Liliane Bettencourt |
Liliane Bettencourt - François-Marie Banier : la milliardaire et le poète
Paris Match|
Jérôme Béglé et François Labrouillère
Société. La femme la plus riche d’Europe aurait donné 1 milliard d’euros au romancier, photographe et intime des «happy few». Sa fille porte plainte
Cette affaire romanesque à tendance sulfureuse tient de Gide pour la «ferveur», et de Mauriac pour le nœud de vipères. La somme est rondelette mais la maison Bettencourt est solide. Le magazine «Forbes» l’estimait en 2008 à 22,9 milliards de dollars, la classant 17e fortune mondiale. Fille unique du fondateur de L’Oréal, Liliane a créé en 1987 la Fondation Bettencourt-Schueller, une des mieux dotées de France, dont la devise est «Donner des ailes au talent». Mais c’est à titre personnel que la milliardaire «sponsorise» depuis une dizaine d’années son protégé, l’artiste François-Marie Banier, pour des montants colossaux. Soucieuse d’éclaircir ces transferts de fonds, Françoise Bettencourt-Meyers, fille unique de Liliane, a déposé plainte contre X pour «abus de faiblesse». Mme Bettencourt, veuve depuis un an, a 86 ans.
A sa manière, il aimait les femmes. Les riches surtout. Marie-Laure de Noailles l’a façonné, présenté au Tout-Paris de la fin des années 60 et lui a donné quelques souvenirs. Puis ce sera Paule de Beaumont, Sao Shlumberger, et enfin Liliane Bettencourt, la femme la plus riche d’Europe, propriétaire, avec sa fille Françoise, de 27,4 % du capital de L’Oréal, le géant des produits de beauté. Depuis une vingtaine d’années, le photographe, peintre, romancier et dramaturge François-Marie Banier est le plus proche ami de l’héritière de l’empire L’Oréal et de son mari, André Bettencourt, disparu en novembre 2007, qui l’appréciait également beaucoup. Au fil des ans, le photographe des stars et la milliardaire, dont la fortune est estimée au moins à 22 milliards d’euros, sont devenus des visages familiers de la jet-set mondiale. On peut aussi les croiser à Saint-Germain-des-Prés, flânant dans les galeries d’art de la rue de Seine ou de la rue des Beaux-Arts, avec le chauffeur qui attend dans la voiture. A Moscou, Lille, Milan ou Marrakech, les expositions du protégé de Liliane Bettencourt bénéficient du parrainage de L’Oréal. Son site Internet, fmbanier.com, est lui aussi frappé du label du groupe de cosmétiques. Pour les amis de la famille, François-Marie Banier est en quelque sorte le fils que les Bettencourt n’ont jamais eu. Cette relation intime vaut aujourd’hui à la richissime héritière de se retrouver au cœur d’une histoire de gros sous associée à une pénible querelle familiale.
L’intrigue se noue début 2008, quelques semaines seulement après le décès d’André Bettencourt, l’ami de jeunesse de François Mitterrand, devenu plus tard ministre de René Coty, du général de Gaulle, puis de Georges Pompidou. La fille unique du couple, Françoise Bettencourt-Meyers, dépose alors une plainte contre X pour «abus de faiblesse» auprès du tribunal de Nanterre. Elle demande à la justice de s’intéresser aux «libéralités» astronomiques consenties par sa mère à François-Marie Banier. Selon le site Bakchich.info, qui a révélé l’affaire, la somme avoisinerait le milliard d’euros, en tenant compte des droits d’enregistrement. Elle a été versée en plusieurs fois, ces dix dernières années, sous la forme de différents contrats d’assurance-vie, souscrits devant notaire, avec toujours un bénéficiaire unique : l’artiste photographe. Liliane Bettencourt aurait aussi fait cadeau à son ami de tableaux, non visés par la procédure. La plaignante, auteur du livre récent «Regard sur la Bible» (éd. de L’Œuvre) évoquant les relations entre juifs et catholiques, est en froid, depuis, avec sa mère. Elle insiste sur le fait que ces versements se sont multipliés au cours des dernières années, ce qui pourrait signifier que Liliane Bettencourt, 86 ans, a été abusée et manipulée en raison de son grand âge. La vieille dame, cet automne, a été interrogée par les policiers de la brigade financière, qui se sont rendus à son domicile de Neuilly. «J’ai le droit de disposer comme je l’entends de mon argent», leur a-t-elle répondu en substance, refusant de se soumettre à une expertise médicale. François-Marie Banier a, lui aussi, été entendu. Selon sa version, c’est comme «mécène» que l’héritière du fondateur de L’Oréal le «sponsorise» dans ses multiples activités. Le procureur du tribunal de Nanterre, Philippe Courroye, devra maintenant décider, soit de classer l’affaire, soit d’ouvrir une information judiciaire et de désigner un juge d’instruction. Un dossier ultrasensible en raison de ses protagonistes – dont aucun des avocats, joints par Paris Match, n’a souhaité s’exprimer – et des implications économiques du sort de L’Oréal.
