le mal américain
Aux Etats-Unis, les bipolaires sont devenus un phénomène de société. Les séries télé s'en emparent, les stars du show-biz n'hésitent pas à témoigner. Une "popularité" à double tranchant.
Catherine Zeta-Jones va "beaucoup mieux" après son deuxième séjour d'un mois dans une clinique psychiatrique. Le chanteur Chris Brown, célèbre pour avoir eu la main un peu lourde sur sa copine Rihanna, vient d'annoncer par voie de presse qu'il est, lui aussi, bipolaire ; membre d'un club glamour et créatif qui accueille déjà, parmi d'autres, Sting, le comique Jim Carrey, Carrie Fisher - la princesse Leia de Star Wars -, Linda Hamilton -maman guerrière de Terminator - et l'intrépide Jean-Claude Van Damme.
Les héros "bipolaires" à l'écran
D'autres proclamations devraient bientôt égayer la presse people puisque la pop star Demi Lovato, idole des ados plus connue pour son anorexie-boulimie et sa tendance à l'automutilation, vient de découvrir sa bipolarité au cours d'un internement de routine. "A posteriori, cela ne m'étonne pas, reconnaît l'enfant chérie des studios Disney. J'étais capable d'écrire sept chansons en une nuit et de rester éveillée jusqu'à 5h30 du matin." Britney Spears a eu droit, en 2008, au diagnostic gratuit et irrévocable d'un psy californien commandité par le magazine Peopleassurant (sans l'avoir rencontrée) que "son hypersexualité, ses mauvaises décisions et son impulsivité trahiss[ai]ent un comportement bipolaire classique".
L'intéressée n'a jamais démenti. Non qu'il y ait matière à chichis dans un pays où près de 6 millions d'individus, soit 2,6 % de la population adulte, selon le très officiel National Institute of Mental Health, souffrent de ces cruels troubles maniaco-dépressifs. Ce taux, le double de la moyenne mondiale, signe une étrange épidémie autant qu'un vrai phénomène de société.
Les héros "bipolaires" tiennent aujourd'hui le premier rôle à l'écran. DansHomeland, le trouble psychique de Carrie, agente de la CIA obsessionnelle, tient lieu d'intrigue centrale, comme celui de Monica Gallagher, l'imprévisible matriarche du feuilleton Shameless. Une nouvelle production de la chaîne ABC, Black Box, prévue pour avril, reposera entièrement sur les aventures quotidiennes d'une psychiatre bipolaire.
Surdiagnostic et médication à outrance
De telles entrées dans le showbiz ont pu estomper les stigmates dubipolar disorder, comme l'appellent les Américains. Un peu trop, même. "Aux Etats-Unis, la culture populaire a une influence disproportionnée sur la psychiatrie, rappelait le Dr Stuart Kaplan dans un éditorial décapant en 2011. Elle contribue à la fréquence des diagnostics, comme à l'époque de l''hystérie' au XIXesiècle." En prime, l'industrie pharmaceutique est autorisée à diffuser des publicités pour ses médicaments. Ainsi, BP Magazine, un prospère trimestriel destiné à cette importante communauté de patients, assure à ses annonceurs qu'un quart de ses lecteurs font part des pubs à leurs médecins.
A ce jeu, le surdiagnostic et la médication à outrance sont inévitables. En particulier pour les plus jeunes. Selon Kaplan, le nombre d'enfants et d'adolescents soignés pour des troubles bipolaires a été multiplié par... 40 en dix ans, passant de 20000 en 1992 à 800000 en 2002.
Une explosion due en partie à un bestseller, L'Enfant bipolaire, publié en 2000 par le psychiatre Demitri Papolos et sa femme, qui élargissait allègrement les critères de diagnostic au point d'inclure l'insolence, la rébellion, l'hyperactivité et les matins grognons parmi les signes de pathologie. Il n'en fallait pas plus, au milieu du battage des talk-shows de l'après-midi, pour préparer la relève d'une nation bipolaire...*
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