vendredi 6 août 2021

« Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac », sur Arte / Sur les traces de l’homme inca qui inspira Hergé






« Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac », sur Arte : sur les traces de l’homme inca qui inspira Hergé

Frédéric Cordier montre l’enquête menée par des scientifiques sur le squellette à l’origine du personnage de l’album de BD « Les Sept Boules de cristal ».



Par Frédéric Potet
Publié le 29 juillet 2021 à 17h00

Qui es-tu Rascar Capac ? Le voile se lève sur la momie inca des Sept Boules de cristal, treizième album des aventures de Tintin, publié en 1948. Les tintinophiles avertis savaient, jusque-là, que ce mort-vivant aux pouvoirs maléfiques avait été inspiré à Hergé par la visite que celui-ci fit d’une exposition de vestiges précolombiens à Bruxelles, vingt ans plus tôt.

Que connaît-on, en revanche, du défunt desséché qui prêta ses traits horrifiques au personnage ? A quelle époque et à quelle classe sociale appartenait-il ? Conservateur de la collection Amérique du Musée art et histoire de Bruxelles, Serge Lemaitre a mené l’enquête. Aidé d’une consœur archéologue, Caroline Tilleux, il a exhumé la fameuse momie des réserves où elle sommeillait afin de reconstituer son pedigree.

Etonnant destin que celui de ce squelette embaumé d’un homme d’une trentaine d’années qui vécut probablement entre 1480 et 1560 dans la région d’Arica, au nord de l’actuel Chili. Peu s’en fallut pour qu’il ne parvienne jamais en Europe : le bateau sur lequel l’avait fait embarquer un baron et aventurier belge fit en effet naufrage au large de Valparaiso, en 1840. Le spécimen finit par rejoindre Bruxelles et son musée royal, aux côtés d’une poignée de momies datant de la période précédant la conquête espagnole.

Jeu de piste

Pour percer ses origines, Serge Lemaitre et Caroline Tilleux ont employé les grands moyens : scanner, analyse toxicologique, spectromètre de masse, datation au carbone 14… Rejouée sous la caméra de Frédéric Cordier, leur investigation archéologico-médico-légale se déploie comme un jeu de piste, qu’il est plutôt agréable de suivre devant son écran.

Mais, sans surprise, leur rêve secret ne se réalisera pas : le « Rascar Capac » du Musée art et histoire de Bruxelles n’est pas un empereur inca – l’équivalent d’un Ramsès II dont la découverte aurait fait la « une » de la presse internationale – ni même le haut dignitaire d’une société dont la caractéristique était d’embaumer les êtres humains sans distinction de rang.

Les momies paradaient alors en ville et étaient consultées avant des prises de décision politiques ; on leur donnait même à manger et à boire. Là est le principal intérêt de ce documentaire à vocation anthropologique : éclairer la façon dont les civilisations précolombiennes célébraient la mort, une simple continuation de la vie selon elles.

 Les amateurs de bandes dessinées resteront, eux, sur leur faim. Le processus de création de Rascar Capac est peu décrypté dans le film. Le rôle de l’assistant de Hergé, un certain Edgar P. Jacobs (le futur père de Blake et Mortimer), n’est ainsi nullement évoqué alors que c’est lui qui exécuta les premiers croquis de la momie originelle, décalqués à partir des ouvrages de la bibliothèque du musée.

N’est pas plus mentionné le contexte dans lequel Hergé conçut le personnage, en mars 1944, dans les pages du Soir, alors sous contrôle de l’occupant allemand. Coupable d’avoir continué à travailler pour un journal passé à l’ennemi, le maître de la ligne claire endura par la suite une période de quarantaine, ainsi que la perspective d’un procès où il ne fut finalement pas convoqué. Mais cela est une autre histoire.

Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac, un documentaire de Frédéric Cordier (Fr., 2019, 52 mn), jusqu’au 2 août.

LE MONDE




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