jane campion
DOUCE ET REBELLE
Le 25 avril 2014 | Mise à jour le 25 avril 2014
JEAN-PIERRE BOUYXOU
JEAN-PIERRE BOUYXOU
Première réalisatrice à présider le Festival, manifestera-t-elle au sein du jury le même anticonformisme que derrière les caméras ? On peut, en tout cas, compter sur elle pour secouer le public qui, déplore-t-elle, « se limite de plus en plus aux adolescents de 18 ans friands de superproductions ».
Madame la présidente du jury du prochain Festival de Cannes ne se laissera influencer par personne. Jane Campion n’en fait qu’à sa tête, prenant un malin plaisir à se trouver où l’on ne l’attend pas. Petite, déjà, elle scandalise sa famille en méprisant le théâtre, « trop artificiel » : ses parents, anciens élèves de Laurence Olivier au Old Vic de Londres, ont fondé les New Zeland Players, une des troupes théâtrales les plus respectées de Nouvelle-Zélande. Pas question d’être comédienne comme ils le souhaiteraient. A l’âge où d’autres filles ne rêvent que de monter sur les planches, elle s’inscrit à l’université Victoria de Wellington, sa ville natale, pour étudier l’anthropologie. Puis, son diplôme en poche, changement de cap : elle choisit de se consacrer à la peinture. Mais elle s’en lasse rapidement. « Mes toiles n’étaient pas très bonnes », affirme-t-elle.
Le souvenir d’un film vu à l’adolescence, « Belle de jour », de Buñuel, la hante. Cette fois, c’est décidé, elle sera cinéaste. Sitôt dit, sitôt fait. En 1980, à 26 ans, elle dirige un premier petit film, « Tissues », avec des moyens de fortune, et va parfaire son apprentissage dans une école de cinéma. A peine six ans plus tard, ses premiers courts-métrages professionnels sont présentés à Cannes où l’un, « Peel », obtient la Palme d’or. Dès 1989, elle est de retour sur la Croisette avec un long-métrage, « Sweetie ». D’emblée, elle a trouvé son ton et son style. Tous ses films seront des portraits de femmes qui lui ressemblent, douces et rebelles, en butte aux préjugés de leur milieu social et de leur époque. La consécration arrive en 1993, lorsque « La leçon de piano » reçoit la Palme d’or – la vraie, dont celle de « Peel » n’avait été, sept années plus tôt, qu’une sorte d’esquisse. L’actrice principale, Holly Hunter, décroche pour sa part le prix d’interprétation féminine.
UNE CARRIÈRE À CONTRE-COURANT
Deux bonheurs n’arrivant jamais seuls, Jane arbore pendant tout le Festival un ventre arrondi dont elle est encore plus fière que de ses trophées : mariée à son réalisateur de deuxième équipe, Colin Englert, elle attend un petit garçon. Las ! né le mois suivant, Jasper, son fils, ne vivra que douze jours. Aussi, en mars 1994, quand elle se rendra à Hollywood pour recevoir trois Oscars, toujours avec le même film, s’efforcera-t-elle de conjurer le mauvais sort en dissimulant sa nouvelle grossesse : « Six mois après la mort de Jasper, raconte-t-elle, je suis retombée enceinte. Je ne m’y attendais pas, j’étais très heureuse. » Alice, sa fille, naîtra le 15 août de la même année et deviendra ce qu’elle-même n’avait pas voulu être : comédienne. Désormais célèbre, Jane pourrait se laisser vivre au gré des succès. Il n’en est rien, elle ne peut s’empêcher de mener sa carrière à contre-courant. Le département cinéma de la BBC propose de lui produire un film ; elle préfère élaborer une série télé, prétendant qu’« on peut faire sur le petit écran des choses moins convenues qu’au cinéma ». Ainsi furent tournés les sept épisodes de « Top of the Lake », un triomphe, en 2013, dans le monde entier – y compris, en France, sur Arte.
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