jeudi 1 juin 2017

Roman Polanski / "D’après une histoire vraie" de Roman Polanski / Invraisemblablement plat



"D’après une histoire vraie" de Roman Polanski : invraisemblablement plat

Par Lorenzo Ciavarini Azzi @Culturebox
Mis à jour le 30/05/2017 à 08H44, publié le 27/05/2017 à 20H39


Roman Polanski est à Cannes pour présenter "D’après une histoire vraie", adaptation du best-seller de Delphine de Vigan, en Sélection officielle. Mais hors compétition. Heureusement. Car le maître, auteur des troublants "Rosemary’s Baby" et "Le locataire", s’embourbe dans un thriller inanimé, où les pointures Emmanuelle Seigner et Eva Green jouent à côté de leur rôle.
Delphine, romancière à succès, auteure d’un dernier roman très personnel qui, une fois de plus, a conquis ses lecteurs, vit pourtant une phase de tourments et peine à reprendre l’écriture. C’est à ce moment qu’elle fait la connaissance de "Elle", ou plutôt que celle-ci rentre dans sa vie. "Elle" ? Identité imprécise - on sait seulement qu’elle est auteure elle aussi, nègre littéraire pour stars médiatisées - mais séduction à toute épreuve : en moins de deux, elle convainc Delphine qu’elle seule peut la comprendre et l’aider, bien plus que son compagnon, célèbre journaliste, qui s’en va par le monde recueillir les propos d’autres écrivains qu’elle. Elle sait que la solution réside dans l’écriture du réel, ce livre caché qui ne demande qu’à éclore. Delphine mord à l’hameçon, jusqu’au jour où elle se demande si quelqu’un n'a pas "pris possession d’elle".
Roman Polanski miné en son propre terrain…
L’histoire, adaptation du livre de Delphine de Vigan, prix Renaudot et vrai best-seller, devrait pouvoir happer le spectateur et l’embarquer une heure et demi durant, guidé par le maître du genre, Polanski ! En quelques films à peine, dès la fin des années 1960, le cinéaste franco-polonais s’est fait une spécialité des personnages troubles et inquiétants, et maîtrise comme peu, autant les codes du thriller que l’art de l’adaptation littéraire. Mieux : Delphine de Vigan a reconnu à la conférence de presse qui a suivi la projection, avoir eu en tête lors de la rédaction de son livre les films de Polanski comme "Le locataire" qui ont été donc une importante matière d’inspiration.
Roman Polanski entouré d'Emmanuelle Seigner, d'Eva Green et de Vincent Pérez lors de la conférence de presse.
Roman Polanski entouré d'Emmanuelle Seigner, d'Eva Green et de Vincent Pérez lors de la conférence de presse.
 © Lorenzo Ciavarini Azzi /Culturebox
Et pourtant ce qui devait advenir n’advient pas. Et cela se joue dans les toutes premières minutes du film, dès la rencontre au Salon du Livre, entre Delphine (Emmanuelle Seigner) et Elle (Eva Green). L’une, et surtout l’autre sont irrémédiablement à côté de leur rôle. Problème d’allumage, moteur embourbé. On ne croit pas une seconde à la scène, ni aux suivantes. Beauté trouble, regard parfois hypnotisant, capacité de jeu dangereux, Eva Green était faite pour être Elle. Mais elle joue trop vite de ces cordes les usant avant qu’elles ne puissent servir. Elle campe un être venu de nulle part, enveloppé de mystère au point de se demander si c’est une femme ou un fantôme, et pourtant son attitude la trahit comme une carte d’identité ouverte !

La dialectique fiction / réalité

La grande Emmanuelle Seigner aussi est très en de ça de ses capacités, même si son personnage d’écrivain honnête et perdu mais qui accepte (et semble aimer) être manipulée par cet être énigmatique, presque irréel finit par éclore. Et que dire de Vincent Perez, l’animateur d’une émission littéraire (alter ego de François Busnel, compagnon de Delphine de Vigan), qui récite un texte dont il se sent parfaitement étranger ? La liste des écrivains que le journaliste s’apprête à interviewer, de Don DeLillo à James Ellroy, est lue avec autant de passion qu’une liste de courses… Polanski sait pourtant diriger ses acteurs. Le spectateur en est à se demander (mais sans pouvoir y répondre) si ce jeu si décalé n’est pas intentionnel. Mais au-delà du jeu (et ce qui explique en partie son absence) l’écriture du scénario et, en un second temps, le montage, empêchent à la narration d’offrir le rythme, la tension, le suspense, dont le thriller a besoin.

Roman Polanski a rappelé en conférence de presse que l’une des idées majeures de son projet était la dialectique fiction / réalité en littérature, où cette dernière finit par l’emporter dans l’intérêt, dans l’appétit des gens."Le titre même, ‘‘D’après une histoire vraie’’ n’a plus aucun sens", explique le réalisateur. Parce qu’il n’existe plus d’histoire vraie (…) Tous les jours nous entendons des infos. On y croit et on s’aperçoit plus tard que c’est faux". Où y a–t-il davantage de vérité en littérature ; dans les faits réels ou dans la fiction ? Cette dialectique n’est abordée qu’en surface dans ce film. Que s’est-il passé ? Polanski a-t-il été piégé par le fait d’avoir été trop "sur son terrain" ? Rendez-vous est pris avec le maître avec un prochain film qui, on en est sûr, saura nous surprendre et le surprendre.

LA FICHE
Gente : Thriller, Drame
Réalisateur : Roman Polanski
Pays : France
Acteurs : Emmanuelle Seigner, Eva Green, Vincent Pérez
Durée : 1h50
Synopsys : Delphine est l’auteur d’un roman intime et consacré à sa mère devenu best-seller. Déjà éreintée par les sollicitations multiples et fragilisée par le souvenir, Delphine est bientôt tourmentée par des lettres anonymes l'accusant d'avoir livré sa famille en pâture au public.La romancière est en panne, tétanisée à l'idée de devoir se remettre à écrire.Son chemin croise alors celui de Elle. La jeune femme est séduisante, intelligente, intuitive. Elle comprend Delphine mieux que personne. Delphine s'attache à Elle, se confie, s'abandonne. Alors qu’Elle s’installe à demeure chez la romancière, leur amitié prend une tournure inquiétante. Est-elle venue combler un vide ou lui voler sa vie ?

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