lundi 5 janvier 2015

Haruki Murakami / Après le tremblement de terre


HARUKI MURAKAMI 
(村上 春樹)
Après le tremblement de terre

MURAKAMI Haruki
村上 春樹
Après le tremblement de terre
Titre original
Kami no kodomotachi wa mina oduru(2000)
(en français :
Tous les enfants de dieu savent danser)
神の子どもたちはみな踊る
Traductrice : Corinne Atlan
10/18, domaine étranger, 2002
10/18, 2011

L'auteur

Murakami Haruki est un auteur japonais ayant vécu en Europe et aux Etats-Unis et son œuvre possède un rayonnement international. En effet, Murakami combine dans la construction de ses personnages des références à la culture populaire mondiale et un vécu japonais contemporain.

Ses écrits, romans ou nouvelles, sont souvent ancrés dans le quotidien des personnages, un quotidien qui glisse subtilement hors de la normalité. Ce quotidien est parfois émaillé de fantastique, mais se fonde toujours sur une mélancolie qui se transmet au lecteur, la mélancolie d'une banalité quotidienne. L'auteur analyse l'âme humaine, ses tréfonds, ainsi que la société, le tout dans un cadre parfois loufoque.

Une action provoque de façon lointaine et indirecte une réaction dans l'instant, dans la réalité ou ailleurs. On trouve dans son œuvre de longues pensées d'êtres tiraillés, à la recherche de leur identité et abordant l'existence avec parfois une certaine anxiété.

Sa bibliographie

Murakami a publié son premier roman en 1979 (Écoute la voix du vent), et ses deux premiers romans n'ont jamais été publiés en France, malgré le succès rencontré au Japon (il a reçu le prix Gunzo pour son premier roman). Plusieurs de ses oeuvres connaissent par la suite un fort succès qui lui permet de devenir un auteur renommé. Son premier roman publié en France est La course au mouton sauvage, publié en 1982 au Japon et en 1990 en France. La traduction française de Patrick de Vos a d'ailleurs reçu le prix Noma.

Murakami est un auteur qui ne se limite pas à l'écriture de roman, il est en effet également l’auteur de nombreuses nouvelles. Ellesi ont été réunis en trois volumes : Saules aveugles, femme endormie, L'éléphant s'évapore et Après le tremblement de terre. L’une de ses nouvelles a bénéficié d'un tirage à part : Tony Takitani. Il a commencé l'écriture de nouvelles dès 1980, avecUn cargo pour la Chine, publié dans le recueil L'éléphant s'évapore.

Murakami s'est également attelé à l'écriture d'essais et de récits biographiques, 6 en tout, dont seulement deux ont été publiés en France (Underground, publié en 1997-1998 au Japon et en 2013 en France, et Autoportrait de l'auteur en coureur de fond , publié en 2007 au Japon et en 2009 en France).

Il a récemment publié la trilogie 1Q84, entre 2009 et 2010.

Son recueil de nouvelles

Après le tremblement de terre est un recueil de nouvelles paru au Japon entre 1999 et 2000. En toile de fond, le terrible tremblement de terre qui eut lieu à Kobe le 17 janvier 1995 et qui fit 6 437 morts.


Les nouvelles

« Un ovni a atterri à Kushiro »

Personnage principal : Komura. Après le tremblement de terre de Kobe, sa femme ne fait plus rien, elle passe ses journées devant les journaux télévisés à regarder tous les reportages sur le tremblement de terre. Jusqu'à ce qu'un soir, elle disparaisse subitement, en laissant un mot disant qu'elle ne reviendra pas. Komura décide alors pour se changer les idées de rendre service à un de ses amis en allant livrer un colis à la sœur de celui-ci.

« Paysage avec fer »

Personnages principaux : Junko, Miyake et Keisuke. Une fille et deux garçons qui se retrouvent sur une plage pour faire un feu de camp. Ils se lancent alors dans une discussion sur leurs vies.


« Tous les enfants de Dieu savent danser »

Personnage principal : Yoshiya. Sa mère lui apprend que son père n'est pas mort comme elle le lui disait depuis son enfance. Elle lui donne une description sommaire de l'homme et un jour, alors que Yoshiya est dans le métro, il croise un homme ressemblant à la description que sa mère lui a donnée (lobe de l’oreille droite manquant).

« Thaïlande »

Personnage principal : Satsuki. Elle prend des congés après une conférence professionnel à Bangkok et reste dans le pays. Un de ses amis lui conseille un chauffeur pour la durée de son séjour : Nimit. Satsuki et Nimit ont de longues conversations, et le chauffeur, sentant quelque chose qui empêche Satsuki d'avancer, l'emmène voir une sorte de voyante afin de la libérer.

« Crapaudin sauve Tokyo »

Personnages principaux : Crapaudin et Katagiri. Katagiri est un fonctionnaire qui trouve, un soir après son travail, une grenouille géante dans son salon. Celle-ci parle, s'appelle Crapaudin, et a besoin de Katagiri pour sauver Tokyo d'une réplique du séisme de Kobe qui anéantirait la ville.

« Galette au miel »

Personnages principaux : Junpei. Junpei est un écrivain tentant de se faire une place dans le métier. Il prend soin de Sayoko, une amie qu'il connaît depuis l'université, et de sa fille, Sara. Sayoko sort d'un divorce avec Takatsuki. Junpei, Sayoko et Takatsuki étaient un trio inséparable à l'université et Junpei a toujours été amoureux de Sayoko.

