mercredi 2 août 2017

Des femmes, du muscle, des bodys pailletés / l'incroyable show du catch féminin


Des femmes, du muscle, des bodys pailletés : l'incroyable show du catch féminin

Par Marion Galy-Ramounot | Le 27 juin 2017

GLOW, la nouvelle série survitaminée de Netflix, nous plonge dans l'univers loufoque de la lutte théâtrale pour femmes. Un monde inconnu pourtant en pleine révolution.

Imaginez «Zoya the Destroya», justaucorps bleu lamé et brushing soufflé façon Dallas, affrontant l'épouvantable Britannica sur un ring à trois cordes, à coups de «Snake eyes», «Shoulderbreakers» et «Powerbombs», le tout dans un remake douteux de L'Agence tous risques. N'ayez pas peur, vous êtes dans GLOW, la nouvelle série Netflix adaptée du show télévisé éponyme diffusé aux États-Unis entre 1986 et 1989. GLOW ou Gorgeous Ladies Of Wrestling («Magnifiques dames du catch», en VF), ce groupe de catcheuses non professionnelles dans le Los Angeles de 1985, qu'intègre Ruth Wilder (Alison Brie), aspirante actrice lassée des rôles de secrétaires insignifiantes.
«On a beaucoup travaillé sur les univers des hôpitaux et des prisons auparavant», nous expliquent les créatrices de la série Liz Flahive et Carly Mensch - qui a signé, entre autres, le scénario d'Orange is the New Black. «S'imprégner du monde du catch, des premières catcheuses Mildred Burke et The Fabulous Moolah, lire des bouquins sur l'ère Reagan... Tout cela a été extrêmement rafraîchissant.»

Divas "made in USA"

GLOW, la série Netflix
Sam Sylvia, le réalisateur de GLOW dans la série, et ses catcheuses.
Mais que les choses soient claires, le catch n'est pas juste l'excuse à une nouvelle belle histoire branchée signée Netflix. Le catch féminin est vraiment de retour. Christophe Agius, le Nelson Monfort du catch grosso modo, parle même de «véritable révolution féminine dans la WWE (la World Wrestling Entertainment, ou, grosso modo, l'industrie du catch mondiale, NDLR)». Pour le commentateur sportif qui sévit sur les chaînes AB1 et RTL9 avec Philippe Chéreau, «les catcheuses d'aujourd'hui sont mises dans les mêmes conditions de combat que les hommes. Elles ont autant de temps de match, autant de temps de parole». Les femmes fans de catch, elles, sont de plus en plus nombreuses. «Elles recherchent le show, ce divertissement un peu fou où l'on peut se lâcher et crier, et elles le partagent sur les réseaux sociaux.»
Charlotte Flair et Sasha Banks, catcheuses pro
Charlotte Flair VS Sasha Banks, WWE Live, Munich, 3 novembre 2016.
Si vous avez l'impression d'avoir été cryogénisés pendant de longues années, c'est normal. Cette révolution n'a pas eu lieu en France, elle est même entièrement made in USA. Sur le ring aujourd'hui, les «divas» (les filles de la division féminine de la WWE) s'appellent Charlotte FlairNaomi ou Sasha Banks, et dépassent toutes le million de followers sur Twitter. «Elles utilisent de plus en plus leurs vrais noms, elles parlent de leurs vraies vies», expose Christophe Agius. «Athlétiquement, elles sont incroyables et dieu merci, elles ne sont plus habillées ni coiffées comme dans les années 1980.»
Dans GLOW, Zoya the Destroya et ses copines sont effectivement recrutées pour être jolies avant tout, là où le catch est celui que l'on regardait il y a vingt ans sur Canal +, c'est-à-dire très caricatural. «Il y avait l'Américaine, l'Indienne, l'Asiatique, les clichés habituels autour de l'actualité politique, l'invasion des Russes par exemple...», résume le commentateur.
Aujourd'hui, le story-telling est plus abouti. «Les gens regardent ça comme une télé-réalité, trois heures en prime time le lundi, deux heures en prime le mardi, avec des personnages qui évoluent continuellement.» Charlotte Flair est «la reine», toujours sous une cape impériale, autoproclamée supérieure génétiquement parce qu'elle est la fille de Ric Flair, l'homme le plus titré de l'histoire du catch. Sasha Banks, la cousine de Snoop Dogg, se fait appeler «The Boss»... «Tout cela peut paraître "débile" de l'extérieur, mais le catch réunit 100.000 personnes dans un seul et même stade.» La WWE, elle, est cotée en bourse et n'a jamais gagné autant d'argent qu'en 2016 - 714 millions de dollars. Ces «divas», donc, n'ont jamais été aussi scrutées. Elles reviennent pourtant de loin.

"Déménageuses"

Clara Mortenson et Lucy Murphy, catcheuses dans les années 1940
Clara Mortenson et Lucy Murphy s'affrontent en 1937 à Atlanta.
«Aux États-Unis, après la Seconde Guerre mondiale, les premières catcheuses ont fait ça dans un mouvement d'émancipation. Parmi celles qui ne voulaient pas retourner à la maison, certaines ont eu envie d'apprendre à se défendre, à se faire respecter par les garçons.» Le catch féminin naît dans les années 1950, une dizaine d'années avant le Women's lib - le Mouvement de libération des femmes (MLF) américain. «Au début, elles ne sont pas recrutées sur des critères de beauté, elles sont même assez brutales, raconte Christophe Agius. L'avènement de la télévision et de l'image changeront la donne. Une jolie fille fait toujours vendre plus de billets.»
Marc Mercier est aujourd'hui président de la Fédération française de catch (FFCP). En 1986, il a été champion du monde. À l'époque où Hulk Hogan et sa moustache blonde en fer à cheval régnaient sur le catch américain, pour lui c'était le temps des tournées à travers l'Europe. «Il y avait toujours trois ou quatre femmes avec nous sur les routes», se souvient Marc Mercier. «Enfin, je vous parle de femmes, mais c'était plutôt des bonhommes, genre déménageuses avec des oreilles en choux-fleurs. Elles se changeaient devant nous et on ne les regardait pas», raconte ce grand nom du catch français, qui recrute aujourd'hui la relève. «Elles s'entraînaient comme nous, se vrillaient, s'esquintaient. Pour avoir des enfants, ça devenait compliqué. Elles tapaient dans les ovaires, dans les seins, beaucoup d'entre elles avaient des poitrines déformées.» Quand on lui demande pourquoi ces jeunes femmes montaient sur le ring, il répond «pour les mêmes raisons que les hommes. Pour ne pas aller à l'usine. Quand on n'était pas polytechnicien et qu'on n'avait pas la voix de Patrick Bruel, on faisait parfois ce choix.»
Un combat de catch féminin dans les années 1970
Un combat de catch féminin dans les années 1970.
À la fin des années 1980, l'évolution du catch féminin a surtout lieu au Japon. «Les Japonaises s'entraînaient pour encaisser des chocs beaucoup plus durs que les Américaines, décrypte Christophe Agius. Elles s'exercaient aux chutes sur la nuque, notamment, là où vous et moi aurions fini en fauteuil roulant.»

Les catcheuses japonaises vues par «52 sur la une»

Dans le milieu du catch, on dit qu'au Japon c'est un sport, au Mexique une religion, et aux États-Unis une farce. En France ? «À l'époque où le catch était encore un sport bankable, rares étaient les femmes qui passaient à la télé, c'était vulgaire», précise Marc Mercier. Vingt-cinq ans plus tard, les choses n'ont pas vraiment évolué. «Mon père, Guy Mercier, a lutté pendant huit ans pour que les catcheurs aient un statut social. Il a dénoncé la mafia du catch, les matchmakers et les chaînes de télévision qui payaient au black. C'est à ce moment-là qu'on a arrêté d'être diffusés et que la WWE a pris le marché.»

Mila Smidt et Anna Konda

À 19 ans, Edwige rêve pourtant d'être l'une de ces superstars de «la troisième corde» - située à 90 centimètres du tapis de ring. La Bisontine poursuit sagement sa licence à la faculté de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), en s'entraînant deux heures par jour à la salle de musculation, et tous les soirs de la semaine à la lutte. «C'est après avoir vu mon premier match de catch à 9 ans que j'ai voulu m'y mettre. Le combat opposait Lita à Victoria, deux légendes qui m'ont beaucoup inspirée.» Dans ce sport, Edwige aka Mila Smidt, son nom de ring, aime «la force et l'agilité», ces femmes à la fois puissantes et très féminines. Pour toutes ses raisons, «et parce qu'elle n'est pas bête», Marc Mercier et la fédération française de catch professionnel lui ont fait signer son premier contrat de pro. Au départ, sa famille «n'était pas très enthousiaste à l'idée qu'(elle) fasse du catch, mais aujourd'hui ce sont (ses) plus grands fans».
Anna Konda, catcheuse berlinoise
Anna Konda, fondatrice du Female Fight Club à Berlin, en 2010.
En parlant de fans, la fondatrice du Female Fightclub Berlin, en a des milliers. Anna Konda, 100 kg, 1,63 m, aurait même reçu des centaines de demandes en mariage des quatre coins du monde. Elle a ouvert son club en 2010 pour enseigner aux femmes les meilleures techniques d'autodéfense, pour leur prouver qu'elles aussi, elles peuvent être fortes. «J'ai toujours eu le désir de dominer les hommes», nous confie-t-elle depuis son canapé berlinois. «Aujourd'hui, on ne peut plus raconter cette stupide histoire qu'une grande femme musclée ne peut pas mettre un homme au tapis. Bien sûr que nous le pouvons. Très facilement, la plupart du temps.» En combats de catch, Anna Konda est invaincue depuis quatre ans. «Des catcheuses viennent du monde entier pour me combattre. Mais je me bats contre des hommes, aussi.» Des hommes qui pour beaucoup sont devenus accrocs au fight club de la Berlinoise. «Je les domine, je les punis, je leur fais mal, et ils aiment ça. Certains ne se laissent pas faire et je suis obligée d'aller au bout de leur résistance, jusqu'à parfois leur casser quelques os.» Pas de rires.




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