Grands films de fin du monde (5/5): Jusqu’au bout de «La Route»
Le coronavirus propage un parfum de fin des temps. Un thème que le cinéma vénère. John Hillcoat adapte avec honnêteté et une pincée d’édulcorant «La Route», ce roman de Cormac McCarthy qui suit la fuite en avant d’un père et de son fils dans un monde agonisant. Le plus implacable des films apocalyptiques
En 1963, terrifié par la crise des missiles, le jeune Bob Dylan écrit A Hard Rain’s A-Gonna Fall. Au gré de cette longue apostrophe à un enfant égaré dans un monde ravagé, il évoque des forêts profondes où «noir est la couleur et rien le nombre». Cormac McCarty semble élever ce vers nihiliste à la grandeur du roman avec La Route (2006), qui décline l'avènement du néant sur 250 pages implacables.
Quelques années après un cataclysme dont l’origine n’est pas spécifiée, un homme et son fils traversent ces étendues cendreuses qu’était l’Amérique. Poussant un caddie, ils cheminent vers la mer - morte, comme tout le reste. La Terre est calcinée. Dans l’hiver nucléaire, il n’y a que deux façons de se nourrir: les boîtes de conserve, qu’on peut encore trouver dans les gravats des supermarchés, et le cannibalisme. Toute rencontre entre survivants s’avère mortellement dangereuse.
John Hillcoat porte à l’écran ce roman anxiogène et désespérant. Une adaptation honnête, avec l’irréprochable Viggo Mortensen dans le rôle du père. Mais le pouvoir de l’image s’avère une nouvelle fois inférieur à celui du verbe. En donnant un visage aux protagonistes, le cinéaste affadit la démonstration. La chronique de l’effondrement s’humanise inévitablement avec les voix et les regards là où les mots de l’écrivain, atteignant une forme d’abstraction, suggèrent «l’accablant contre-spectacle des choses en train ce cesser d’être» ou le littoral couvert d’ossements de poissons et d’oiseaux comme «un seul vaste sépulcre de sel. Insensé. Insensé»...
Il faut aussi regretter un flash-back sur le bon temps, le recours à la musique (fût-elle composée par Nick Cave et Warren Ellis), quelques branches d’arbres reverdissant (le tournage a eu lieu à la fin de l’hiver) et une fin un peu trop happy. Le livre établit que l’homme est un loup pour l’homme, que l'avenir est vain; plus timoré, le film laisse entendre qu’une seconde chance est possible, qu'il subsiste une lueur d'espoir au bout de la route.
La Route (The Road) de John Hillcoat (2009), avec Viggo Mortensen, 1h51
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