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Isabelle Huppert, César de la meilleure actrice : “Il y a pire que de recevoir des prix !”
Après le Golden Globe, Isabelle Huppert vient de recevoir le César de la meilleure actrice, avant, qui sait, son prochain sacre aux Oscars. Début février, elle s’était livrée à une conversation à bâtons rompus avec Louis Garrel, lors de la présentation des “Fausses Confidences”, une fiction qui sera diffusée le 9 mars sur Arte.
Isabelle Huppert a obtenu vendredi 24 février le césar de la Meilleure actrice pour son rôle dans Elle, de Paul Verhoeven. Après le Golden Globe décroché en janvier et avant, peut-être, l'Oscar – réponse lundi 27 février au petit matin. Réunis au théâtre de L’Odéon, à Paris, le 1er février dernier, la comédienne et Louis Garrel présentaient aux journalistes Les Fausses Confidences, l’adaptation de Marivaux, réalisée par Luc Bondy peu avant son décès. Une fiction tournée au printemps 2015, en même temps que la reprise sur scène de la pièce, et qui sera diffusée le 9 mars sur Arte. A cette occasion, Isabelle Huppert est notamment revenue sur son travail outre-Atlantique et a exprimé son admiration pour Shirley MacLaine et Julianne Moore. Morceaux choisis.
Isabelle Huppert : Luc Bondy a merveilleusement réussi à transformer cet objet de théâtre des Fausses Confidences en objet cinématographique. C’est d’autant plus remarquable que souvent, les spectacles captés ou adaptés de pièces, ne sont pas la meilleure manière de promouvoir le théâtre !
Louis Garrel : Pour moi qui ai une vraie fascination pour Marivaux et pour sa langue, l’idée même qu’il y ait une version filmée de cette pièce, qu’on a adoré jouer pendant deux saisons à Paris, et ensuite en tournée, c’est inespéré… Mais « Gazou », quand je pense que tu es nominée aux Oscars ! Moi qui t’ai connue dans ta petite loge, toute minuscule… Ma douce, quand je pense que t’es nominée aux Oscars ! (fou rire d’Isabelle Huppert). Alors, comment tu te sens ? Tu es combative ? Tu vas les écraser ? Dis la vérité… Allez, dis la vérité !
Isabelle Huppert : Les Oscars ? Cela m’indiffère com-plè-te-ment ! (Rires). Non, franchement, il y a pires circonstances dans la vie d’une actrice que de recevoir des prix et d’être nommée à l’Oscar, non ? En ce moment, je tourne un film de Benoît Jacquot que j’ai commencé il y a dix jours ; et comme je repars aux Etats-Unis, je vais interrompre le tournage pour un petit moment… Après, il y aura les César, et entre les César et les Oscars, il y a les Spirit Awards, qui récompensent le cinéma indépendant ! Il me semble que ça se passe à Santa Monica, je pense que j’aurais une nuit de repos… A peine, mais bon mais ça va : c’est gérable ! (sourire). Comme je vois plutôt la bouteille à moitié pleine que la bouteille à moitié vide, de toute façon, si ça devait s’arrêter là, je serais déjà très heureuse !
Il y a aux Etats-Unis une grande solidarité entre les actrices nommées… Je viens d’assister à la table ronde et au dîner où toutes les comédiennes nommées aux Oscars étaient invitées, on sent beaucoup de générosité ! Je ne dis pas qu’en France, il n’y en a pas, mais disons qu’on se sent moins obligé de la manifester parce qu’on se connaît bien. Aux Etats-Unis, j’ai eu l’impression qu’il y avait beaucoup de gentillesse à mon égard, et aussi que le cinéma français compte beaucoup pour eux, et c’est tant mieux !
“Il y a, c’est vrai, une nature de rôles que les Américains peuvent nous envier.”
Louis Garrel : C’est aussi parce que toi tu acceptes des rôles que plein d’actrices n’oseraient jamais faire !
Isabelle Huppert : Il y a, c’est vrai, une nature de rôles que les Américains peuvent nous envier. Mais j’admire aussi beaucoup de talents chez eux. Par exemple, quand j’ai reçu le prix d’interprétation de l’Association américaine des critiques de cinéma (le 14 janvier, ndlr), Shirley MacLaine recevait un prix d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, ils ont diffusé un montage avec des extraits de tous ses films et c’était éblouissant ! C’est une comédienne extraordinaire ! Des tas d’acteurs m’impressionnent… Et toi, Louis ?
Louis Garrel : Hier, j’ai vu Missing de Costa-Gavras (1982) : Jack Lemmon est vraiment un très grand acteur ! Sinon, je ne sais pas si tu as vu Manchester by the Sea (de Kenneth Lonergan) : Casey Affleck est très impressionnant ! Il fait partie de ces acteurs qui ont cette capacité à être immergé dans le film, tout en ayant conscience que c’est à ce moment-là qu’il faut faire telle chose ! C’est une chose que j’admire : ils font un peu de la mise en scène d’acteurs en même temps qu’ils jouent ! Tom Hanks possède ça aussi : il ne joue pas de manière aveugle, c’est comme s’il avait une sorte de troisième œil qui lui permet de se dire « tiens, il faut que je pose ça là ! ». Mais d’ailleurs, toi aussi, tu as ça !
“Je ne réfléchis pas quand je joue.”
Isabelle Huppert : Ah oui ?
Louis Garrel : Enfin toi, c’est autre chose… C’est une sorte de mise à distance très agréable : comme si tu jouais une scène en disant « Je la joue, vous voyez bien » ! Tu as ce regard sur les situations tout en interprétant ; et en même temps, cela ne nous empêche jamais d’être émus ! Par exemple, dans le film de Paul Verhoeven, les situations sont tellement énormes, parfois, qu’on a du plaisir à te regarder, parce que c’est un peu comme si tu disais « Allez, je vais jouer cette chose » tout en sachant qu’elle est très baroque… C’est d’ailleurs pour ça que les actrices américaines t’admirent ! Chez eux, c’est une tout autre école.
Isabelle Huppert : Mais c’est aussi pour ça que Casey Affleck reste un artiste un peu à part parmi les Américains : il se distingue par sa capacité à s’extraire, à ne pas se laisser totalement envahir par les sentiments. Mais attention, j’envie aussi beaucoup de choses chez les actrices américaines : quand je vois Julianne Moore dans Map to the Stars de David Cronenberg, par exemple, je la trouve géniale ! En tout cas, moi, je ne réfléchis pas quand je joue… Pas du tout ! Il y a une part d’inconscient très forte et d’inconscience aussi : je ne théorise absolument rien. C’est complètement instinctif, rien n’est prévu.
Louis Garrel : C’est très impressionnant les acteurs qui arrivent à théoriser leur travail… J’ai découvert une interview de Johnny Depp, où on lui demandait comment il avait construit le personnage d’Edward aux mains d’argent (dans le film de Tim Burton, 1990, ndlr), et il répondait : « Alors, voilà, j’ai mélangé un chien qui a peur de se faire taper et Nixon » ! C’est impressionnant, non ? Toi, Isabelle, tu ne dirais pas : « J’ai mélangé un petit oiseau et Fillon », hein ? Tu ne dirais pas ça, quand même ?
Isabelle Huppert : Surtout pas en ce moment !
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