vendredi 2 août 2019

“Madame Hyde” / Une fable décapante portée par Isabelle Huppert

Isabelle Huppert

“Madame Hyde”, une fable décapante portée par Isabelle Huppert

Jacques Morice
Publié le 28/03/2018. Mis à jour le 28/03/2018 à 09h37.

Serge Bozon narre l’histoire d’une timide prof de physique qui se transforme radicalement après un choc électrique. 
Après la police (Tip top), l’école. Mais avec Serge Bozon, pas de réalisme, il faut que ça décolle. Vers le farfelu, le fantasque. Voici donc Mme Géquil (sic), professeure de sciences physiques dans une classe technologique en banlieue. Incapable de faire cours, sans la moindre autorité, elle est un objet de raillerie pour ses élèves et d’apitoiement auprès de ses collègues. Cette mauvaise pédagogue est, malgré tout, un cœur pur, sensible au sort d’un élève, Malik, que le handicap (démarche très claudicante avec déambulateur) n’empêche nullement d’être­ ­insolent et antipathique. Or voilà qu’un jour, à la suite d’une expérience où elle reçoit une décharge électrique, Mme Géquil se transforme…



L’Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, écrit par Robert Louis Stevenson, tout le monde en connaît les grandes lignes. Le cinéaste le chamboule sur deux points essentiels : une femme comme héroïne qui se métamorphose de manière positive, au moins dans un premier temps. La fable fantastique est très drôle dans sa manière de reprendre bon nombre d’archétypes sur l’école pour mieux les pervertir. Des deux déléguées de classe, sortes de sœurs siamoises anormalement intelligentes, aux moutons noirs qui scandent un rap étrange venu d’ailleurs, chaque personnage détonne. En particulier le proviseur de l’école (Romain Duris, impayable), cheveux sur le côté et tenues cintrées bleu ou vert canard : à la fois caricature du manager et histrion fêlé.

Le plus étonnant reste le glissement du film vers l’apprentissage. Serge Bozon nous ferait presque aimer le principe d’Archimède et les axiomes d’Euclide. Sa transmission du savoir au bord du rêve est fluide, gracieuse… Il gagne aussi en mélancolie diffuse, et c’est nouveau dans son cinéma, jusque-là un rien conceptuel. Petite créature criarde et fébrile, surfemme luminescente ou bien enseignante à l’agonie, livrant héroïquement son cours, Isabelle Huppert est épatante à travers ses avatars. Elle participe activement à la réussite de cette fiction géométrique riche de déraillements, magique comme un prototype.
TELERAMA


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