LA VIPÈRE ET LA FEMME
Il était une fois une vipère, prisonnière sous un rocher, qui se débattait et appelait à l’aide. Une femme, passant au loin, fut touchée par sa détresse et accourut pour la délivrer.
À peine libérée, la vipère la fixa de ses yeux luisants et lui dit froidement :
— J’ai juré de mordre quiconque me tendrait la main.
Ébahie, la femme s’écria :
— Mais je viens de te sauver ! Comment peux-tu songer à me faire du mal ?
La vipère répondit avec un calme glaçant :
— Je te mordrai, sans pitié. C’est dans ma nature. Et la nature ne change pas, quoi qu’il advienne.
La femme, d’une sagesse tranquille, proposa alors :
— Allons. Demandons au premier animal que nous croiserons s’il te donne raison. Et si c’est le cas, tu pourras me mordre.
Elles marchèrent un moment, puis croisèrent un loup. Elles lui racontèrent toute l’histoire, avec ses moindres détails.
Le loup, sceptique, déclara :
— Je ne peux juger qu’en voyant la scène de mes propres yeux. Reproduisez-la pour moi.
Alors la femme remit prudemment la vipère sous le rocher, comme elle l’avait trouvée, et dit au loup :
— C’était ainsi, tout à l’heure.
Le loup hocha la tête et dit d’un ton grave :
— Laisse-la là. Celui qui trahit la main tendue ne mérite jamais qu’on la lui tende à nouveau. On ne récolte pas toujours la gratitude en offrant le bien. Et celui qui s’est nourri d’ingratitude ne changera jamais, quoi que tu fasses.