D'un côté du ring, le velu King Kong et son uppercut foudroyant. De l'autre l'écailleux lézard japonais radioactif, plus énervé que jamais. Qui va gagner? |
Godzilla vs Kong, un grand tour à la fête foraine
CRITIQUE - Divertissement sans aucune prétention philosophique, le film d'Adam Wingard remplit sa mission, en fournissant des combats titanesques entre deux monstres de la pop culture.
Par Olivier DelcroixPublié le 23/04/2021
Regarder Godzilla vs Kong, c'est un peu comme aller à la fête foraine. On se doute que le spectacle sera au rendez-vous. Mais on a tout de même un peu mauvaise conscience. Une fois que l'on a compris que ce type de blockbuster régressif et enfantin faisait avant tout référence à une mythologie pop joyeuse et désinvolte, plutôt qu'à un sombre traité de théologie grecque, on peut commencer à regarder Godzilla vs Kong pour ce qu'il est : un divertissement géant qui promet un combat de titans distrayant. Et rien de plus!
Depuis le premier film japonais sorti en 1962, puis remaquillé par les Américains en 1963, l'eau a coulé sous les ponts. Une certaine innocence s'en est allée. La naïveté ne fait plus vraiment partie des films à grands spectacles. Pourtant, en ces temps de pandémie, on aurait bien besoin de ce type de «cinéma bis», simple et efficace.
Dans son genre, Godzilla vs Kong respecte scrupuleusement son cahier des charges. Une fois accepté le concept de départ, c'est-à-dire le fait qu'il faille se détacher du chef-d’œuvre poétique King Kong, réalisé en 1933 par Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, on peut voir King Kong comme un champion, une créature titanesque ayant intégré une sorte de «Monsterverse», prêt à en découvre avec n'importe quel autre animal fabuleux ou ténébreux chimère.
Comme tous les films qui mettent en scène la rivalité entre deux forces de la nature, Godzilla vs Kong commence par présenter les adversaires. À tout seigneur, tout honneur : le film débute par Kong, qui évolue dans son environnement naturel, sur son île et dans la jungle de Skull Island... reconstituée au brin d'herbe près dans une sorte d'immense laboratoire technologique capitonné. On se croirait dans The Truman Show... King Kong se réveille. Le jour se lève. Une petite fille sourde et muette qu'il a sauvée, vient lui présenter ses hommages du matin, sous les caméras de deux scientifiques, dont la charmante Rebecca Hall. King Kong vit confiné dans une île... On se sent déjà très proche de ce grand singe triste.
Puis, à peine après dix minutes de film, voici qu'apparaît Godzilla ! Ce cher saurien radioactif fait irruption en Floride à Pensacola et ravage les installations hyper-technologiques de la firme Apex genetics. La créature semble avoir basculé du côté obscur de la Force. Que faire? Pour sauver l'Humanité, opposons-lui un autre monstre tel King Kong qui devient le champion des humains...
Connu pour Blair Witch (2016) et Death Note (2017), le réalisateur Adam Wingard, 38 ans, semble s'être bien amusé à chorégraphier les empoignades titanesques entre les deux monstres. On est très loin du carton-pâte et des modèles articulés miniatures des premiers films. Ici, le spectacle est parfaitement régressif, mais spectaculaire.
D'un côté, le velu. De l'autre l'écailleux: au centre, un ring présente soit des porte-avions et autres avions de chasse au milieu de l'océan. Soit un bouquet de buildings comme des châteaux de cartes...
Certaines images sont fortes comme celle de l'arrivée de Kong dans l’Antarctique. On pense furtivement à Un singe en hiver. Puis, en l'espace d'un clin d'œil, on plonge au cœur d'autres souvenirs plus enfantins tels Le Monde perdu de Conan Doyle, ou Le Voyage au centre de la terre de Jules Verne... Et hop! Voilà les ptérodactyles chers au mythe de la terre creuse.
Outre ses références explicites au mythe lovecraftien des Grands Anciens souterrains, l'atmosphère du film oscille entre Pacific Rim et Tron l'héritage. La science-fiction la plus poussée côtoie des mondes engloutis à la Conan le Barbare de Robert E. Howard. Le mélange étonne, mais on n'a pas le temps de s'appesantir!
Surtout, ce que nous enseigne le final monumental de ce divertissement pop-corn, c'est que l'on peut expliquer facilement aux enfants le concept de l'hybris, ce mouvement fautif de dépassement de la limite. Car oui, sans dévoiler l'argument central du film, il est clairement fait référence à cette antique notion grecque, ce péché d'hybris en forme de sentiment violent inspiré par les passions, l'arrogance et l'orgueil.
L'hybris, c'est la démesure de certains humains qui se prennent parfois pour des dieux. Or «connais-toi même» écrit Socrate dans sa grande sagesse . Cette maxime présente à l'entrée des temples signifiait en réalité : «Sache que tu es mortel, et non divin».
En regardant, les peignées colossales que se donnent Godzilla et King Kong, on prend obscurément conscience de la petitesse de notre condition humaine. En cela, le film atteint son objectif : la nature est plus forte que toutes les technologies les plus sophistiquées mises au point par l'homme. Cette leçon vaut bien un blockbuster... aussi enfantin soit-il.
Disponible sur Amazon Prime Video, YouTube, Apple TV ou Canal VOD à 13,99 euros
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