Bill Murray avec Scarlett Johansson Lost in translation |
Bill Murray n'a pas toujours été
le type le plus cool de l'univers
CINÉMA | Sa seule présence dans “Monuments Men” sauve (presque) le gentil film de George Clooney. En trente ans, Bill Murray a beaucoup changé.
Donc, Bill Murray est le type le plus cool de l'univers. C'est Internet qui le dit, c'est donc probablement vrai. Plusieurs sites, ici ou là, compilent les exploits, authentiques ou non, de l'acteur resté un grand enfant. Attendez-vous donc à ce qu'il pique une frite dans votre assiette ou lape une gorgée de votre cocktail à la paille avant d'ajouter en ricanant : « Personne ne vous croira ». Légende urbaine ou numérique, réelle occurrence d'un Bill Murray farceur, allez savoir – si cela vous est arrivé, faites signe. Bill aurait aussi l'art de se transformer en barman – pour exclusivement servir de la tequila – au festival South by Southwest à Austin (tiens, c'est en ce moment, courons-y) – et, des vidéos l'attestent, il aurait chanté (mal)Gloria, de Van Morrison avec Eric Clapton, et chanté (mal) en duo avec Clint Eastwood.
A 63 ans passés, Bill Murray a gagné une impunité totale, hors et sur l'écran – même quand il joue dans de mauvais films, à l'image de Monuments men, sur les écrans cette semaine, on s'esclaffe, on applaudit à son petit numéro d'imitation de John Wayne. Ce côté « best buddy », people trognon, roi du clin d'œil, est arrivé tard dans sa carrière. Longtemps, il a été imprévisible – mais en mal. Sur le tournage du légendaire « Jour de la marmotte » (Un jour sans fin), il se serait sérieusement identifié à son personnage de mauvais coucheur. Au point de se fâcher sérieusement avec Harold Ramis, récemment disparu : l'acteur voulait une fable philosophique ambitieuse, le cinéaste une comédie efficace, ils n'ont plus jamais retravaillé ensemble. Mais le spectateur a gagné : il a eu les deux... Au tournant des années 2000, Ramis était moyennement amène au sujet de son ex-comédien fétiche : disant que, oui, il avait du génie, mais que c'était aussi un type qui pouvait juste vous mordre, réellement vous mordre, au lieu de vous dire bonjour.
Si l'on se remémore les années 80, pour ceux qui étaient là, et plus précisément l'année du triomphe de SOS fantômes, 1984, Bill Murray n'était alors pas du tout une star. Certes on entendait parler du Saturday Night Live – comme d'un Graal insurpassable, que les Nuls tentaient d'approcher – et on ne savait pas du tout ce qu'avait été le National Lampoon. Murray avait joué dans des nanars improbables d'Ivan Reitman (sérieusement, qui avait vu Arrête de ramer, t'es sur le sable ?), et la notoriété de Dan Aykroyd était nettement plus forte, grâce à 1941 et The Blues brothers. En plus, il avait une plus jolie peau... Il y avait eu, quand même, presque en catimini, Le Fil du rasoir, adaptation pas mal, sérieuse, sensible, de Somerset Maugham, où Bill Murray, acteur et réalisateur, avait englouti son cachet deGhostbusters. Un bide... prometteur ?
Tout changea avec Un jour sans fin. Tout s'enchaîna. Un bon John McNaughton (Mad dog and glory, 1993), le meilleur film (ou presque) de Tim Burton (Ed Wood, 1994), où déjà l'acteur teste son talent à venir : placidité, fragilité inattendue, bienveillance. Et vint Wes Anderson. De film en film, que cela soit explicite ou non, il en fait un père idéal. Ou plus exactement un père de fiction, celui qu'on élit comme le paternel de nos rêves, excentrique et plus ou moins secourable : c'est le thème de La Vie aquatique (2004) et, dans la foulée de l'irrésistible Steve Zissou, un des plus beaux rôles all time du cinéma américain, Jim Jarmusch lui offre Broken flowers (2005) – un type apprend qu'il est père et part en quête de ses « ex ». Physiquement, Bill Murray a changé, il n'est plus le jeune fou échevelé, hautain, potentiellement cruel ; une bonhomie l'a gagné et nul ne peut plus y résister.
