dimanche 30 mars 2014

Biographies / Stéphane Audran


Stéphane Audran


Acteur né le 8 novembre 1932 à Versailles.

Biographie de Stéphane Audran

Audran Stephane est une actrice française, née à Versailles le 8 novembre 1932. Son vrai nom est Colette Suzanne Dacheville. Elle a suivi des études dans le domaine de l'art dramatique, en compagnie de Charles Dullin, Tania Balachova, René Simon et Michel Vitold.
Son métier d'actrice commence par le film « Le Jeu de la nuit » en 1957, avec Daniel Costelle.
Le théâtre a aussi fait partie de son parcours professionnel, notamment une pièce jouée en 1964, « Macbeth » de Wiliam Shakespeare, mise en scène par Claude Chabrol.
Depuis son premier film, elle enchaîne les rôles dans de nombreux films, dont « La Fille de Monaco » d'Anne Fontaine. Ses diverses prestations, tout au long de sa carrière d'actrice, ont été reconnues. Elle fut récompensée au festival de Berlin, par un Ours d'argent, pour « Les Biches » en 1968. De plus, elle a reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1979, pour « Violette Nozière ». Elle a également connu une carrière à la télévision, dans des séries ou feuilletons, comme « Sissi, l'impératrice rebelle » en 2004 de Jean-Daniel Verhaeghe. 
Elle s'est aussi lancée dans l'écriture, avec un livre qui s'intitule « Une autre façon de voir la vie » en 2009.

Filmographie de Stéphane Audran

Récompenses de Stéphane Audran



samedi 29 mars 2014

Karen Blixen / Champ de douleur

Karen Blixen

Champ de douleur


Karen Blixen
Nouvelliste et romancière danoise, Karen Blixen -- pseudonyme de Karen Dinesen, baronne Blixen-Finecke -- est née à Rungsted (Danemark) le 17 avril 1885.
Elle appartient à une famille ayant des goûts littéraires prononcés: son père, le capitaine d'infanterie Wilhelm Dinesen, étant également écrivain sous le pseudonyme de Bogdams et son frère, Thomas Dinesen, ayant également, à travers une vie aventureuse, publié des souvenirs, des essais et des nouvelles.
Dès 1907-1909 elle publie quelques contes, sous le pseudonyme d'Osceola. Élève à l'Ecole des Beaux-arts entre 1903 et 1906, elle poursuit des études artistiques à Paris en 1910 et à Rome en 1912 et séjourne longuement à Pans et en Angleterre avant d'épouser, en 1914, son cousin suédois, le baron Blixen-Finecke, dont elle divorcera en 1922.
De 1914 à 1931, elle vit au Kenya, où elle possède une plantation de café, de même que son frère. Ruinée, elle revient au Danemark, où elle se consacre à son oeuvre littéraire. Elle fait également du journalisme: à Genève auprès de la Société des Nations en 1935, à Berlin en 1940, et en Finlande en 1941.
Son premier recueil, Sept contes gothiques (1934), écrit en anglais et publié sous le pseudonyme d'Isak Dinesen, remporte un vif succès en Angleterre et aux États-Unis. Elle le traduit elle-même en danois l'année suivante, puis continue à écrire, en règle générale en anglais, et à se "traduire" en danois, publiant en Angleterre sous le nom d'Isak Dinesen, au Danemark sous celui de Karen Blixen. Parurent ainsi La Ferme africaine (1937, adapté en 1985 au cinéma par Sidney Pollack sous le titre de Out of Africa) où elle raconte ses souvenirs d'Afrique dans un style d'une pureté et d'une simplicité toutes classiques, un deuxième livre de contes, Contes d'hiver (1942), et un roman noir dans le goût romantique, Les Voies de la vengeance (1944), publié sous le pseudonyme de Pierre Andrézel.
Écrivant régulièrement pour des magazines de langue anglaise, comme le Saturday Evening Post ou leLadies Home Journal, elle réunit un nouveau volume de Derniers contes (1957), suivi du Dîner de Babette (1958, adapté en 1987 au cinéma par Gabriel Axel sous le titre de Le Festin de Babette) et d'un livre de souvenirs africains avec Ombres sur la prairie (1958). Après sa mort, ont été publiésEhrengard (1963) et un volume de Contes posthumes (1975) contenant des contes de diverses époques de sa vie, certains inédits, d'autres publiés en revue ou en plaquette.
Karen Blixen est morte dans sa ville natale de Rungsted le 7 septembre 1962, à l'âge de 77 ans.


