux si il réalisait maintenant qu'il avait tort, après quinze ans, après avoir entendu les faits.»
Les excuses de Quentin Tarantino sont immédiates. «Je veux publiquement m'excuser auprès de Samantha Geimer pour mes remarques cavalières, déclare-t-il dans un communiqué publié sur le site IndieWire le 8 février. Je réalise aujourd'hui à quel point j'avais tort. Mme Geimer a ÉTÉ violée par Roman Polanski. Quand Howard Stern a évoqué le sujet, j'ai joué l'avocat du diable pour être provocateur». Conclusion : «Mme Geimer, j'étais ignorant, et insensible, et au delà de tout, incorrect.»
Terrain glissant
Le drapeau blanc, arme de défense massive. Un jour, Quentin Tarantino s'excusera peut-être aussi de ses excès de zèle, voires abus de pouvoir, sur les tournages de ses films. Dans le New York Times, Uma Thurman dit que dans Kill Bill, le réalisateur lui-même lui crachait au visage et l’étranglait avec une chaîne pour les besoins de certaines scènes. En 2009, Diane Kurger raconte aussi à Parade que c'est le cinéaste qui l'étrangle dans Inglourious Basterds : «Je ne suis jamais morte dans un film avant. Là je me fais étrangler, ce qui assez bizarre (...). Le plus drôle, c’est qu’on voit les mains de Quentin sur le plan serré. Quentin a dit : "il (Christoph Waltz, NDRL) ne va pas bien le faire, ce sera trop ou pas assez. Je sais exactement ce dont j’ai besoin, et je pense que je devrais le faire moi-même."» Bref, on attend les discours de mariage.
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