samedi 20 avril 2019

La cathédrale Notre-Dame de Paris, défigurée par un incendie, sera rebâtie



La cathédrale Notre-Dame de Paris, défigurée par un incendie, sera rebâtie

Ayant mobilisé 400 pompiers, l’incendie, qui s'est propagé extrêmement rapidement, a pris dans les combles de la cathédrale, ont indiqué les pompiers, évoquant "un feu difficile"


Par AFP et TIMES OF ISRAEL STAFF
16 avril 2019, 09:00

Avec la fumée noire au-dessus des toits blessés de Notre-Dame, c’est le coeur de Paris qui s’est effondré lundi soir. La cathédrale célébrée par Victor Hugo, l’une des plus grandes d’Occident, est depuis son origine l’un des monuments les plus emblématiques de la ville et mondialement connu.
Ayant mobilisé 400 pompiers, l’incendie, qui s’est propagé extrêmement rapidement, a pris dans les combles de la cathédrale, ont indiqué les pompiers, évoquant « un feu difficile ». Il semble être parti au niveau d’échafaudages installés sur le toit de l’édifice, construit entre le XIIe et le XIVe siècle, et serait « potentiellement lié » aux travaux entamés l’été dernier.
L’incendie a pris vers 16H50 GMT. « J’étais pas loin, j’ai vu les fumées. Au départ je pensais que c’était l’Hôtel-Dieu et puis en fait j’ai compris que c’était la cathédrale. Je suis arrivé, les cendres ont commencé à tomber », raconte Olivier De Chalus, le responsable des guides bénévoles de la cathédrale.

Après plusieurs heures de lutte et une crainte que l’édifice ne puisse être sauvé, les pompiers sont finalement parvenus à maitriser l’incendie durant la nuit. L’incendie était alors « complètement maîtrisé » et « partiellement éteint » et seuls des « foyers résiduels » demeuraient actifs, ont-il déclaré.
Les équipes disposaient au total de 18 lances à incendie. Certains hommes étaient juchés sur des bras mécaniques à des dizaines de mètres de hauteur, luttant pour tenter de circonscrire au plus vite le feu.
L’eau était pompée directement depuis la Seine située à quelques dizaines de mètres, à l’aide de petites embarcations reliées à d’immenses tuyaux.
Utiliser des Canadairs sur le bâtiment était inenvisageable : « Le largage d’eau par avion sur ce type d’édifice pourrait en effet entraîner l’effondrement de l’intégralité de la structure », a tweeté la Sécurité civile.
Vers 23H00 (21H00 GMT), les « deux tours de Notre-Dame (étaient) sauvées » et sa structure « sauvée et préservée dans sa globalité », selon les pompiers.
Aucun mort n’était à déplorer lundi soir. Un pompier aurait été grièvement blessé selon l’agence Reuters.
Les flammes ont dévoré la charpente, longue de plus de 100 mètres et baptisée… « la forêt » : « En raison du grand nombre de poutres qu’il a fallu utiliser pour la mettre en place, chaque poutre provenant d’un arbre », explique De Chalus.
« L’ensemble de la toiture est sinistrée, l’ensemble de la charpente est détruite, une partie de la voûte s’est effondrée, la flèche n’existe plus », a indiqué mardi au petit matin Gabriel Plus, porte-parole des pompiers de Paris.
« Les deux beffrois (parties qui abritent les cloches, ndlr) ont été sauvés », a-t-il ajouté, soulagé, « imaginez : la charpente des beffrois fragilisée, les cloches qui s’effondrent, c’était vraiment notre crainte ! »
« L’ensemble des œuvres d’art qui étaient dans la partie ‘trésor' », ont été sauvées, a-t-il également précisé, dont la couronne d’épines et la tunique de Saint-Louis.
« Le pire a été évité », a déclaré sur place hier soir le président Macron, visiblement ému. « Cette cathédrale, nous la rebâtirons », a-t-il affirmé à la presse. Notre-Dame de Paris « c’est notre histoire, notre littérature, notre imaginaire, le lieu où nous avons vécu tous nos grands moments », a-t-il lancé.
Une enquête a été ouverte du chef de « destruction involontaire par incendie », a précisé dans la soirée le parquet de Paris. La piste d’un départ de feu accidentel depuis le chantier en cours sur le toit de la cathédrale « retient l’attention des enquêteurs en l’état des investigations », a précisé une source proche du dossier.
Les ouvriers du chantier ont été entendus dans la nuit par les enquêteurs, selon le parquet.
Les images très impressionnantes de l’incendie, et en particulier de l’effondrement de la célèbre flèche – dressée sur les quatre piliers du transept avec ses 93 mètres de haut – et d’une partie de la toiture, diffusées en direct par télévisions et réseaux sociaux dans le monde, ont provoqué une émotion internationale.
D'importants travaux ont lieu depuis plusieurs mois à Notre-Dame, notamment pour nettoyer l'édifice, noirci par la pollution.

