dimanche 7 juillet 2013

Scarlett Johansson attaque l'éditeur de Grégoire Delacourt



Scarlett Johansson attaque l'éditeur de Grégoire Delacourt

Par  @annieyanbekian
Journaliste, responsable de la rubrique Jazz-Musiques du Monde de Culturebox
Mis à jour le 07/06/2013 à 12H09, publié le 07/06/2013 à 10H59

Scarlett Johansson demande réparation auprès des éditions Jean-Claude Lattès, a révélé la radio RTL. La star de cinéma n'a visiblement pas du tout apprécié de voir son nom et sa personne utilisés dans le livre "La première chose que l'on regarde", le roman de Grégoire Delacourt. L'éditeur a confirmé l'information.
L'interprète vedette de "Lost in Translation" (grand succès de Sofia Coppola, 2003) réclame officiellement "réparation pour violation et exploitation frauduleuse des droits de (sa) personnalité". Elle demande en substance que l'éditeur soit condamné à des dommages et intérêts.

"Nous avons reçu le 5 juin une assignation devant le Tribunal de grande instance de Paris à la demande de Scarlett Johansson", a précisé la maison d'édition JC Lattès auprès l'AFP. "Nous avons 15 jours pour présenter un dossier."

Dans le roman de Grégoire Delacourt paru en mars chez Lattès, une femme ressemblant de façon troublante à Scarlett Johansson frappe à la porte d'Arthur, un garagiste de la Somme. Le jeune homme est subjugué. Ils vivront une idylle et l'on apprendra quelques dizaines de pages plus tard qu'il ne s'agit pas de la star de Hollywood mais d'une jeune Française, Janine. Le livre rencontre un franc succès en librairie, que cette affaire ne manquera pas d'accroître...

Scarlett Johansson demande par ailleurs au tribunal d'interdire aux éditions JC Lattès "la cession de droits et d'adaptation de l'ouvrage".

La réaction "triste" de Grégoire Delacourt, stupéfait
Cette romance littéraire n'aura pas du tout ému Scarlett Johansson. Sa réaction chagrine beaucoup Gégoire Delacourt qui "en reste sans voix". Il s'est dit "surpris" et "attristé", vendredi matin sur l'antenne de RTL : "Je n'ai pas écrit un roman people. J'ai écrit une vraie histoire d'amour avec des personnages romancés (...) Je ne m'attendais pas à ça. J'ai l'impression qu'elle reproche peut-être le fait d'avoir parlé d'elle... Ce qui m'attriste d'autant que j'ai fait un livre où Scarlett Johansson s'appelle plutôt Janine Fouquempré, et que j'ai vraiment voulu écrire une histoire d'amour et un énorme hommage à la beauté des femmes, surtout la beauté intérieure. Donc je ne vois pas trop bien ce qui est fautif là-dedans. C'est juste un peu flippant de penser qu'on parle d'un personnage d'un roman, et que tout d'un coup la justice s'en mêle... Je suis assez triste si demain, on ne peut plus parler d'un personnage public, d'une place publique, d'un nom propre..."

S'il avait Scarlett Johansson au téléphone, Grégoire Delacourt lui dirait tout simplement "I love you", a-t-il conclu vendredi matin sur RTL.

"Cette affaire est d'autant plus folle que ce roman est un hymne aux actrices, un hommage à leur beauté et à leur intelligence, pour dire justement que c'est la beauté intérieure qui compte. Et, surtout, c'est de la littérature !", a réagi de son côté l'éditeur, faisant fidèle écho aux propos de l'écrivain.

