mercredi 21 septembre 2016

Brad Pitt et Angelina Jolie, un divorce de cinéma




Brad Pitt et Angelina Jolie, un divorce de cinéma

LE MONDE | 21.09.2016 à 18h05 

Par Violaine Morin








Brad Pitt et Angelina Jolie Pitt dans le film d'Angelina Jolie Pitt, « Vue sur mer » (« By The Sea »), sorti en salles le 9 décembre 2015.Brad Pitt et Angelina Jolie Pitt dans le film d'Angelina Jolie Pitt, « Vue sur mer » (« By The Sea »), sorti en salles le 9 décembre 2015. UNIVERSAL PICTURES

Est-ce que vous avez entendu que Brad Pitt et Angelina Jolie divorcent ? Le « power couple » hollywoodien n’est plus. Le site TMZ a dévoilé les documents officiels le 20 septembre, Internet a tressauté et des réactions plus ou moins rationnelles ont suivi : spéculations sur les raisons du divorce ou conjectures sur la réaction de l’ex d’il y a douze ans, Jennifer Aniston. CNN a même trouvé le moyen d’interroger George Clooney sur le sujet, à quelques minutes du dernier discours de Barack Obama à l’Assemblée générale de l’ONU. Le deuil de « Brangelina » s’immisce partout.



Les retombées médiatiques et réactions hystériques qui ont suivi cette annonce prouvent que Brad et Angelina avaient touché une corde sensible. Pas uniquement grâce à leurs carrières respectives d’acteurs, producteurs et réalisateurs, mais aussi en dégageant, dans leur « vraie vie », une impression de générosité (car investis dans de nombreux projets humanitaires), de courage (Angelina Jolie qui partageait ses problèmes de santé), de progressisme (l’une de leurs filles préférerait être un garçon, un choix qu’ils ont publiquement embrassé).


Pourquoi cette nouvelle a-t-elle fait un tel effet ? (Et vous aurez beau dire que tout le monde s’en fout, quelqu’un vous en a forcément parlé). Parce qu’à force d’avoir l’impression de les côtoyer pendant une décennie, on a un peu ressenti personnellement leur rupture. Même si cela ne nous concerne pas, on cherche à comprendre pourquoi, quitte à se projeter dans leur échec. Titiou Lecoq, dans Libération, parle de la « normalité » attachante mise en scène par le couple. Au point qu’elle aussi aurait pu « finir par larguer Brad Pitt ».



Entre les lignes des dialogues de cinéma






On peut également choisir de lire rétrospectivement la carrière cinématographique de Brad et Angelina au rythme de leur histoire d’amour. Les deux acteurs se rencontrent sur le tournage de la comédie Mr & Mrs Smith, de Doug Liman, en 2005, et se quittent peu après avoir partagé l’écran dans Vue sur mer en 2015, un film écrit et réalisé par Angelina Jolie qui raconte à huis clos la lente déréliction d’un couple.



Pour le Guardian, Mr & Mrs Smith était bien la mise en scène métaphorique de l’amour-haine qui anime les « power couple », une dose de passion et une autre de compétition. Vue sur mer étant, bien sûr, lu a posteriori comme une exploration autobiographique de la fin de l’amour.

Comme toute séparation hollywoodienne des hautes sphères, celle du couple Pitt-Jolie est accompagnée de son lot de rumeurs distillé par les tabloïds. Elles aussi s’entremêlent, entre cinéma et réalité : Brad Pitt aurait une aventure avec une actrice de son prochain film, dont la bande-annonce vient, comme par hasard, d’être mise en ligne, le lendemain de l’annonce du divorce. Dans Allied, de Robert Zemeckis, un drame situé à Casablanca en 1942, Marion Cotillard interprétera avec Brad Pitt un faux couple marié pour les besoins d’une mission. Faux couple qui découvre assez vite avoir des sentiments bien réels. Dans le film.

Les divagations des tabloïds semblent reposer uniquement sur la participation des deux acteurs au film. Comme s’il était normal, depuis 2005, de deviner la vie réelle de ces acteurs et actrices entre les lignes de leurs dialogues de cinéma. Mais pourquoi ? Une performance cinématographique ne pourrait-elle pas simplement rester séparée de la vie, sans que l’on vienne lire une allégorie du mariage dans des superproductions hollywoodiennes ?

Brad et Angelina, ou la montée de « l’acteurisme »








Sur ce point, le critique de cinéma américain Richard Brody livre une analyse intéressante : Brad Pitt et Angelina Jolie incarnaient parfaitement les changements successifs dans la façon dont nous appréhendons à la fois la vie privée des stars et la figure de l’acteur de cinéma.



La machine de communication d’Hollywood n’exerce plus aujourd’hui le même contrôle sur la presse, les producteurs ne maîtrisent plus la vie publique des acteurs comme autrefois, explique Richard Brody, en rappelant le scandale provoqué par le divorce d’Ingrid Bergman, qui a eu un enfant avec Roberto Rossellini avant de l’épouser en secondes noces.

Brad Pitt et Angelina Jolie ont d’ailleurs toujours exercé un contrôle sévère sur les aspects de leur vie privée qui filtraient ou non, négociant âprement les photographies de naissance de leurs enfants ou la révélation des opérations chirurgicales d’Angelina Jolie. Jusqu’au divorce, dont ils ont maîtrisé l’annonce par communiqué. Le pendant de ce phénomène est que les acteurs sont plus exposés que jamais. Richard Brody :

« Même si on ne sait jamais vraiment quoi que ce soit d’un acteur, on en sait quand même beaucoup, voire beaucoup trop. Et cette pléthore de connaissances a un effet particulier sur la réception et la conception des films. »

Cette exposition génère en retour une « humanisation » des acteurs, qui cessent d’être des produits calibrés par les studios qui les emploient pour devenir des personnes à part entière. Et ce changement a des conséquences sur la réception des films, note Richard Brody. « L’humanité » des acteurs pousse les critiques de films à reconnaître l’importance de la présence physique et de la performance.

« La reconnaissance de l’humanité des acteurs – la reconnaissance du simple fait de leur présence physique, des risques physiques et émotionnels inhérents à leur apparition à l’écran, et, partant, à la spirale infinie de rumeurs que génère la vie en pleine lumière – a profondément transformé la critique de cinéma. »


La performance artistique des acteurs tend à prendre de l’importance, par opposition à la direction de ces derniers, qui relève de la responsabilité du réalisateur : « Nous vivons une montée de “l’acteurisme”par opposition à “l’auteurisme”. » L’héritage de Brad-Pitt-Angelina-Jolie sera loin de n’être que des photographies retouchées sur tabloïds en papier glacé.


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