Cette cathédrale continue d'assurer ses fonctions d'édifice religieux: cinq offices y sont célébrés quotidiennement, et sept les dimanches
Plusieurs journaux français ont préparé des Une poignantes pour mercredi. « NOTRE DRAME », titre Libération sur une photo de la flèche en train de s’effondrer. « Le coeur en cendres », titre de son côté le quotidien catholique La Croix.
Selon Eric Fischer, directeur de la Fondation de l’OEuvre Notre-Dame, il faudra des « décennies » pour reconstruire la cathédrale. La société d’investissement de la famille Pinault, Artemis, a déjà annoncé débloquer 100 millions d’euros pour participer à sa reconstruction, a annoncé dans un communiqué à l’AFP son président François-Henri Pinault. La société LVMH et la famille Arnault ont eux annoncé un « don de 200 millions d’euros » au fonds dédié à la reconstruction de Notre-Dame.
La Fondation du patrimoine, organisation privée qui oeuvre à la sauvegarde du patrimoine français, va lancer mardi une « collecte nationale » pour la reconstruction de la cathédrale, a-t-elle annoncé dans un communiqué à l’AFP.
L’émotion qui s’est emparée des Parisiens, certains en larmes, massés sur les ponts qui enjambent la Seine, dit assez l’importance que revêt dans le coeur français – et bien au-delà de la chrétienté – la cathédrale millénaire, parmi les plus célèbres d’Occident, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et visitée chaque année par près de 14 millions de touristes et pèlerins.
Le sentiment de perte est infini face aux flammes qui ont dévoré le bâtiment gothique aux impressionnantes gargouilles, dont la construction a commencé au Moyen-Age, à la fin du XIIe siècle – en l’état actuel des connaissances, la date retenue pour le début des travaux est 1163 – pour s’étaler durant deux siècles jusqu’en 1345.
Inscrite dans le ciel de Paris, gravée dans le coeur, les passions et la mémoire des Parisiens, Notre-Dame est intimement mêlée à leur histoire : c’est son gros bourdon qui, le 24 août 1944, leur annonce la Libération du joug nazi et qui, 26 ans plus tard, accueille les obsèques du patron de la Résistance, le général Charles de Gaulle.
« Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être/ Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître » écrivait en 1832 Gérard de Nerval dans un poème intitulé « Notre-Dame de Paris ».
Un an auparavant, Victor Hugo lui avait consacré un roman éponyme, dont la cathédrale constitue un personnage à part entière entre Quasimodo, le sonneur bossu, Esmeralda la tentatrice gitane et le prêtre Frollo. Alors qu’un projet de démolition menace l’édifice en raison de son état de délabrement, le roman résonne comme un appel salvateur pour sa restauration de la part du poète écrivain, conscience de la nation.
Chantre du romantisme compassé, le poète et romancier Théophile Gautier a opposé la singularité de la cathédrale  aux « maisons sans pudeur de la ville païenne »: « Le peintre et le poète/ Trouvent là des couleurs pour charger leur palette/ Et des tableaux ardents à vous brûler les yeux », relevait-il avec emphase.
Au fil du temps, chacun a voulu apporter sa pierre à l’édifice monumental : une première flèche fut construite vers 1250, défaite cinq siècles plus tard.
Mais c’est à Eugène Viollet-le-Duc que l’on doit la flèche, controversée, qui s’est effondrée lundi dans un choeur de cris de Parisiens et touristes horrifiés : cet architecte du XIXe siècle a consacré sa vie à rénover les monuments médiévaux et signé là sa réalisation la plus contestée, imposant aux Parisiens en 1860 une flèche qui avait totalement disparu de leur mémoire.
Vue sur la cathédrale de Notre-Dame de Paris (Crédit : GuidoR/CC BY-SA 3.0/Wikimedia commons)
Après la littérature, le cinéma s’est emparé à son tour de ce « monument » qui, plus que tout autre, mérite ce vocable : en 1956, le réalisateur français Jean Delannoy en fait le titre d’un long métrage avec Anthonuy Quinn dans le rôle de Quasimodo, fasciné par les avantages de Gina Lollobrigida-Esmeralda.
Enfin, signe du rayonnement mondial de la cathédrale, même les studios de Walt Disney l’ont placée au cœur de leur dessin animé, le « Bossu de Notre-Dame » (1996), ou encore la comédie musicale éponyme écrite par le Canadien Luc Plamondon, véritable phénomène dans le monde francophone en 1998.

« C’est la mémoire de Paris, c’est un navire de pierre qui a traversé l’histoire », s’est lamenté l’historien Fabrice d’Almeida sur la chaîne France 2. « C’est l’âme de la nation française qui disparaît, l’âme même du cœur de Paris et de la France qui (sont) touchés aujourd’hui », a abondé Stéphane Bern, historien médiatique et fervent défenseur du patrimoine, alors que la silhouette dévorée par les flammes se détachait dans la nuit.



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