Un précédent roman bientôt adapté au cinéma pour Delacourt
 Le précédent livre - et best-seller - de Grégoire Delacourt, 53 ans, "La liste de mes envies", paru en février 2012, déjà publié dans 47 pays, se trouve en cours d'adaptation au cinéma. Et l'auteur a justement été approché pour "La Première chose qu'on regarde". Il aurait adoré voir le personnage du roman incarné par l'actrice américaine de 28 ans...



vendredi 26 avril 2013

Ron Mueck à Paris


Mask II, 2001 Matériaux divers Anthony d’Offay, Londres
Ron Mueck

Ron Mueck à Paris

16 Avril - 27 Octobre 2013 à la Fondation Cartier, Paris.



Ce qui frappe dès le premier regard sur les sculptures de Ron Mueck, c’est leur présence physique et le sentiment qu’elles font naître de toucher la réalité de notre humanité alors que l’on est dans la représentation. On est placé dans une sorte d’altérité absolue, face à des individus dont on devine la proximité affective, l’empathie de l’artiste avec les sujets qui les ont inspirés.

Le réalisme propre au travail de Ron Mueck qui tend à un mimétisme parfait, sa grande maîtrise du matériau, la résine de polyester sur fibre de verre et silicone, pour le rendu de la peau, l’utilisation de vrais cheveux pour la pilosité, ne suffisent pas, à l’évidence, à expliquer cette impression.



Atelier de Ron Mueck, janvier 2013 © Ron Mueck Photo © Gautier Deblonde

En effet, ce mystère inhérent à la représentation artistique provient ici du dépassement même de ce réalisme que l’artiste subvertit en modifiant les données de la réalité au moyen de l’échelle, des proportions. Tantôt géantes, tantôt minuscules, les sculptures ne s’imposent pas seulement par leur présence physique mais par leur présence psychologique. L’attitude, la pose, l’expression renvoient à un état mental, une situation apparemment banale mais qui créée, chez le spectateur, un trouble, une inquiétude.


Couple under an umbrella. Montage de l’exposition © Thomas Salva _ Lumento pour la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2013

Figées dans l’espace et le temps, elles s’entourent de silence en dépit du récit que l’on tente de construire et d’imaginer à partir d’elles et à partir de notre expérience existentielle intime : la joie, la tristesse, l’inquiétude telle qu’elles apparaissent dans Couple under an umbrella (2013) ou dans Woman with shopping (2013), une maternité contemporaine bouleversante.


Couple under an umbrella (détail).

Les sujets, la vie, la naissance, la souffrance, la mort, les différents passages de la vie suggérés par les jeux d’échelle, nous renvoient en effet à notre humanité. Ce sont aussi les sujets de la statuaire religieuse à laquelle Ron Mueck fait souvent référence. C’est le cas de Drift, un homme étendu sur un matelas pneumatique, les bras en croix, présenté à la verticale qui fait penser à une crucifixion. C’est également le cas de Youth, un jeune adolescent noir qui regarde sa plaie au côté droit, inspiré par le tableau de Caravage l’Incrédulité de Saint Thomas.
L’espace de la fondation Cartier est pensé de manière à entourer les œuvres d’un vide qui amplifie la part énigmatique qui s’en dégage et qui permet d’instaurer cette confrontation qui fait la force du travail de Ron Mueck.



Woman with Sticks, 2009 Matériaux divers Courtesy Hauser & Wirth
Ron Mueck Photo Courtesy Hauser & Wirth, Londres.

Fondation Cartier pour l’art contemporain

261, Boulevard Raspail

Paris 75014 France

Tel. +33 (0)1 42185650



Amélie Pironneau
Amélie Pironneau est docteur en histoire de lʼart et critique dʼart. Elle a notamment publié aux éditions bookstorming un ouvrage sur “La crise de la peinture en France 1968-2000”.


mercredi 24 avril 2013

Les confessions de John Le Carré

 

Le romancier britannique  pour la première de l'adaptation de Tinker, Tailor, Soldier, Spy à Londres. MAX NASH/AFP

Les confessions de John Le Carré

Dans le New York Times Magazine, l'auteur deL'espion qui venait du froid, 81 ans, revient sur sa carrière et sa biographie.

À quatre-vingt-un ans, John Le Carré a toujours bon pied bon œil. Il a confié sa recette pour rester en forme à un journaliste du New York Times Magazine qu'il a reçu dans sa maison de Cornouailles: «J'écris, je marche, je nage et je bois.» Et reste aux aguets. Si sa querelle de 1997 avec Salman Rushdie semble apaisée, il est toujours en colère contre George Bush. Pour ne pas oublier, il a placé une poupée à l'effigie de ce président dans ses toilettes… Côté cinéma, tout va bien: l'adaptation de Tinker, Tailor, Soldier, Spy ( La Taupe ) a entraîné la vente d'un million d'exemplaires du roman, paru en 1974, et trois nouvelles adaptations sont en chantier.

À l'écart, Le Carré poursuit son œuvre. Son 23e roman, A Delicate Truth, pas encore paru, il écrit déjà le suivant d'après une histoire de Conrad. Il a aussi fait un pacte avec sa famille. Dès qu'elle jugera que la qualité de son travail baisse, elle devra l

'avertir, car il sait qu'au point où il en est il pourrait «toucher de l'argent pour recopier l'annuaire téléphonique»...


JOHN LE CARRÉ

Ecrivain britannique

“Ecrire, c’est comme se trouver dans une maison vide et guetter l’apparition de fantômes”


BIOGRAPHIE DE JOHN LE CARRÉ

Après avoir terminé premier de sa promotion en lettres modernes à l'Université Lincoln (Oxford), David John Moore Cornwell se tourne vers l'enseignement. Mais en 1959, il entre au service de sa majesté tout d'abord comme secrétaire à l'ambassade anglaise de Bonn puis comme consul à Hambourg. Ce n'est qu'en 1961 qu'il commence à écrire des romans d'espionnage, décrivant avec réalisme et humour le monde des agents secrets et prenant pour nom de plume John Le Carré. Six de ses livres ont été adaptés en films comme 'Le Tailleur de Panama'. Son troisième roman 'L'Espion qui venait du froid' lui confère une renommée internationale. Après ce dernier, écrit en 1963, suivent de nombreuses autres histoires de forces spéciales comme 'Un traitre à notre goût' en 2011 et 'Une vérité si délicate' en 2013.



LE FIGARO





mercredi 17 avril 2013

Les sculptures hyperréalistes de Ron Mueck s'installent à Paris





1|20Avis aux retardataires et aux têtes en l'air, les impressionnantes sculptures de Ron Mueck sont de retour en France. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO


Les sculptures hyperréalistes de Ron Mueck s'installent à Paris

C'est une nouvelle fois la Fondation Cartier qui invite le sculpteur australien à exposer au public ses corps en silicone troublants de vérité...

Elodie DrouardFrance Télévisions
Mis à jour le 17/04/2013 | 11:09
publié le 15/04/2013 | 18:28


2|20Treize ans après une exposition remarquée, la Fondation Cartier (Paris 14e) invite à nouveau l'artiste australien à peupler son bâtiment de verre. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

3|20La plus imposante sculpture, "Couple under an umbrella", est visible depuis la rue. Elle montre un couple de personnes âgées dont la posture et la texture sont d'une rare justesse, jusqu'au bout des ongles. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

4|20Rappelons qu'en 2005, cette exposition atypique, où seules cinq pièces étaient installées, avait conquis le public. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

5|20Elle reste à ce jour le plus gros succès de la Fondation Cartier. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

6|20Jusqu'au 29 septembre 2013, ce sont neuf sculptures que le visiteur pourra venir examiner. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

7|20Parmi elles, trois ont été réalisées spécialement pour l'occasion. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

8|20Toutes représentent des êtres humains, à l'exception de "Still Life" (2009), conçue en résonance avec la dernière épidémie de grippe aviaire. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

