mardi 9 février 2016

Stephen King / “L’essentiel, pour tout écrivain, est d’écrire sur ce qu’il connaît”

Stephen King

Stephen King : “L’essentiel, pour tout écrivain, est d’écrire sur ce qu’il connaît”


Cécile Mury et Nathalie Crom
Publié le 28/10/2013. Mis à jour le 30/10/2013 à 19h06.

Le maître de l'épouvante publie “Docteur Sleep”, suite du mythique “Shining”. Avant sa venue en France, il a accordé un entretien exclusif à “Télérama”, qui lui consacre un dossier spécial.
Nous avons pu parler à Stephen King, une heure durant, un après-midi d'octobre. Dans le Maine, où il habite, il était entre 8 et 9 heures du matin. L'homme nous est apparu aimable, affable, gai. Précis et réfléchi dès lors qu'il était question d'écriture. Il sera à Paris, mi-novembre, pour rencontrer ses lecteurs. Télérama et télérama.fr lui consacrent un dossier spécial. Une semaine pour explorer l'univers complexe et foisonnant d'un écrivain qui saisit depuis quarante ans l'Amérique et ses démons.
Nous vous présentons ci-dessous un condensé de l'entretien qu'il à accordé en exclusivité à Télérama. Et découvrez cette semaine sur Télérama.fr un portrait de son plus grand fan australien, une sélection des ses meilleurs romans, ainsi qu'une analyse des étranges rapports qu'il entretient avec ses adaptations sur petit ou grand écran.





Retrouvez l'entretien intégral avec Stephen King dans Télérama, en kiosques mercredi 30 octobre.


Shining et Docteur Sleep

« De tous les personnages que j’ai créés, Danny est le seul à être demeuré dans mon esprit. Et lorsque je suis face à mes lecteurs, il y a toujours quelqu’un pour me demander : mais qu’est-il arrivé au petit garçon de Shining ? Moi-même je m’interrogeais sur lui. Je savais un certain nombre de choses sur Danny Torrance : il était devenu alcoolique, comme son père ; et comme lui il était très mauvais, violent, lorsqu’il était saoul. Je savais que ces comportements se transmettent, mais je me demandais aussi s’il réussirait à s’en extraire.
J’ai multiplié, à un moment de ma vie, les expériences avec l’alcool, et les drogues en général. Shining et Docteur Sleep sont autobiographiques au sens où, oui, j’ai été un alcoolique, dépendant. Mais jamais je n’ai été violent ! Dans l’écriture, quel que soit le sujet, l’imagination est première. Quand j’ai entrepris de donner cette suite àShining, je ne me suis évidemment pas retourné vers le film (de Stanley Kubrick, NDR), mais vers mon propre roman, que j’ai relu deux fois, pour me réacclimater. Parce que le passé conditionne et définit le présent. Parce que, quand un individu grandit, il est imprégné, influencé par ce qui lui est arrivé quand il était enfant. »

Ecrire pour jouer

« Voyez-vous, les enfants jouent, inventent des histoires ou des chansons, toutes choses que les adultes, intégrés dans la société, ne peuvent plus faire. Après, ils grandissent, ils vont à l’école, puis trouvent un travail, qu’ils n’aiment pas forcément, mais il faut bien vivre et faire vivre sa famille. Mais certains d’entre nous, peu nombreux, les écrivains, les cinéastes, les artistes, ont la chance d’être autorisés à demeurer des enfants toute leur vie. Nous ne quittons jamais la cour de récréation ! Notre « job » consiste à jouer pour ceux qui n’ont plus le temps, ou l’envie, ou la possibilité de le faire. Je suis très bien payé pour ce que je fais, je peux entretenir ma famille, mais franchement, je le ferais même gratuitement. »

L’Amérique

L’essentiel, pour tout écrivain, est d’écrire sur ce qu’il connaît. Il se trouve que je vis, et que j’ai toujours vécu, entouré de gens ordinaires. C’est un effet naturel du travail romanesque : je suis américain, je ne peux pas y échapper, l’Amérique est omniprésente dans mes livres depuis quarante ans. J’essaie de la regarder à partir de différents lieux et points de vue. Cela ne veut pas dire que j’aime mon pays de façon univoque, que je le regarde à travers des lunettes roses. J’aime, ici, le sens de la famille, les paysages, car je suis un homme de la campagne. Mais il y a beaucoup de choses que je critique dans mes romans : la circulation des armes à feu, le tempérament militaire, la passion aveugle pour l’argent… Ce que je voulais faire, avec Dôme, par exemple, c’était prendre cette petite ville du Maine et dire au lecteur : voilà le monde dans lequel nous vivons, mettons-le sous cloche et nous aurons un regard plus pointu sur une communauté humaine, lorsque surgit une crise, les gens se cherchent un leader, un homme fort – sans forcément s’interroger pour savoir s’il s’agit d’un homme bon, qui a de bonnes idées. Avec Dôme, j’ai essayé d’évoquer George W. Bush, Dick Cheney, des leaders, mais pas forcément intelligents ni bons.

Démons et terreurs

J’aime les fantômes, les histoires qui font peur. Mais ce que je cherche toujours, c’est toucher le lecteur de façon profonde, nouer avec lui une intimité qui soit située au niveau des émotions. Depuis la parution de Shining, il y a trente-cinq ans, j’ai reçu beaucoup de lettres me disant : ce livre m’a effrayé quand j’étais enfant. Mais il est plus facile de faire peur à un enfant qu’à un adulte. Quand les mêmes lecteurs iront vers Docteur Sleep, ils n’auront plus 15 ans, mais 50 ans. Seront-ils épouvantés par les mêmes choses ? Sans doute pas. Moi-même, lorsque j’ai vu le film tiré de mon roman Carrie pour la première fois, j’étais jeune encore, et je me souviens qu’à la fin, lors de la scène dans laquelle une main sort de la tombe, tout le monde dans la salle criait. Mais tant de films depuis ont répété cette scène, qui peut-elle encore effrayer ? Les gens sont plus blasés.




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