Karen Blixen
Champ de douleur

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0185-5
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros




vendredi 28 mars 2014

Kafka / Lettre au père / Le doute et le désespoir

Franz Kafka

Lettre au père
Le doute et le désespoir


Franz Kafka
Franz Kafka, écrivain tchèque d'expression allemande, est né à Prague (aujourd'hui en République Tchèque) le 3 juillet 1883.
Fils d'un commerçant juif aisé, son enfance s'écoula dans le vieil empire d'Autriche où, déjà, apparaissent les signes avant-coureurs d'une déflagration inévitable, au carrefour des cultures slave (tchèque), allemande et juive. Depuis des siècles, les trois humanismes, si différents, avaient pris racine à Prague et, pour chacun d'eux, cette rencontre fut la source d'un enrichissement spirituel intense.
Ses études dans une école, puis dans une université allemandes où il obtint son doctorat en droit, exercèrent sur Franz Kafka la plus grande influence. Plus tard, il subit l'attrait et la sagesse de la religion hébraïques transmise par ses ancêtres. Sioniste ardent, il comptait s'établir en Palestine, mais, voyant apparaître les premiers symptômes de la tuberculose, il dut renoncer à son projet (1917).
La culture tchèque, elle aussi, le marqua, comme les autres écrivains de l'école de Prague (Rainer Maria Rilke, Franz Werfel, Gustav Meyrink, etc...) d'une façon décisive. Ce qui distinguait cette école, c'était une grande propension à la métaphysique, un double attrait pour les aspects réalistes du monde et pour la musique qui s'en dégage, une synthèse de rêve, d'ironie et de lucidité raisonnée.
Ce monde du rêve, que Franz Kafka décrit avec un réalisme minutieux, est déjà présent dans sa première et longue nouvelle: Description d'un combat, qui commence par une leçon de danse, et dont le héros, transporté ensuite au Japon, subira les plus terribles épreuves spirituelles. Cette nouvelle parut en partie dans la revue Hyperion (1909) que dirigeait Franz Blei. En 1913, l'éditeur Rowohlt publia le premier livre de Franz Kafka, Considérations, recueil de petits fragments en prose, d'une inquiétude extraordinairement pénétrante, et dont le style, d'une frappante nouveauté, est tout ensemble lyrique, dramatique et mélodieux. Ces fragments, Kafka les avait choisis sur mon conseil, dans son Journal, commencé en 1910 et qu'il continua presque sans interruption jusqu'à sa mort. Le livre passa inaperçu, et les suivants n'eurent guère de succès, du vivant de l'auteur, en dehors d'un cercle restreint d'amis qui, dès le premier jour, l'avaient admiré jusqu'au fanatisme pour la noblesse de son caractère.
En 1914, des fiançailles malheureuses -- rompues, renouées, puis encore une fois rompues -- plongèrent dans le désespoir ce jeune homme avide de mener une vie saine et pure, épris de perfection et presque de sainteté. Malgré des épreuves de toutes sortes -- la Guerre mondiale, qui l'ébranla profondément, les incertitudes de sa vie professionnelle (il était employé dans une compagnie d'assurances) et des rapports difficiles avec ses parents -- Franz Kafka écrivit Le Procès, publia Le Chauffeur, qui formera le premier chapitre d'Amérique, et La Colonie pénitenciaire.
En 1916, il avait terminé La Métamorphose et Le Verdict. En 1919, l'éditeur Kurt Wolff publia un recueil de ses nouvelles sous le titre Un médecin de campagne. En 1920, ayant quitté son emploi, Kafka chercha la guérison dans un sanatorium, puis dans un pays où sa soeur possédait une propriété qu'il devait décrire dans Le Château. En 1920-21, il fit la connaissance de l'écrivain tchèque Milena Jesenska-Pollak (lire ses Lettres à Milena), mais ce fut seulement au cours de la dernière année de sa vie qu'il éprouva, pour Dora Dymant, le grand amour qui devait lui redonner espoir. Avec elle, il vécut les plus heureux jours de sa vie. Mais son mal ne pardonnait pas, et l'écrivain s'éteignit le 3 juin 1924 au sanatorium de Kierling, près de Vienne (Autriche).
Ses chefs-d'oeuvre: AmériqueLe ChâteauLe Procès, le Journal, ses aphorismes et ses lettres ont été publiés après sa mort. Mentionnons encore Un Champion du Jeûne (posthume, 1924) et La Muraille de Chine (posthume, 1931).
La vie lamentable de Franz Kafka ne justifie que trop, à la réflexion, le doute et le désespoir dont son oeuvre est imprégnée. Cependant, à la différence de ses romans et de ses récits, beaucoup de ses aphorismes font apparaître sa foi en un principe supérieur régissant le monde, et la certitude qu'il existe en l'homme quelque chose qui ne saurait mourir.