9|20Et pour ne pas frustrer le visiteur qui pourrait être surpris par cette exposition a minima, un film inédit de 52 minutes retraçant le processus créatif de Ron Mueck est également projeté. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

10|20Car Ron Mueck n'est pas un sculpteur comme les autres. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

11|20Il crée des figures humaines réalistes à l'excès, en jouant sur de surprenants changements d'échelle. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

12|20Dans "Woman with shopping" (2013), Mueck imagine une mère dont les bras chargés de sacs à provisions l'empêchent de tenir son enfant. C'est cette contrainte particulière qui induit une situation de malaise chez le visiteur. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

13|20Et la consternation se poursuit devant chaque œuvre. Le visiteur reste stupéfait devant ces êtres que l'on aimerait toucher tant ils semblent sortis de notre monde imparfait. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

14|20L'attitude des personnages est bluffante et rappelle d'autres sculpteurs hyperréalistes, comme Duane Hanson. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

15|20Dans "Youth" (2009), un jeune homme blessé semble découvrir le sang qui coule de sa plaie, comme saint Thomas découvrait la blessure du Christ dans un tableau du Caravage. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

16|20Conçues en silicone et en résine de polyester, ces sculptures interpellent par la précision des détails et la justesse de leurs attitudes. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

17|20Dans "Young Couple" par exemple, le visiteur tourne autour de ce jeune couple que l'on imagine sans histoire avant de découvrir la façon dont ils se tiennent la main. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

18|20Chaque œuvre est ainsi le point de départ d'un questionnement sur soi et sur les autres. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

19|20Exposition "Ron Mueck" à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, à Paris (14e), jusqu'au 29 septembre 2013. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO

20|20Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 11 heures à 20 heures. Entrée : 9,50 euros. ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO




samedi 2 mars 2013

Paul Auster et Siri Hustvedt / L'amour des lettres


Siri Hustvedt et Paul Auster
Foto de Sebestien Micke

PAUL  AUSTER 

& SIRI HUSTVEDT

L'AMOUR DES LETTRES

Le 02 mars 2013 | Mise à jour le 02 mars 2013
Paris Match. La légende veut que le jour de votre rencontre, le 23 février 1981, vous soyez tombés amoureux en soixante secondes. Est-ce vrai ?
Siri Hustvedt. C’est effectivement ce que j’ai dit plusieurs fois, mais j’ai ajouté : “Lui, il lui a fallu plusieurs heures !”
Paul Auster. Il y a toujours deux points de vue dans une histoire ! Siri m’a vu avant que je ne la remarque ! Il a fallu quelques minutes de plus pour qu’un ami commun fasse les présentations officielles.
S.H. Je sentais que je devais marcher sur des œufs pour arriver jusqu’à toi !
Dans quel état étaient vos vies ­personnelles avant cette soirée ?
P.A. J’étais séparé depuis plus de deux ans de ma première épouse, j’avais connu pas mal d’aventures avec différentes femmes. A ce moment-là, j’avais quelqu’un dans ma vie, mais ce n’était pas la grande passion amoureuse. Je ne pensais pas me marier une nouvelle fois, je croyais avoir raté ma seule chance dans ce domaine…
S.H. Moi, je venais de me séparer et j’étais aux aguets ! Notre ami commun m’a présenté Paul comme “poète” et cela m’a tout de suite plu. A l’époque, je lisais beaucoup de poèmes, j’en avais moi-même publié quelques-uns dans des magazines. Nous sommes montés dans un taxi tous les trois, et Paul s’est mis à parler de George Oppen, le poète objectiviste. J’avais très envie de prolonger la conversation...
P.A. Après la lecture à laquelle nous assistions, il y a eu une fête, downtown, c’est là que tout a commencé. Plus tard nous sommes allés dans un bar pour continuer la discussion…
Siri Hustvedt, Sophie Auster et Paul Auster

«Notre relation était une vraie surprise»

Saviez-vous que vous vous engagiez pour toute votre existence ?
S.H. Non, personne ne peut jamais être certain de ce genre de choses.
P.A. Il nous a fallu quelques mois avant de décider que cela serait une affaire à long terme.
S.H. Et aussi pour appréhender les sentiments et le désir de l’autre… Tout comme Paul, je ne songeais absolument pas à me marier. Je tenais à mon autonomie et à ma liberté, j’étais très bien toute seule. Cette relation était une vraie surprise. Et, subitement, quand nous avons décidé d’emménager ensemble, je lui ai dit : “J’ai réfléchi, je ne vais pas vivre avec toi tant que tu ne m’épouses pas.”
P.A. Et j’ai dit OK. C’était si romantique…
Paul, plus de trente ans après, vous écrivez à propos de Siri : “C’est l’une des étoiles qui brillent dans la vaste constellation d’un amour qui dure.”
S.H. C’est très gentil de ta part ! Quand j’ai lu cette phrase, je me suis sentie sanctifiée, mais je sais que ses sentiments vont dans ce sens, donc cela n’en était que plus émouvant. Nous avons une relation complexe, agrémentée parfois de disputes… Certains hommes espèrent trouver une épouse, je ne suis pas ce genre-là. Je cherche avant tout un alter ego intellectuel, et je peux vous dire qu’il n’y en a pas beaucoup… Je ne voulais pas quelqu’un qui s’occupe de moi et je ne me voyais pas au service d’un homme.
P.A. Tout comme moi…
S.H. Il faut aussi savoir et accepter que l’autre change. Je ne suis pas la même qu’il y a trente ans, tout comme Paul n’est plus le garçon que j’ai rencontré en 1981. Si nous sommes toujours ensemble, c’est que nous avons su faire des efforts pour évoluer, tout en laissant de la place à l’autre. Si vous n’acceptez pas cette évolution, votre histoire d’amour ne peut pas marcher.
P.A. Vous voyez comme elle est dure ? Mais elle a totalement raison. Je n’ai jamais voulu une charmante petite femme qui range mes chaussettes. Je voulais une camarade, spirituelle, intellectuelle et artistique. Sans vouloir être arrogant, Siri a toujours intimidé les hommes par sa grande taille, par sa grande beauté et par sa grande intelligence. Mais allez savoir pourquoi, moi, elle ne m’a jamais impressionné !
Paul Auster et Sophie Auster
Etiez-vous sûr de vouloir devenir écrivains ?
S.H. et P.A. Oh oui !
S.H. Quand nous nous sommes rencontrés, Paul n’était absolument pas connu. Il n’avait presque rien publié et travaillait sur ses romans…
P.A. J’ai longtemps été un écrivain obscur. J’ai ­commencé à vivre de l’écriture à la quarantaine. Nous étions déjà ensemble depuis six ans quand le succès est arrivé.
Vous entraidez-vous dans vos ouvrages respectifs ?
S.H. Nous lisons les manuscrits de l’autre avec ­beaucoup d’attention et nous les commentons. Nous fonctionnons ainsi depuis toujours. Paul est mon premier lecteur et je suis sa première lectrice. Ces derniers temps, les commentaires sont assez restreints, je note une répétition, j’évoque un point que je ne comprends pas dans le récit… Il nous est arrivé d’avoir aussi des remarques très importantes ; une fin dans l’un des romans de Paul ne me plaisait pas.
P.A. Je ne vous dirai pas laquelle…
S.H. Et il l’a retravaillée trois fois !
P.A. Je n’ai jamais été en désaccord avec Siri. Car moi aussi j’ai été amené à lui dire que son texte n’était pas bon. Ce fut une conversation difficile, mais je savais qu’elle était capable de mieux. Après le lui avoir dit, je ne l’ai pas revue pendant huit mois car elle a tout repris depuis le début.
Siri, qu’avez-vous ressenti à la lecture de “Chronique d’hiver” ?
S.H. J’ai trouvé ce texte très beau. “L’invention de la solitude” est un livre qui me tient particulièrement à cœur et “Chronique d’hiver” est dans la continuité, mais écrit par un homme bien plus mature. Le projet artistique en soi, les éléments autobiographiques, la forme du journal me plaisent, mais comme j’ai vécu toutes ces années auprès de lui, je n’ai rien appris, et même j’en sais beaucoup plus !
Paul, le récit autobiographique est-il plus dur qu’un roman ?
P.A. C’est le même effort, votre cerveau est juste dans un endroit légèrement différent. Et je n’ai écrit que sur ce dont je me souviens. J’ai pu cruellement constater qu’il y a beaucoup de choses dans ma vie que j’ai oubliées.
S.H. Cela m’arrive de plus en plus de croiser des gens qui se souviennent de moi et de ne pas savoir à qui j’ai affaire. C’est devenu un sujet intéressant pour mon travail scientifique…
Il est aussi facile de voir des éléments personnels dans vos textes.
S.H. Dans mon premier roman, il y avait des allusions très claires à Paul. Mais les gens en ont fait une telle ­montagne que, depuis, je fais très attention à ne plus l’inviter dans mes récits.
P.A. J’ai parlé de Siri deux fois, dans “La cité de verre”, où elle est l’un des personnages, et dans “Léviathan”, où elle apparaît sous le nom d’Iris, prénom utilisé dans le premier roman de Siri.
S.H. Cela a créé ensuite de nombreuses confusions, Paul a souvent dit qu’il ne fallait pas voir nos vies dans nos romans, mais les gens préfèrent continuer à chercher...

