Emma Reyes |
Emma Reyes
Toutes ses pérégrinations
Emma Reyes commence à peindre en 1943 à Buenos-Aires.
Au cours de toutes ses pérégrinations Emma a développé différentes séries qui se succèdent ou se superposent.
De son arrivée en 1947 à Paris, jusqu’à son retour en Europe, à Rome en 1954, Emma est habitée par sa culture, les pays d’Amérique du Sud qu’elle a traversés, leur population (les gens de la rue), leur mode de vie et leurs traditions. Elle séjourne à Washington (50) et à Mexico (51) pour l’Unesco où elle se liera d’amitié avec la photographe Lola Alvarez-Bravo et exposera dans sa galerie avec les Muralistes mexicains. C’est sa première période.
Puis Emma s’installe en Italie, à Rome, entre 1954 et 1960. A cette époque elle peint des « Monstres », portraits de créatures imaginaires, mi-animaux, mi-humains, qui préfigurent sa dernière série des « Masques ».
Dans cette période romaine vient s’insérer un intermède israélien, durant lequel elle s'attaquera pour la première fois au paysage, sans évidemment abandonner ses « Monstres », qu’elle exposera au Musée de Tel-Aviv en 1958.
Puis retour en France, entre Paris et Périgueux, qu’elle ne quittera plus.
Durant toute la décennie 60 Emma est tentée par l’abstraction.
Ce que l’on a retrouvé d’oeuvres, de dessins du tout début des années 60 montre un travail plus figuratif, plus classique que la période romaine. Mais dès 1962 apparaissent des formes abstraites, des recherches sur la matière, sur le monochrome, sur le mouvement.
On peut discerner une série « Bram Van Velde », comme Emma l’appelait, où, inspirée par les oeuvres de l’artiste néerlandais, elle peint des toiles avec beaucoup de personnages dans un univers chargé d’objets et de formes plus ou moins reconnaissables. Du Bram van Velde moins abstrait, où la figure est omniprésente. Puis mécontente de la direction prise par ces toiles elle en découpera beaucoup pour en faire des collages illisibles et tressés, du coup totalement abstraits…
Son installation à Périgueux lui fait découvrir les grottes de Lascaux, qui sont un choc formel et culturel total, elle se lance alors dans sa série des « Grottes », où des formes géométriques s’enroulent comme un escargot à partir d’un centre sombre comme le lointain bout d’un tunnel, se divisent autour d’une sorte de ligne d’horizon délimitant une aurore psychédélique, explosive. C’est la période « Op » d’Emma pourrait-on dire!
Ces recherches abstraites l’amènent à s’intéresser à la matière même de la peinture, aux matériaux et aux objets de toute sorte dont elle se sert pour faire des collages qu’elle noie sous des peintures gris métallisé ou orangé (exposition à la galerie Suzanne de Coninck à Paris en 1967).
A Périgueux en 1966 elle fera, dans un esprit très magnellien, le carton de deux grands panneaux en mosaïque et quatre peintures murales pour l’Ecole Normale (malheureusement tous détruits!).
Mais la grande affaire d’Emma c’est la figure humaine, l’homme, et elle y revient au milieu des années 70 avec sa série des "Portraits imaginaires » en noir et blanc (exposition à la galerie H et Multiples à Marseille en 1975, avec un texte d’Edmonde Charles-Roux).
Puis après toutes ces couleurs, ces mouvements, ce retour au calme, Emma va portraitiser des fruits, des légumes et des fleurs avec toujours cette même trame, ce même tressage qui envahit l’espace et construit leur spécificité. Elle renoue à ce moment là avec la couleur, sa magistrale palette qui n’a pas de limites.
Le point d’orge de cette période « florale », sera la réalisation en 1988 d’un très grand mural pour la Bibliothèque Municipale de Périgueux.
A la fin des années 80, l’artiste revient à nouveau à la figure humaine. Dans cette série là l’artiste représente essentiellement des femmes, très bijoutées, avec des fleurs et des fruits dans les cheveux; des femmes noyées dans la végétation, toutes deux symboles de fécondité et de luxuriance, mais d’une exubérance un peu triste et comme anesthésiée.
Rares sont en effet les portraits d’Emma, dans toute sa carrière, qui respirent la joie de vivre. La pesanteur de la condition humaine, la dureté des ses lois se font ressentir dans les expressions toujours empreintes de mélancolie et de tristesse de ses personnages. Le regard vide, fixe, ils sont souvent ailleurs voire même hypnotisés, hébétés, un peu comme des zombies...
Avant même de quitter définitivement son atelier parisien de la rue Pernety pour s’installer à Périgueux, puis à Bordeaux, Emma a entamé sa dernière série « Les Masques ». C’est toute l’affaire des années 90: cet attachement à représenter toujours avec ce même trait, ce même fil qui tisse et sillonne la toile ou la feuille. D’une grande diversité, plus ethnique encore que ses « Monstres", plus universels aussi car ils évoquent l’Afrique, l’Océanie, L’Australie et parlent de cette diversité humaine qu’Emma a toujours recherchée.
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