Per Olov Enquist |
MORT DU ROMANCIER PER OLOV ENQUIST, L'OBSERVATEUR ENGAGÉ
A 85 ans, l'auteur suédois laisse une œuvre documentée, de «l'Extradition des Baltes» à «Une autre vie».
Le romancier suédois Per Olov Enquist, l’auteur de l’Extradition des Baltes et du Médecin personnel du roi, est mort samedi soir à 85 ans. C’était un grand écrivain, à double titre : son œuvre, majoritairement traduite aux éditions Actes Sud depuis 1985, est considérable. Et puis, long et maigre, il mesurait presque 2 mètres.
A quoi ressemble le monde vu d’aussi haut ? Son éditeur et traducteur, Marc de Gouvenain, a souvent insisté sur le titre du premier roman d’Enquist, l’Œil de cristal (paru en 1961), et le décrit en 1985 dans le Magazine littéraire, se profilant derrière ses personnages, «s’avançant parmi les autres avec son œil d’espion et son désir de carapace d’invulnérabilité. Le corps, lui, souffre […]. Alors, le rêve : être un œil qui voit tout mais ne sent rien». Dans son autobiographie, Une autre vie (2010), Per Olov Enquist évoque la manière dont il a couvert, pour le quotidien Expressen les funestes Jeux olympiques de 1972 à Munich : «Il est un observateur timide. Grand et silencieux, il se promène et regarde. C’est sa méthode de travail. Un pin ambulant.» Le livre qui résulta de ses reportages, la Cathédrale olympique, est également écrit à la troisième personne. Qui écrit ? A quel moment de la vie prend-on le chemin de la littérature ? «Il n’était pas le seul à chercher à savoir pourquoi les choses étaient devenues ce qu’elles étaient devenues.»
«Un récit prodigieux où tout menait inexorablement en avant»
Orphelin de père, héritier du prénom d’un frère mort, Enquist imagine dans la Bibliothèque du capitaine Nemo (1992) une substitution de nouveau-né. A l’âge de 6 ans, le narrateur doit quitter le foyer privilégié qu’il a cru être le sien pour laisser la place à son double. Dans sa déchéance, sauvé cependant par son élévation morale, l’enfant a la certitude d’être protégé par le capitaine Nemo. Quelques années auparavant, l’Ange déchu (1986), bref triptyque sous-titré «un roman d’amour», conte, entre autres, l’histoire d’un homme affligé de deux têtes. Dans l’Ange déchu, on peut lire une phrase qui reviendra, presque telle quelle, dans le Médecin personnel du roi (2000) : «Je croyais autrefois que l’histoire était un fleuve qui avançait majestueusement, calmement, comme un récit prodigieux où tout menait inexorablement en avant, vers la mer.» Tous les romans d’Enquist s’emploient à pulvériser cette croyance enfantine. Il n’y a pas de linéarité de l’existence, il n’y a que des faisceaux de faits recoupés, de suppositions, de bifurcations, de visions, aussi l’écrivain doit-il parvenir à fondre dans une prose équilibrée ces éléments contradictoires.
Chaque roman d’Enquist est un dossier, social ou historique, mais les pièces ne sont pas produites dans l’ordre. Il s’agit de ne pas être démonstratif. Le souffle de la narration soulève tout ce que les analyses pourraient avoir d’austère. Le Médecin personnel du roi, adapté au cinéma en 2012 (Royal Affair, de Nikolaj Arcel) raconte «la contagion des Lumières» à la cour du Danemark en 1770. Christian VII, le roi fou, se voit flanquer d’un médecin, Struensee, par ses conseillers. Mais le médecin est trop avisé, trop éclairé. Il va plaire à la reine, mais pas à la noblesse. C’est une des rares incursions d’Enquist dans un pays étranger (il faut signaler aussi, par exemple, Blanche et Marie, traduit en 2006, qui mêle les vies de Marie Curie et d’une patiente de Charcot). Généralement, il préfère s’en tenir à l’histoire de la Suède, pour mieux en creuser les particularismes et les tares.
Fidèle à ses racines
Un de ses premiers romans, l’Extradition des Baltes, paru en 1968, et avec lequel Actes Sud en 1985 a fait connaître son œuvre, enquête sur un scandale de l’immédiat après-guerre, quand le gouvernement de la Suède renvoie en Union soviétique des réfugiés militaires originaires des pays baltes qui avaient combattu, malgré eux ou pas, dans les rangs de l’armée allemande. Enquist devait écrire, à propos de ce livre, qu’il avait voulu poser quelques questions «à propos du grand schéma idéologique et du petit schéma humain qu’il enferme, à propos des mécanismes politiques et des victimes de ces mécanismes» (préface à la nouvelle édition parue en poche chez Babel). La culpabilité, l’effort et la chute sont des thèmes qui reviennent, dans le Cinquième hiver du magnétiseur (1964), ou dans le Second (1971), magnifique fiction sur le sport à travers la figure d’un champion du lancer de marteau qui a réellement existé, un représentant de la classe ouvrière qui finit dans l’enfer des tricheurs.
Enquist lui-même est resté fidèle à ses racines. Issu d’une lignée paysanne, fils d’une institutrice qui l’éleva selon les stricts principes de la religion, il est entré en littérature comme le provincial qu’il était : en restant sur ses gardes. Il était sans doute représentatif de la littérature engagée et réflexive des années 60 et 70, mais possédait, outre son talent, une originalité particulière. Etudiant, il ne disait jamais à l’université qu’il était un sportif de haut niveau. Et au stade (saut en hauteur), personne ne savait qu’il allait à la fac. Dans le Livre des paraboles, sous-titré lui aussi «un roman d’amour» (2013), son dernier livre, qui prolonge son autobiographie, Per Olov Enquist écrit : «Voilà pourquoi il s’embrouillait. Comme s’il y avait ce tas de bouquins par terre devant lui et qu’il envoyait un coup de pied dedans, comme s’il n’était pas coupable ! Comme s’il se départageait. Une part de lui-même était la part couchée par écrit, celle qu’il nommait. Une autre était le frère, mort au bout de deux minutes à l’état de fœtus, à peine arraché du ventre vorace de la Mère. C’était lui qui détenait la solution.»
LIBÉRATION
FICCIONES
Triunfo Arciniegas / Diario / Peter Olov Enquist
Casa de citas / Jesús Ferrero / Per Olov Enquist
Casa de citas / Per Olov Enquist / Vaca de cría
Casa de citas / Per Olov Enquist / El cuerpo de la reina
Casa de citas / Per Olov Enquist / La marca
Casa de citas / Per Olov Enquist / Margrethe
DE OTROS MUNDOS
Per Olov Enquist / "Suena cursi, pero un libro me salvó la vida"
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Per Olov Enquist o la novela abisal / La biblioteca del capitán Nemo
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Per Olov Enquist / "Suena cursi, pero un libro me salvó la vida"
Per Olov Enquist / La visita del médico de cámara / Fragmento
DRAGON
The Wandering Pine by Per Olov Enquist
Per Olov Enquist, celebred Swedish author, dies aged 85
Per Olov Enquist / "An upbringing like mine marks you like a breanding iron"
Per Olov Enquist / The Story of Blanche and Mary / A deadly blue light
Introduction / Per Olov Enquist
PESSOA
Morreu o escritor sueco Per Olov Enquist, aos 85 anos
RIMBAUD
Mort du romancier Per Olov Enquist, l'observateur engagé
Per Olov Enquist / Au Royaume de Danemark
DANTE
È morto lo scrittore svedese Per Olov Enquist
Per Olov Enquist / Il medico di corte
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