«Notre intimité, notre dialogue permanent nous ont construits»

Pouvez-vous avoir de l’influence l’un sur l’autre ?
S.H. Les vraies influences se font de manière inconsciente. Notre intimité, notre dialogue permanent nous ont construits.
P.A. Siri m’a rendu beaucoup moins cynique. [Siri rit.] Oui, c’est vrai ! Et moins pessimiste. Sans elle, j’aurais écrit des textes si dépressifs que personne n’aurait eu envie de les lire !
La mort sous-tend “Chronique d’hiver”. Vous semblez en avoir peur…
P.A. Mes parents sont décédés assez jeunes, mon père avait 66 ans, mon âge aujourd’hui, ma mère, 77 ans... Je n’ai pas peur, mais je suis dans l’état de celui qui
regarde la dernière partie de sa vie. Je sais que la fin se rapproche.
S.H. Je travaille aussi intensément parce que je sens une autre forme d’urgence. Les années passent, même si je n’ai que 58 ans, et je sens aussi qu’il me reste moins à vivre que ce que j’ai déjà vécu. La mort devient de plus en plus présente dans notre vie, même si nous sommes toujours alertes, et qu’aucun de nous deux n’est malade.
P.A. Nous avons eu une conversation passionnante il y a deux ans à ce sujet avec l’une de nos amies. Elle a plus de 80 ans, elle régresse physiquement, et elle nous faisait part de sa peur de la mort. Pas de l’acte de mourir en soi, mais le fait qu’elle n’avait pas envie de ne plus vivre. Elle sait que le temps est compté. Je n’avais jamais entendu quelqu’un parler aussi clairement de la crainte de mourir. Puis elle a conclu la soirée sur une note d’humour : “Si vous vous réveillez après 60 ans et que rien ne vous fait mal le matin, c’est que vous êtes mort.”
S.H. Allez Paul, ne sois pas si dramatique…
P.A. [Il rit !]
« Chronique d’hiver », de Paul Auster, éd. Actes Sud, 252 pages, 22,50 euros, sortie le 6 mars.
« Vivre, penser, regarder », de Siri Hustvedt, éd. Actes Sud, 507 pages, 24,80 euros.