François-Marie Banier rencontre Liliane Bettencourt pour la première fois au milieu des années 1980, grâce à Nicole Wisniak, la créatrice du magazine «Egoïste». Le vibrionnant photographe-peintre-romancier charme sans peine la richissime héritière qui a toujours adoré la compagnie des artistes. Car François-Marie Banier a de la conversation. Louis Aragon, Vladimir Horowitz, Samuel Beckett, Yves Saint Laurent, Pierre Cardin, François Nourissier, Caroline de Monaco... Il a fréquenté toutes sortes de grandes figures de la seconde moitié du XXe siècle, et sait en parler. Plus près de nous, Vanessa Paradis et Johnny Depp font partie de ses intimes, Banier est le parrain de leur fille, Lily Rose. Un déjeuner avec François-Marie, ce sont mille anecdotes qui émaillent la conversation, et presque autant de compliments bien dosés adressés à son interlocuteur. Exactement ce que recherchent les grands de ce monde. Etre milliardaire, c’est accepter de perdre son temps dans des dizaines de conseils d’administration, de converser avec des banquiers austères, de parler actions, dividendes et impôt sur la fortune. Quand un artiste fait irruption dans cet univers feutré, il énerve ou il séduit. Repliés dans leur hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine, Liliane et André Bettencourt aiment recevoir ce personnage qui se vante d’avoir trouvé le nom du parfum Opium pour Saint Laurent – Pierre Bergé a toujours démenti – et qui aurait activement participé au baptême de Poison pour Dior.
Ce «french dandy» a fait de son appareil photo le compagnon de son entrisme
Dès 1987, dans un album publié par Gallimard, François-Marie signe sa première photo de Liliane au pied du monumental escalier de son hôtel particulier, à la déco 1930. A Paris, à un trait de l’église Saint-Sulpice, l’appartement-atelier-studio-labo photo-local d’archives de l’ami de la famille Bettencourt est une vraie caverne d’Ali Ba-ba ! Son trésor : des milliers de photographies intimes de tous les gens qu’il a côtoyés. Aux noms cités précédemment, on peut ajouter ceux d’Isabelle Adjani, Sylvana Mangano, Betty Catroux, Pascal Greggory, Marc Jabobs, Madeleine Castaing, Nathalie Sarraute, Inès de la Fressange, Kate Moss, Mick Jagger...
Certains portraits sont exceptionnels, les modèles acceptant pour lui d’être shootés sur le vif, sans maquillage, sans chichi ou tralala. Aucune de ces images n’est destinée à être publiée dans l’immédiat. Un rêve pour le photographe et son modèle. Au point que «Vanity Fair» a consacré, il y a un an, un élogieux portrait à ce «french dandy» qui a fait de son appareil photo le compagnon de son entrisme. Petit à petit, son patrimoine immobilier s’agrandit. Associé à un lord anglais, le réalisateur David Rocksavage, de son vrai nom le marquis de Cholmondeley, il domicilie dans son immeuble trois de ses cinq sociétés civiles immobilières. Il y rachète aussi en viager l’appartement d’une centenaire, veuve de l’artiste-peintre Léon Gischia. Dans les SCI June et Blanche, Liliane Bettencourt lui a fait don, en juin 1997, de ses actions et de créances pour 11,2 millions de francs. Le notaire a alors dressé la liste de plusieurs donations précédentes : 1,4 million de francs en dons de créance, 4,47 en compte courant,3,2 en don manuel, 250 000 francs en chèque, et deux fois 1,5 million de francs toujours en chèque.
