lundi 14 décembre 2020

Kim Ki-duk / Disparition d’un cinéaste du silence

 

Kim Ki-duk au Locarno Film Festival, août 2003. — © Martial Trezzini / Keystone


Kim Ki-duk, disparition d’un cinéaste du silence

Le prolifique réalisateur coréen est décédé à quelques jours de son 60e anniversaire du Covid-19. Le succès de «Printemps, été, automne, hiver… et printemps» l’avait fait connaître du grand public

Stéphane Gobbo
Publié vendredi 11 décembre 2020 à 18:59
Modifié vendredi 11 décembre 2020 à 18:59

Au milieu des montagnes, un lac. Au milieu du lac, une petite île artificielle en bois. Sur l’île, un temple bouddhiste. Et dans le temple, un moine et son jeune disciple. Dévoilé au Locarno Film Festival en 2003, sorti en Suisse romande l’année suivante, Printemps, été, automne, hiver… et printemps est un film contemplatif et philosophique, empreint de confucianisme et dénué de dialogues inutiles. Plus de quinze ans avant le triomphe international du Parasite, de Bong Joon-ho, ce long métrage d’une grande délicatesse, réalisé par Kim Ki-duk, révélait au monde la puissance du cinéma sud-coréen, en pleine renaissance après des années de disette, dues notamment à la dictature.

Primé dans les quatre plus grands festivals européens (Cannes, Venise, Berlin et Locarno), Kim Ki-duk aurait dû fêter le 20 décembre prochain son 60e anniversaire. Il est décédé vendredi dans un hôpital de Riga du Covid-19. Il était en voyage en Lettonie dans le but d’acheter une maison sur les rives de la mer Baltique. Peut-être pour échapper à la pression subie en Corée depuis les accusations de violences psychologiques et physiques, et même de viol, portées ces dernières années à son encontre par plusieurs actrices. Réfutant ces accusations, le cinéaste avait de son côté porté plainte pour diffamation. Réalisé en 2018, Human, Space, Time and Human n’est, suite à ces allégations, toujours pas sorti.

Personnages silencieux

Né en 1960 dans la province de Gyeongsang, à l’est de la péninsule, Kim Ki-duk commence par suivre les cours d’un lycée agricole avant de s’engager dans la marine. C’est en France qu’il étudiera finalement au début des années 1990 les beaux-arts, avant de revenir en Corée et de se lancer dans le cinéma en autodidacte. De son goût pour la peinture, il gardera une approche très picturale du cinéma, construisant ses plans comme des tableaux, ne privilégiant jamais le fond au détriment de la forme, ce qui lui vaudra d’être parfois taxé de maniériste.

A lire: Pas d’essoufflement pour Kim Ki-duk

Après quelques expériences de scénariste, il réalise son premier film, Crocodile, en 1996. Il ne s’arrêtera jamais, signant en moyenne un long métrage par an. Au côté d’Im Kwon-taek, Im Sang-soo ou Hong Sang-soo, il deviendra alors un des meilleurs ambassadeurs du cinéma coréen. Remarqué pour la première fois sur la scène internationale avec L’Ile (2000), sélectionné à la Mostra de Venise, il connaîtra donc son plus grand succès avec Printemps, été, automne, hiver… et printemps, sa neuvième réalisation. Ce qui permettra à ses films suivants de connaître une plus large distribution. En 2004, il poussera à l’extrême son goût pour le silence: les deux personnages principaux de Locataires n’échangent à l’écran aucun mot. S’ils se parlent, c’est dans le hors-champ, dans ce qui n’est pas filmé. Le cinéaste usera dès lors d’une rhétorique faite uniquement de gestes et de regards pour construire une histoire d’amour aussi simple que bouleversante.

Cinéma de la dualité

Dans la foulée, il racontait dans L’Arc (2005) l’improbable histoire d’un vieil homme retenant prisonnière une jeune fille en attendant de l’épouser le jour de ses 17 ans. Décidant à nouveau de priver ses personnages centraux de dialogues, il passait cette fois à côté de son sujet, usant de métaphores lourdes. A partir de là, il creusera le sillon d’un cinéma de la dualité. Deux ans plus tard, il reprendra dans Souffle ce dispositif de l’opposition; opposition des mots (des personnages parlent, d’autres non) et des lieux (une prison dont on ne voit que des murs décatis face à des espaces très contemporains). Cycle de la vie, errance et fuite, amours contrariées ou impossibles, sexe et violence: ses thèmes de prédilection l’ont vu se construire une filmographie parmi les plus solides et cohérentes du cinéma de ces vingt dernières années.

En 2012, l’ambitieux Pietà, sur la tentative de rédemption d’un petit malfrat redécouvrant sa part d’humanité dans une société corrompue par l’argent, lui vaudra le Lion d’or vénitien. Ce film restera malheureusement inédit en Suisse. Il y a trois ans, à l’enseigne du festival genevois Black Movie, on a en revanche eu la chance de découvrir The Net, brillante tragicomédie politique racontant l’histoire d’un pêcheur nord-coréen se retrouvant suite à un accident au sud, où il sera accusé d’espionnage. Après Human, Space, Time and Human, Kim Ki-duk a tourné au Kazakhstan un autre film resté inédit, Dissolve. Il semble probable que sa carrière, suite aux accusations de harcèlements et violences, était en train de toucher à son terme.

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