mercredi 18 février 2015

Anaïs Demoustier déploie ses “Elles”


Anaïs Demoustier déploie ses “Elles”

Louis Guichard
Publié le 31/01/2012. Mis à jour le 29/03/2012 à 16h53.



Anaïs Demoustier. Photo : Patrick Swirc pour Télérama.
Anaïs Demounstier



A l'affiche de “Elles” en étudiante prostituée, Anaïs Demoustier s’apprête à incarner Duras pour Christophe Honoré. Une actrice enthousiasmante.
Ce n’est pas la crise pour tout le monde. Anaïs Demoustier, 24 ans, rayonne, se démultiplie, se projette, n’en revient pas de vivre la vie dont elle rêvait. On rencontre la jeune actrice la plus enthousiasmante du moment dans une gare parisienne, entre deux trains. Elle est en tournée avec Le Problème, de François Bégaudeau. Elle s’est couchée tard, levée tôt, arbore une fatigue enfantine, sans camouflage. Elle dit qu’à force de jouer cette pièce (restée plusieurs mois à l’affiche à Paris, il y a un an), elle découvre de nouvelles sensations, un plaisir qui n’influe pas sur son jeu, mais qui, au fond d’elle, la rend « encore plus sûre d’être à sa place. »


La crise, elle en est, pourtant, l’un des visages au cinéma. On peut la voir actuellement dans Elles, de Malgoska Szumowska, où elle joue une étudiante qui se prostitue pour s’offrir les jolies choses que ses parents ric-rac n’ont jamais pu lui payer. Son sourire joyeux de déni, de défi, face à Juliette Binoche, crée un trouble intense. Dans Les Neiges du Kilimandjaro, de Robert Guédiguian, elle représente la deuxième génération : une fille de prolos modestement embourgeoisés qui surveille les dépenses de ses parents tentés par l’altruisme. Et dans L’Hiver dernier (sortie le 29 février 2012), elle assiste à l’agonie du monde paysan, carbonisé à force de dettes… En 2010, elle incarnait LA jeune fille française de la classe moyenne, bloquée dans l’ascenseur social en panne, ­surdiplômée, abonnée aux stages humiliants – le film s’intitule D’amour et d’eau fraîche


Dans la vie, elle serait plutôt la preuve qu’on peut s’inventer soi-même, accéder à un monde et à un métier étrangers à son milieu d’origine – pas du tout familier des arts et de la culture. Avoir vu, enfant, Charlotte Gainsbourg dans une énième rediff de L’Effrontée lui aura suffi. Collégienne à Lille et comédienne du mercredi après-midi, elle croise une directrice de casting et, sur ses con­seils, se fait inscrire dans une agence à Paris. A 15 ans, « contre l’avis du principal du collège », elle part trois mois en Autriche, tourner Le Temps du loup, le film d’apocalypse de Michael Haneke. Commentaire d’Emmanuelle Devos, sa par­tenaire sur scène dans Le Problème  : « Je comprends que ses parents l’aient encouragée malgré toutes leurs appréhensions : c’est une actrice née, ins­tinc­tivement juste. Ça se voit tout de suite. »
Malgré les opportunités réguliè­res, la reconnaissance qui venait, elle a passé son bac, s’est inscrite en fac de lettres, sans suite. A continué à vivre chaque rôle comme si c’était le dernier : « Je découvre que c’est l’angoisse secrète de tous les acteurs, sans exception. » Elle s’est même renseignée, il y a encore trois ans, sur une formation pour devenir ostéopathe… Superstition, conjuration.


Fou d’actrices, Christophe Honoré ne s’y est pas trompé. Il l’a repérée en même temps que Léa Seydoux – seule concurrente sérieuse dans cette tranche d’âge – sur le casting de La Belle Personne, et a engagé les deux. Il dit : « Elles sont parfaitement complémentaires. Léa a l’art de ralentir les scènes, Anaïs parvient à jouer vite, mais avec tenue et fermeté. Léa semble avoir beaucoup rêvé sur Adjani, et Anaïs, sur Huppert. » Anaïs Demoustier confirme. Pendant le tournage du Temps du loup, elle est restée fascinée par la concentration de sa prestigieuse partenaire, qu’elle fantasme toujours comme sa mère de cinéma.
L’avenir proche est des plus exaltants. Honoré, qui l’a fait débuter sur scène à Avignon (dans Angelo, tyran de Padoue), l’a choisie pour jouer Marguerite Durasdans son spectacle autour des figures du Nouveau Roman – Ludivine Sagnier seraNathalie Sarraute… Un vrai défi : Anaïs Demoustier sait qu’il ne s’agira pas de ressemblance physique, mais de trouver la note, l’esprit. Elle y travaille. Quand elle reprend son train, elle ressemble aux filles de son âge qui voyagent en musique. Personne ne sait qu’il y a la voix de Duras dans ses écouteurs.




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