Mais Banier ne vit pas sous cloche. Devant son porche, deux cyclomoteurs Peugeot l’attendent pour ses pérégrinations. Dès potron-minet, il sillonne Paris à la recherche de «gueules». Vieilles dames, clochards, enfants, jeunes gens en costume, balayeurs : le genre humain l’intéresse. Il a consacré plusieurs albums à ces visages inattendus.Tel est François-Marie Banier. Séducteur, espiègle, canaille, mythomane, drôle, narcissique, cultivé, snob, acerbe, cynique, jamais dupe – pas même de lui-même –, bref, proustien. La compagnie des riches et des puissants ne lui suffit pas. D’ailleurs, il évite les mondanités.
Dès 1987, dans un album publié par Gallimard, François-Marie signe sa première photo de Liliane au pied du monumental escalier de son hôtel particulier, à la déco 1930. A Paris, à un trait de l’église Saint-Sulpice, l’appartement-atelier-studio-labo photo-local d’archives de l’ami de la famille Bettencourt est une vraie caverne d’Ali Ba-ba ! Son trésor : des milliers de photographies intimes de tous les gens qu’il a côtoyés. Aux noms cités précédemment, on peut ajouter ceux d’Isabelle Adjani, Sylvana Mangano, Betty Catroux, Pascal Greggory, Marc Jabobs, Madeleine Castaing, Nathalie Sarraute, Inès de la Fressange, Kate Moss, Mick Jagger...
Certains portraits sont exceptionnels, les modèles acceptant pour lui d’être shootés sur le vif, sans maquillage, sans chichi ou tralala. Aucune de ces images n’est destinée à être publiée dans l’immédiat. Un rêve pour le photographe et son modèle. Au point que «Vanity Fair» a consacré, il y a un an, un élogieux portrait à ce «french dandy» qui a fait de son appareil photo le compagnon de son entrisme. Petit à petit, son patrimoine immobilier s’agrandit. Associé à un lord anglais, le réalisateur David Rocksavage, de son vrai nom le marquis de Cholmondeley, il domicilie dans son immeuble trois de ses cinq sociétés civiles immobilières. Il y rachète aussi en viager l’appartement d’une centenaire, veuve de l’artiste-peintre Léon Gischia. Dans les SCI June et Blanche, Liliane Bettencourt lui a fait don, en juin 1997, de ses actions et de créances pour 11,2 millions de francs. Le notaire a alors dressé la liste de plusieurs donations précédentes : 1,4 million de francs en dons de créance, 4,47 en compte courant,3,2 en don manuel, 250 000 francs en chèque, et deux fois 1,5 million de francs toujours en chèque.
Mais Banier ne vit pas sous cloche. Devant son porche, deux cyclomoteurs Peugeot l’attendent pour ses pérégrinations. Dès potron-minet, il sillonne Paris à la recherche de «gueules». Vieilles dames, clochards, enfants, jeunes gens en costume, balayeurs : le genre humain l’intéresse. Il a consacré plusieurs albums à ces visages inattendus.Tel est François-Marie Banier. Séducteur, espiègle, canaille, mythomane, drôle, narcissique, cultivé, snob, acerbe, cynique, jamais dupe – pas même de lui-même –, bref, proustien. La compagnie des riches et des puissants ne lui suffit pas. D’ailleurs, il évite les mondanités.
Du côté de Liliane Bettencourt, dont l’une des conseillères financières n’est autre que la banquière Florence Woerth, épouse du ministre du Budget, se joue aussi une bataille financière pour le contrôle de l’Oréal. Très attachées aux racines françaises de l’entreprise, ni Liliane ni sa fille Françoise n’ont jusqu’ici accepté de céder aux appétits de la multinationale suisse Nestlé, l’autre gros actionnaire (à 26,4 %) de L’Oréal. Mais fin avril 2009, au moment où le groupe fêtera son centenaire, prendra fin le «pacte» liant les Bettencourt à Nestlé. Alors, tout pourra arriver. Et si la discorde persiste dans la famille fondatrice, le risque sera grand de voir bientôt L’Oréal tomber dans l’escarcelle du copropriétaire helvétique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire