Léa Seydoux, la fille qui n'arrête pas de se moucher
Aurélien Ferenczi
Publié le 04/12/2010.
Elle a toujours l'air grippée et fatiguée ? C'est qu'elle n'arrête jamais... Egérie post-Nouvelle Vague, lancée par le cinéma d'auteur, Léa Seydoux s'attaque désormais à Hollywood.
« Je n'ai pas un physique contemporain », dit Léa Seydoux. Pour décrire son visage, devenu familier au cinéphile assidu (en quelques mois seulement, Robin des Bois, Petit Tailleur, Belle Epine, Mystères de Lisbonne, bientôt Roses à crédit), on chercherait donc dans l'iconographie classique. Une vierge flamande ? Une nymphe botticellienne ? Un ami nous souffle Renoir. Dans l'oeuvre du maître impressionniste, on a l'embarras du choix pour la blondeur, les joues encore enfantines, le charmant nez en forme de... comment dire... « de petite boule ? », lâche-t-elle, un soupçon d'interrogation dans la voix. Voilà, c'est ça.
Voyez les Jeunes Filles au piano, telle convive du Déjeuner des canotiers ou encoreLa Baigneuse endormie, plus déshabillée : c'est Léa, ou presque. Il faudrait rajouter un trait sombre sous les yeux clairs, pour marquer ces cernes qui semblent la rançon de son appétit de vivre. « C'est génétique, explique-t-elle, dans ma famille, on a tous de gros cernes. Je lisais un papier sur moi : "Léa Seydoux a toujours l'air de sortir d'une grippe carabinée." Sympa ! La fille qui n'arrête pas de se moucher, quoi... Quand je vois ma tête, c'est vrai, je me trouve assez bizarre. »
Ce jour-là, pourtant, dans un salon de thé rive gauche - et en avant les pâtisseries de saison aux marrons ! -, Léa Seydoux est raccord avec l'idée qu'on se fait d'une jeune femme de 25 ans aujourd'hui : manteau en peau de lapin, jean lie-de-vin, pull blanc en laine torsadée - tiens, c'est le pull « Marilyn » du Milliardaire, réédité par une marque parisienne, les époques se mélangent donc. « Je suis moderne par mon caractère », corrige-t-elle. « Mais je me sens bien dans les films d'époque parce qu'ils imposent une forme de distance. L'obsession du réalisme et de la proximité, dans la représentation du monde d'aujourd'hui, me dérange un peu. » Elle a donc accepté le projet d'Amos Gitaï, adaptation de Roses à crédit, d'Elsa Triolet : la course à la consommation d'une jeune fille des années 1950 - leçon à méditer aujourd'hui aussi. Elle y est, comme toujours, impeccable.
Léa Seydoux n'est pas à une contradiction près : elle dit aimer les films d'époque, mais juge que son travail le plus accompli, elle l'a effectué dans Belle Epine, de Rebecca Zlotowski, à la sensibilité ultra-contemporaine : « Je n'ai pas eu tant de premiers rôles que ça... On a répété un mois avant le tournage, et celui-ci a été porté par l'urgence, l'excitation. » Découverte en égérie post-nouvelle vague (La Belle Personne, de Christophe Honoré, en 2008), elle délaisse à présent le cinéma d'auteur pour Hollywood : de longs essais (qui n'ont pas abouti) pour les remakes américains de Millenium - « pas de regret, l'héroïne est une brune chétive, j'allais trop contre ma nature » ; un rôle de « bad girl » dans Mission : Impossible 4. Et aussi Minuit à Paris, de Woody Allen, où elle joue une vendeuse du marché aux puces. Du cinéaste, elle a aimé « la liberté incroyable dans la façon de diriger. Il ne se préoccupe que de la situation, et le sentiment d'être dans l'instant est très jouissif. »
Des modèles, elle qui joue d'instinct ? On cite Bardot, pour l'animalité insolente. Elle répond Bulle Ogier, « assez craquante dans La Salamandre, non ? ». Elle n'affirme rien, ponctue ses phrases de « tu vois ? », « tu ne crois pas ? ». Sauf quand on lui parle du cinéma commercial français, qui manque encore à son tableau de chasse (plus gros succès avec Honoré, 80 000 entrées). Pourquoi n'aurait-elle pas faitL'Arnacoeur, par exemple ? « Parce qu'on ne me l'a pas proposé ! Vanessa Paradis est une star. Je ne suis qu'une petite vedette. » Elle ajoute, en riant : « Une petite vedette du Quartier latin. » Plus pour longtemps...
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