5 février 2021
3. Il est rare que la mort soit si choquante, provoquée par de simples mots sans effusion. Combien de morts fictives voyons-nous en un jour, une semaine ? Des dizaines, une centaine. Posons-nous la question : quel film ne tue pas ? Sokurov avouait être fatigué du cinéma ; trop de sang, de corps qui jonchent la pellicule; ça ressemble à une guerre. Netflix est un grand tombeau.
Et pourtant, cela ne nous fait rien. Nous sommes indifférents. Comme toute chose au cinéma, on le sait, la mort appartient à un code, respecte une signalétique. On ne nous montre pas la mort mais son substitut maitrisé, lénifié par convention. Si à l’occasion, on s’y arrête, on le fait pour manifester des sentiments : le mort n’est plus ; l’effusion sentimentale, le cri de douleur, eux sont et prennent toute la place. Ils sont rassurants : nous comprenons la détresse, nous comprenons la peine et la souffrance. Comme rarement, ici la mort échappe au code: elle se révèle. Elle se donne avec une simplicité insoutenable, réduit à une expression décharnée. Tout le film y concourt, tout le film n’est qu’une grande sécheresse en vue de cet effet final, inoubliable. Souvent au cinéma, la mort est fortuite, elle s’introduit comme un événement banalisé parmi d’autres et structure plus ou moins le récit. La mort dans Gerry, la mort de Gerry est nécessité, anankè, destin ; une flèche tendue qu’atteint le rien.
Martin Morend est un philosophe dont le but est d’explorer le cinéma afin d’en montrer les enjeux philosophiques, sociaux et imaginaires. Ce blog lui permet de proposer des cycles d’articles thématiques ou dédiés à certains réalisateurs classiques et contemporains.
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