Franz Kafka
Lettre au père

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0118-3
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros



jeudi 27 mars 2014

Cortazar / Lucas, Ses Sonnets

Julio Cortazar

Lucas, Ses Sonnets

Julio Cortazar
Qui était réellement Julio Cortazar ? Une énigme qui n'est pas près d'être résolue et qui continue à projeter un halo de mystère autour de sa personne et de son oeuvre.
Nombreux sont ceux qui refusent de parler de l'écrivain qui a marqué, comme pratiquement aucun autre, la génération latino-américaine des années 60. La plupart préfèrent s'en remettre à ses livres où il se découvre entièrement, selon le cercle de ses amis les plus intimes.
Pourtant l'auteur de Marelle, son livre-culte, apparaît aujourd'hui, malgré tous les efforts qu'il a lui-même accomplis pour sembler le plus limpide possible, comme le résultat d'un persistant malentendu. Sa disparition a marqué la fin d'une époque. Le mythe Cortazar, qui était une réalité en Amérique latine, s'est dissous en fumée, en même temps que son créateur, par un après-midi ensoleillé et froid de février 1984.
Julio Cortazar est né à Bruxelles en 1914, "le jour du premier bombardement allemand sur la ville", précise Ugné Karvelis, sa seconde femme. Son père, consul argentin en Belgique, emmena rapidement sa famille en Suisse, puis à Barcelone. Ses premiers souvenirs d'enfance proviennent de là: "un parc avec plein de trucs en couleurs", sûrement le parc Güell, de l'architecte catalan Antonio Gaudi. Puis vient le retour en Argentine et le choc initial, l'absence du père qui, "un jour est parti acheter des cigarettes et n'est plus jamais revenu." La scène est décrite dans l'une de ses nouvelles.
Dès lors, Julio Cortazar et son père décidèrent ensemble de s'oublier l'un et l'autre. Un jour, le père, qui s'appelait Julio lui aussi, refusa à son fils le droit de signer ses écrits de son nom. Beaucoup plus tard, dans les années '40, Julio Cortazar père entreprit une tentative de réconciliation avec son fils. Apparemment, la rencontre se déroula très mal. L'écrivain ne parla plus jamais de son père, même à ses plus proches relations. Mais, au hasard de certains de ses écrits, on peut apercevoir la figure d'un père absent qu'il n'a plus jamais voulu nommer. L'éducation familiale de Cortazar est assumée, dès lors, par sa mère et, surtout, par sa grand-mère, d'origine juive, née à Hambourg, qui a eu une influence certaine sur ses différents signes d'identité. Identité multiple, contradictoire, éloignée de la simplicité et de la naïveté auxquelles, parfois, il semblait aspirer, pour pouvoir se défaire d'une multitude de lieux d'adoption.
Julio Cortazar était un peu belge, par sa naissance et sa manière de prononcer les "r", à la française, lorsqu'il parlait espagnol argentin, par volonté et parce que Buenos-Aires fut la première inspiratrice de son oeuvre, surtout dans ses deux premiers romans, tous deux inédits, Divertimento et El examen,latino-américain par son engagement politique et sentimental aux côtés de Cuba et du Nicaragua. Il fut, en plus, français par sa culture et sa nationalité. Sa naturalisation lui fut concédée en 1981 par François Mitterrand, au cours d'un acte hautement symbolique, en même temps qu'à Milan Kundera. Deux déracinés, l'un du Sud, l'autre de l'Est. Si à tout ce mélange, nous ajoutons l'influence qu'exerça sur lui la littérature anglo-saxonne, dans son versant fantastique, celui d'Edgar Allan Poe, nous arrivons à un puzzle qui définit un personnage qui a voulu être un exilé, mais qui ne l'était pas, qui a essayé d'être latino-américain beaucoup plus qu'argentin et, de plus, porte-parole des aspirations des peuples situés au sud de Rio Grande. Julio Cortazar fut militant malgré lui, comme pour régler ses dettes vis-à-vis de lui-même ou de ses doubles.
Le double fut une constante dans son oeuvre. Des hommes apparemment normaux qui deviennent, par mimétisme, des idoles des Cyclades, des poissons étranges ou d'autres "moi", comme dans les récits de ses maîtres, Poe, et, plus que tout autre, Franz Kafka, son véritable modèle, selon son ami le romancier belge Pierre Mertens, pour qui "Kafka a créé une littérature qui, sans être pamphlétaire, dénonçait le totalitarisme sous toutes ses formes, aussi bien dans Le procès que dans Le château ou dans La colonie pénitentiaire."
Cortazar a cherché son double tout au long de sa géographie personnelle, comme s'il s'agissait d'un père disparu. Ainsi, par exemple, le sud-américain du récit Les portes du ciel, qui ressemble étrangement à Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, l'auteur des Chants de Maldoror, que le narrateur poursuit à travers les galeries couvertes de Paris, qui représentent son monde hermétique particulier, comme autrefois le Pasaje Güemes de Buenos Aires ou les Galeries St-Hubert du Bruxelles de son enfance. Ces lieux infinis viennent se fondre en un seul, quintessence et point de rencontre de tous les déracinés de l'univers: Paris, le Paris de la rue de la Huchette et du Pont des Arts, du Vert-Galant, de la Galerie Vivienne et du métro, un Paris aux itinéraires couverts dans lequel un narrateur peut facilement se perdre dans une correspondance souterraine.
La ville que Julio Cortazar s'approprie au cours des ans (il arrive à Paris en 1951, il y restera le reste de sa vie) n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, la même que celle de Horacio Oliveira, le protagoniste de Marelle. Cortazar n'est pas Oliveira. "C'était un homme très ordonné", dit Saul Yurkievich, poète et enseignant à l'université Paris VIII, auteur de plusieurs essais sur Cortazar, l'un des amis les plus proches de l'écrivain dès le début des années '60. "Julio était tout le contraire de son personnage. C'était un loup des steppes qui ressentait un dégoût presque viscéral envers le milieu officiel de la littérature. A cette époque là, il travaillait comme traducteur à l'Unesco et il écrivait en même temps Marelle. À aucun moment, il ne me parlait de ce qu'il était en train d'écrire, à peine quelques allusions."
Marelle est l'un des principaux malentendus qui pèsent sur l'oeuvre de Julio Cortazar. "Avec ce roman, Julio a voulu écrire un livre-culte, destiné à une élite", dit Ugné Karvelis. Cortazar fut extrêmement surpris par l'identification massive des jeunes Latino-américains avec ses personnages, surtout avecSibylle ("la Maga" en espagnol). "Mais il était enchanté de devenir une sorte d'idole des jeunes", poursuit Ugné Karvelis. Combien ont-ils été, les lecteurs qui se sont reconnus dans cet étrange couple romantique qui vagabondait à travers Paris, qui passait les nuits en écoutant du jazz et en discutant de littérature, sans jamais prétendre changer le monde?
1963 marque un tournant dans la "carrière" littéraire (il a toujours détesté ce terme: il se considérait davantage comme un amateur que comme un écrivain professionnel) de Cortazar. Mais c'est aussi l'année de son premier voyage à Cuba, avec Aurora Bernardez, sa première femme. La Havane est sa première grande découverte. A cause de la révolution, bien sûr, et à cause de la vie sous les tropiques, sa sensualité, son allégresse. La Havane était alors un carrefour pour la plupart des écrivains latino-américains. La Casa de las Américas, l'institution culturelle présidée par Haydée Santamaria, rassemblait tous les créateurs de ce que l'on a appelé le "boom" de la littérature latino-américaine: Gabriel Garcia Marquez, Carlos Fuentes, Mario Vargas Llosa et compagnie.
Jusqu'au moment de la rupture, en 1971, lorsqu'éclate l'"affaire Padilla". Heberto Padilla, auteur d'un recueil de poèmes intitulé Hors-jeu, est contraint de faire une autocritique publique dans les locaux de l'Union des écrivains et Artistes de Cuba. Cortazar, avec Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Octavio Paz, Mario Vargas Llosa et d'autres, signe une lettre pour demander des explications au gouvernement cubain tout en dénonçant des méthodes qui rappellent étrangement celles des procès de Moscou. Puis il se rétracte et écrit un texte, publié dans la revue Casa de las Américas, qui a pour titre Polycritique à l'heure des chacals, où il rectifie sa position antérieure. L'admiration pour la révolution a été plus forte que sa dévotion envers certaines personnes. Car le seul écrivain qui, littéralement, était capable de fasciner Julio Cortazar, c'était José Lezama Lima, le "gros cosmique", le "pèlerin immobile", l'auteur deParadiso, ce monument du baroque, le poète capable d'engloutir toutes les cultures du monde sans jamais se déplacer de chez lui, de La Havane. Catholique, homosexuel, Lezama n'aurait pu être naturellement l'un des maîtres de Cortazar, qui préférait l'économie de moyens dans ses récits pour créer une ambiance fantastique à partir du quotidien.
