Stranger Things ou la fascination des années 1980
Par Constance Jamet Publié le 28/10/2017 à 08:30
SÉRIE - Plus intense encore que la première, la saison 2 de la série de Netflix poursuit les aventures d’un groupe de gamins confronté à des monstres. Entre E.T. et Alien , une fiction symbole de la fascination qu’exercent les « eighties » sur le petit et le grand écran.
Plus besoin d’attendre l’hypothétique construction d’une machine à remonter le temps pour retrouver les douces années 1980. Il suffit d’allumer sa télé ou d’aller dans les salles obscures. Symbole de cette rétro-passion qui s’est emparée de Hollywood, Stranger Things, ou les aventures de gamins confrontés à d’inquiétants monstres… À mi-chemin entre E.T. et Alien. La deuxième saison de cette série au succès inattendu débarque aujourd’hui sur Netflix.
Neuf épisodes «plus sombres, plus intenses», promet l’actrice de 13 ans Millie Bobby Brown au Figaro. «Chaque personnage a sa propre marche mais leurs pas vont finir par converger», assure-t-elle. Son personnage d’Eleven, une fillette aux pouvoirs télékinésiques sur laquelle le ministère de l’Énergie fait des expériences, devra subir une longue odyssée avant de retrouver les siens. Sa performance a tellement impressionné que les Emmy Awards ont nommé l’adolescente plutôt que sa partenaire adulte Winona Ryder, pourtant légende des années 1980 avec Edward aux mains d’argent.
Lettre d’amour au cinéma et à la pop culture des eighties, la série s’ouvrait par la disparition à l’automne 1983 du jeune Will, à l’issue d’une partie de Donjons et Dragons, au moment où sa petite ville de l’Indiana connaissait une panne d’électricité. Les camarades de Will menaient l’enquête, à bicyclette, et mettaient au jour une conspiration gouvernementale et une terrifiante créature. De quoi rappeler l’intrépide quatuor des Goonies, les échappées d’E.T. de Steven Spielberg, mais aussi les meilleurs pages de Stephen King (Charlie, Le Corps).
Pour sa deuxième saison très réussie, qui se déroule un an plus tard, Stranger Thingss’offre un épisode hors cadre qui donnera tout son sens à la mystérieuse scène d’ouverture. Cette nouvelle salve verse plus franchement dans l’horreur et s’approprie les labyrinthes claustrophobiques d’Alienavec qui elle partage le goût des monstres voraces et tentaculaires. Le tout relevé d’une pointe d’Exorciste. Caution vintage, Winona Ryder est rejointe par Sean Astin, ex-Goonies, et Paul Reiser d’Aliens, le retour.
«Les parents n’avaient pas de moyen pour nous contacter»
Les showrunners de Stranger Things, les jumeaux Ross et Matt Duffer, 33 ans, confiaient au Figaro, lors de la sortie de la saison 1, leur vision des eighties: «La fiction de ces années-là évoquait des gens ordinaires à qui il arrivait des péripéties extraordinaires. Nous désirions revenir aux récits de notre enfance, recréer l’ambiance de cette jeunesse aventureuse. On jouait dans les bois. Les parents n’avaient pas de moyen pour nous contacter. Il n’y avait ni Internet ni smartphone. On échangeait au moment du dîner.» Et ce fut le succès surgi de nulle part, applaudi jusqu’au maître Stephen King.
Les frères Duffer ne sont pas les seuls à cultiver la nostalgie des eighties.Le couple d’espions deThe Americans a ressuscité la guerre froide. Glow,les combats féminins de catch. La série d’anticipation Black Mirror a placé son épisode acclamé «San Junipero» dans la Californie de 1987, pour évoquer la vie après la mort. Côté sitcoms, le scénariste Adam Goldberg rejoue depuis quatre saisons son enfance dansLes Goldberg. La série dérivée de Big Bang Theory, Young Sheldon, évoque les vertes années du prodige à partir de 1989. Carton également au grand écran comme le montre l’adaptation au cinéma de Ça, de l’incontournable Stephen King.
«La renaissance des eighties dans la fiction est sans précédent. Elle dure depuis plus longtemps que les années 1980 elles-mêmes et a débuté dès les années 90», note le critique Simon Reynolds. Faut-il y voir une décennie plus riche que les autres? Reconstituer ce passé récent est-il plus facile pour les techniciens? Même si James Gunn, à la tête des Gardiens de la Galaxie, confiait la difficulté de retrouver des modèles de walkmans en bon état de marche. La panne créative d’Hollywood en quête de suites et de «reboots» n’y est pas non plus étrangère, d’Alien Covenant à Blade Runner 2049.
Cette omniprésence a une raison démographique. Les très convoités spectateurs trentenaires et quadras, qui remplissent les salles et souscrivent des abonnements aux plateformes SVOD, comme les auteurs qui émergent, ont tous grandi en étant biberonnés aux classiques des eighties. J.J. Abrams a commis deux films, Super 8 et Cloverfield, bourrés de clins d’œil à son héros Steven Spielberg, rappelle Erwan Desbois dans son essai J.J. Abrams ou l’éternel recommencement (Éditions Playlist Society). Peu après, le créateur de Lost reprenait les rênes des deux franchises Star TrekpuisStar Wars. Le couronnement de son talent pour la réinvention.
Et cette vague devrait déferler longtemps. En 2018, deux séries vont revisiter la décennie en version science-fiction: la saga d’espionnage Counterpart avec l’oscarisé J.K. Simmons, et le récit préapocalyptique de voyage dans le temps Future Man, avec la star d’Hunger Games, Josh Hutcherson.
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