Analyse

Du titre 

Dès le titre, Murakami joue avec les attentes du lecteur. Celui-ci donne à penser que le livre va offrir un récit catastrophe et évoquer la façon dont le pays va se remettre du séisme. Au contraire, aucun des personnages ne se trouve à Kobe et donc le séisme n'a pas de conséquences directes sur la vie des personnages. On peut penser que cette description lointaine du tremblement de terre, vu au travers des médias, fait écho à l'expérience de l'auteur. Celui-ci était en effet aux États-Unis lors du séisme, et même si cette catastrophe l'a fait rentrer au Japon, il a surtout vu cette catastrophe par l'intermédiaire des médias. D'où l'importance des émissions de télévision, de radio, des rumeurs ou encore de l'impuissance face à la catastrophe que l'on ressent dans le livre.


Des nouvelles

En lisant ces nouvelles, on essaie de trouver des points communs entre les personnages, entre les histoires de ces personnages. Mais à part le moment où elles se déroulent, c'est-à-dire quelques jours après le tremblement de terre, rien ne semble lier ces personnes. Pas de hasard qui aurait pu les faire se croiser, ou se rencontrer, seul le tremblement de terre est le fil directeur de l’œuvre. Ce qui les unit pourrait alors être ce qu'ils ressentent. Tous semblent écrasés par un sentiment de perte, de vide. La catastrophe naturelle semble faire écho aux catastrophes personnelles qu’ils vivent les personnages.

Toutes ces nouvelles sont focalisés sur un cheminement personnel. En effet, elles sont assez courtes mais s'arrêtent systématiquement juste avant que quelque chose ne se passe. Prenons comme exemple la nouvelle « Thaïlande » : après que Satsuki a consulté la voyante, celle-ci lui décrit un rêve qu'elle va faire, elle lui explique quoi faire dans ce rêve, et que cela la libérera. La nouvelle s'arrête le lendemain soir, à l'endormissement de Satsuki, après que celle-ci s’est dit : « Je vais dormir un peu, se dit-elle. Oui, voilà ce que je dois faire. Dormir. Et attendre le rêve. »Murakami nous invite dans l'intime des personnages, dans les cheminement de leur âmes. De même, de nombreux détails de la vie des personnages sont laissés dans l'ombre, nous savons ce que les personnages ressentent, mais pas toujours ce qu'ils ont vécu. Nous les voyons à un moment précis de leur vie, et Murakami nous livre ces fragments sans explications, il présente ces personnages, leur sentiments sans chercher à nous donner une vue d’ensemble.

Malgré tout cela, une touche d'optimisme flotte dans la plupart des nouvelles, les personnages peuvent se sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils sont seuls, mais ils finissent par rencontrer quelqu'un qui va les aider à s'en sortir, à se reconstruire. Et surtout, Murakami met en lumière à quel point tous les êtres humains sont les mêmes, et se posent les même questions sur leur vie et la raison de leur présence sur terre.

Une nouvelle sort néanmoins du lot par son aspect fantastique, « Crapaudin sauve Tokyo ». Cette histoire, totalement surréaliste, est racontée sur un ton tout à fait naturel, au point que l’on se demande si trouver une grenouille géante qui parle dans son salon ne serait pas en effet tout à fait normal. De plus, Crapaudin fait preuve d'autorité, d'initiative, de courage, face à un Katagiri faible et médiocre, montrant la grenouille comme hautement supérieur à l'être humain dont elle réclame pourtant l'aide. Le ton est plus léger, du moins au début de la nouvelle, et le comique détonne avec le climat général de l'ouvrage. C'est également la seule nouvelle qui ait un lien direct avec un tremblement de terre, mais elle est la seule à sembler totalement incroyable.

Du tremblement de terre

Tremblements de terre intimes à chaque personnage, en miroir avec la catastrophe naturelle. Le séisme est représenté par « Lelombric » dans « Crapaudin sauve Tokyo », et par « Le bonhomme tremblement de terre » « Galette au miel ». Ce sont des personnifications de la catastrophe naturelle, l’objet des cauchemars d'une petite fille, ou des hallucinations (?) d'un fonctionnaire.

« Maintenant je vais écrire des nouvelles d'un autre genre, songea Junpei. Je raconterai par exemple l'histoire d'un homme qui attend que la nuit s'achève, en rêvant avec impatience du moment où le jour va se lever et où il va pouvoir prendre dans ses bras les êtres qu'il aime, dans la lumière claire de l'aube. Mais pour le moment, je dois rester ici et veiller sur ces deux femmes. Quel que soit celui qui veut leur faire du mal, je ne le laisserai pas les enfermer dans ces absurdes boîtes. Même si le ciel nous tombe dessus, même si la Terre s'ouvre en deux dans un grondement. »

Cette allusion au tremblement de terre doit être mise en parallèle avec les cauchemars de Sara à cause de l'allusion aux boites qui laisse planer le doute ; on ne sait plus si le tremblement de terre a provoqué les cauchemars ou si c'est l'inverse.

Dans ce recueil, on retrouve tout ce qui définit l'écriture de Murakami. L'auteur analyse l'âme de ses personnages et nous livre leurs sentiments les plus intimes, il nous expose les questionnements de ces personnes, des questionnements universels, qui concernent tous les êtres humains. Il place ses personnages dans le monde réel, avec en toile de fond des histoires de ce recueil un événement réel, mais comme il aime à le faire, des occurrences fantastiques brouillent notre perception de ce monde que Murakami expose.





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