Julio Cortazar ne pouvait ignorer la difficile situation dont souffrait Lezama Lima à Cuba, où il était victime d'un ostracisme organisé par les autorités, qui étaient incapables de supporter la liberté d'esprit du poète ainsi que la dévotion dont il était l'objet au sein de la jeunesse. Cependant, pour Cortazar, cela ne supposait pas une contradiction avec sa position de soutien au régime. "Personne ne peut imaginer l'admiration qu'il ressentait pour José Lezama Lima, explique Saul Yurkievich. Il aurait aimé être Lezama Lima." Ugné Karvelis précise: "Nous vivions et avec Cuba et avec Lezama." Cuba signifie la grande rupture au sein de sa vie et de son oeuvre. Cortazar l'esthète, l'intellectuel pur, étranger à tout militantisme, va se consacrer à la révolution. Il commence à écrire des nouvelles fantastico-politiques, et même un roman, le Livre de Manuel. Il intervient dans des meetings et des conférences, où il réaffirme sa solidarité avec Cuba et la nécessité de lutter contre l'impérialisme.
Julio Cortazar est à présent le militant de tous les combats. A Paris, il reçoit tous les exilés latino-américains qui viennent frapper à sa porte. Ce sont les années noires du coup d'état militaire en Uruguay, de la chute de Salvador Allende au Chili, de la tyrannie dans son propre pays, l'Argentine. Cortazar devient le porte-parole des opposants au général Augusto Pinochet et au général Videla. Il fait partie du Tribunal Russell, il signe des manifestes, mais il refuse de devenir un leader politique. Tout le monde est d'accord sur cet aspect du personnage: son engagement était plus éthique que politique. "Il a toujours voulu réaliser la fusion entre la poésie et la vie, dit Saül Yurkievich. Plus tard c'était la poésie, la révolution et la vie." Les processus révolutionnaires l'attiraient irrésistiblement, mais seulement à leurs débuts, lorsqu'ils paraissaient encore immaculés. Nicaragua prit le relais de Cuba. Julio Cortazar s'investit corps et âme dans cette Révolution, guidé par son ami, le curé-poète Ernesto Cardenal. Il s'y rend cette fois accompagné de Carol Dunlop, sa compagne de la fin de sa vie. Carol était une jeune femme, écrivain elle aussi, qu'il connut au cours d'une Foire du Livre au Canada. Avec elle, il écrivit Les autonautes de la cosmoroute. Elle est morte deux ans avant Cortazar, en 1982, à l'âge de 35 ans. "C'est dur de comprendre cet éloge absurde de la part de Julio vis-à-vis du Nicaragua. Il était pourtant resté éloigné de tout dogmatisme", s'interroge Ugné Karvelis.
L'image finale de Julio Cortazar est celle d'un militant qu'il n'a jamais été, d'un écrivain qui a tenté de donner un sens univoque à son mystère personnel, à ses absences fondamentales, qui prétendait occulter ce qu'il y avait de plus douloureux, de plus incompréhensible à l'intérieur de lui-même derrière un message simple, presque naïf, situé à une distance considérable de ses préoccupations littéraires essentielles, qui consistaient en la recherche éperdue, à travers le récit fantastique, de son "moi" existentiel, son double.
Au cimetière du Montparnasse, où repose également le poète péruvien César Vallejo (Je mourrai à Paris par temps de pluie), il y a une tombe en marbre blanc avec deux noms: ceux de Carol Dunlop (1946-1982) et de Julio Cortazar (1914-1984). Au-dessus se dresse une sculpture de Julio Silva, l'un des amis de toujours. Elle représente une série de cercles concentriques et, sur l'un d'entre eux, une figure souriante, deux yeux et une bouche, celle d'un enfant qui n'a jamais voulu grandir et qui s'est vu entraîné, sans le vouloir, dans le tourbillon d'exaltation d'un monde trop réel, plus incompréhensible que celui des récits fantastiques. Ce n'est que là, peut-être, qu'il est possible de tenter de comprendre une infime parcelle de l'énigme Cortazar.