Entre temps, bien sûr, il y a eu Lost in translation (2003), une nomination à l'Oscar à la clé. On connait (peut-être) l'histoire : Sofia Coppola cherche à joindre Bill Murray, mais il est – et il est encore – l'homme le plus libre d'Hollywood. Pas d'agent. Une boite vocale, où l'on peut laisser des messages, qu'il écoute ou non. Il a raté des rôles à cause de ce fonctionnement singulier, il ne ratera pas Lost in translation. Il y joue un acteur américain, engagé sur une pub japonaise, qui fait ami-ami avec une jeune américaine, que son ami photographe délaisse : Scarlett Johansson est (presque) encore une enfant. Le duo fait merveille, de karaoké en hôpital tokyoïte, via le bar du Park Hyatt, à Shinjuku. Bill Murray devient l'homme qui protège, du haut de son mètre 88, et non plus qui effraie. Il est celui à qui l'on peut tout dire. A ce titre, il possède un privilège unique : lui seul sait que ce que Scarlett lui a glissé à l'oreille, à la fin du film, alors qu'ils se séparent pour toujours. Merveilleux dialogue inaudible... Si on va quand même voir Monuments men, tu nous le diras, Bill ?
Si l'on se remémore les années 80, pour ceux qui étaient là, et plus précisément l'année du triomphe de SOS fantômes, 1984, Bill Murray n'était alors pas du tout une star. Certes on entendait parler du Saturday Night Live – comme d'un Graal insurpassable, que les Nuls tentaient d'approcher – et on ne savait pas du tout ce qu'avait été le National Lampoon. Murray avait joué dans des nanars improbables d'Ivan Reitman (sérieusement, qui avait vu Arrête de ramer, t'es sur le sable ?), et la notoriété de Dan Aykroyd était nettement plus forte, grâce à 1941 et The Blues brothers. En plus, il avait une plus jolie peau... Il y avait eu, quand même, presque en catimini, Le Fil du rasoir, adaptation pas mal, sérieuse, sensible, de Somerset Maugham, où Bill Murray, acteur et réalisateur, avait englouti son cachet deGhostbusters. Un bide... prometteur ?
Tout changea avec Un jour sans fin. Tout s'enchaîna. Un bon John McNaughton (Mad dog and glory, 1993), le meilleur film (ou presque) de Tim Burton (Ed Wood, 1994), où déjà l'acteur teste son talent à venir : placidité, fragilité inattendue, bienveillance. Et vint Wes Anderson. De film en film, que cela soit explicite ou non, il en fait un père idéal. Ou plus exactement un père de fiction, celui qu'on élit comme le paternel de nos rêves, excentrique et plus ou moins secourable : c'est le thème de La Vie aquatique (2004) et, dans la foulée de l'irrésistible Steve Zissou, un des plus beaux rôles all time du cinéma américain, Jim Jarmusch lui offre Broken flowers (2005) – un type apprend qu'il est père et part en quête de ses « ex ». Physiquement, Bill Murray a changé, il n'est plus le jeune fou échevelé, hautain, potentiellement cruel ; une bonhomie l'a gagné et nul ne peut plus y résister.
Bill Murray Lost in translation |
Entre temps, bien sûr, il y a eu Lost in translation (2003), une nomination à l'Oscar à la clé. On connait (peut-être) l'histoire : Sofia Coppola cherche à joindre Bill Murray, mais il est – et il est encore – l'homme le plus libre d'Hollywood. Pas d'agent. Une boite vocale, où l'on peut laisser des messages, qu'il écoute ou non. Il a raté des rôles à cause de ce fonctionnement singulier, il ne ratera pas Lost in translation. Il y joue un acteur américain, engagé sur une pub japonaise, qui fait ami-ami avec une jeune américaine, que son ami photographe délaisse : Scarlett Johansson est (presque) encore une enfant. Le duo fait merveille, de karaoké en hôpital tokyoïte, via le bar du Park Hyatt, à Shinjuku. Bill Murray devient l'homme qui protège, du haut de son mètre 88, et non plus qui effraie. Il est celui à qui l'on peut tout dire. A ce titre, il possède un privilège unique : lui seul sait que ce que Scarlett lui a glissé à l'oreille, à la fin du film, alors qu'ils se séparent pour toujours. Merveilleux dialogue inaudible... Si on va quand même voir Monuments men, tu nous le diras, Bill ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire