lundi 22 juin 2020

Carlos Ruiz Zafon / «L'Ombre du vent» / L'homme qui brûlait les livres


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Carlos Ruiz Zafón

«L'Ombre du vent»

L'homme qui brûlait les livres


C'est encore Barcelone qui inspire «L'Ombre du vent», excellent roman sur une trame policière et fantastique zigzagant de 1933 à 1966.

Carlos Ruiz Zafón
L'Ombre du vent.
Trad. de François Maspero.
Grasset, 526 p.

Par Jean-Charles Gateau
Publié samedi 1 mai 2004 à 02:08



Carlos Ruiz Zafón — Wikipédia
Carlos Ruiz Zafón
«L'ombre du vent» (La Sombra del viento, 2001): encore un de ces romans inespérés qui déboulent de Catalogne, comme pour démontrer que Madrid n'est plus la capitale intellectuelle de l'Espagne, tout au plus une sorte de Canberra d'où l'on gouverne. De Carlos Ruiz Zafón, inconnu jusqu'ici en France, on nous dit qu'il a 40 ans, qu'il vit à Los Angeles, et que ce roman a obtenu le Prix Planeta. Prix mérité, parce que c'est un excellent roman barcelonais où, sur une trame policière et fantastique qui zigzague de 1933 à 1966, l'observation aiguë du quotidien se marie à la fertilité de l'imagination.
Le livre s'ouvre sur une idée borgésienne: il y aurait à Barcelone un lieu connu d'un tout petit nombre d'initiés bibliophiles le Cimetière des livres oubliés, un labyrinthe d'escaliers, de corridors et de rayonnages sans aucun classement, croulants de livres oubliés attendant qu'un lecteur vienne les ressusciter. Au cours de l'été 1945, le libraire d'anciens et d'occasions Sempere père y emmène son fils Daniel, bientôt
10 ans. La coutume permet, à la première visite, d'emporter et de garder un livre. Le gamin finit par choisir L'Ombre du vent, de Julián Carax, (Cabestany Ed., Barcelone déc. 1935). Il le dévore toute la nuit avec fièvre, et se promet de lire tous les livres de cet auteur.
Son père, qui ignore tout de Carax, emmène Daniel chez un collègue plus huppé et plus savant, Barceló, qui feint l'indifférence mais fait plusieurs offres que le gamin décline, puis lui donne rendez-vous: il lui révèle que c'est l'unique exemplaire survivant, tous les autres ont brûlé. Et il lui présente sa nièce Clara,
20 ans, aveugle et délicieuse, comme l'unique spécialiste de Carax. Clara a lu La Maison rouge de Carax en France où son père l'avait mise à l'abri au début de la guerre civile, et cherché vainement à en savoir plus sur l'auteur et son œuvre. Ce qu'elle sait, c'est qu'un étrange individu recherche, achète et brûle les livres de Carax.
Daniel se propose pour faire la lecture à Clara, s'en éprend. Pour ses 16 ans, il invite les Barceló, mais ils ne viennent pas. Furieux, l'adolescent sort marcher dans la nuit. Un homme l'aborde; lui propose de racheter son Carax… Pour le brûler. A la lueur d'un briquet Daniel découvre avec épouvante que l'inconnu n'a ni nez, ni lèvres, ni paupières: une face carbonisée, toute en cicatrices.
Daniel enquête toujours et apprend beaucoup sur Carax; fils du chapelier Fortuny et de Mme née Carax. Protégé par l'industriel Aldaya qui a découvert ses dons et lui a payé d'excellentes études, Julián s'était épris de Penelope, la fille d'Aldaya, ils devaient fuir par le même train pour Paris – mais elle avait manqué le train. Seul à Paris, Carax publie quelques romans. En 1936, on trouve à Barcelone son cadavre avec en poche l'une de ses œuvres et son passeport, porteur du tampon frontalier. Mais est-ce vraiment Carax? Ce n'est pas l'avis du sinistre Fumero, un tueur sadique, qui se retrouvera dans la police franquiste et traquera Carax. Fumero connaîtra le sort qu'il mérite.
Ce roman prolixe défie le résumé dans sa foule de personnages, de coups de théâtre, d'intrigues emboîtées, de tiroirs qui ouvrent sur d'autres tiroirs. Il fait songer à Eugène Sue, au Fantôme de l'opéra de Gaston Leroux, au Maître et Marguerite de Boulgakov. On doit s'y prendre à plusieurs reprises et dans les deux sens pour le lire. Au dénouement, Daniel est un libraire de 30 ans qui a épousé Bea et emmène leur fils de 10 ans, baptisé Julián, au Cimetière des livres oubliés. La boucle est-elle bouclée? Non. A son retour, Daniel découvre un colis qui sent l'encre fraîche: L'Ange de brume, posté de Paris avec une dédicace pour lui et Bea. Il sait alors que Carax, qui s'était défiguré pour détruire tous ses livres dans l'incendie des entrepôts Capestany, est sorti de sa folie autodestructrice et a retrouvé le goût d'écrire.
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