Julio Cortazar
Lucas, Ses Sonnets

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0030-8
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros

Source : Lucas, Ses Sonnets de Julio Cortazar, traduit par Inès Oseki-Depré, ainsi que L'énigme Cortazar par Jacobo Machover et l'entretien avec Ugné Karvelis, ont été publiés dans le numéro 2 deLa République des Lettres, Paris, avril 1994.



mardi 25 mars 2014

30 ans après sa mort, Romain Gary garde ses mystères

Romain Gary


30 ans après sa mort, Romain Gary garde ses mystères


Le Monde
02.12.2010


Portrait non daté du romancier Romain Gary.
Romain Gary


L'après-midi du 2 décembre 1980, l'écrivain Romain Gary se glisse un revolver de calibre 38 dans la bouche et se donne la mort. Au pied de son lit, il laisse une note mystérieuse datée "Jour J" : "Aucun rapport avec Jean Seberg, y lit-on. Les fervents du cœur brisé sont priés de s'adresser ailleurs." Son ancienne épouse, la célèbre Patricia d'A bout de souffle (1959), de Jean-Luc Godard, s'est suicidée un an plus tôt, le 30 août 1979.

Dans La Promesse de l'aube, Romain Gary raconte qu'il a eu, par trois fois, la tentation de se tuer. A d'autres occasions, il expliquera qu'il n'a jamais voulu vieillir."J'ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais", disait-il.


Romain Gary (à gauche), et son fils Diego, se recueillent dans le cimetière Montparnasse à Paris, lors des obsèques de l'actrice américaine Jean Seberg, le 14 septembre 1979.
Romain Gary avec Diego Gary



Aviateur, compagnon de la Libération, diplomate, l'écrivain avait de multiples facettes. Originaire d'une famille juive de Lituanie, il est l'auteur d'une mystification littéraire : en écrivant plusieurs romans sous le pseudonyme Emile Ajar, il est le seul écrivain à avoir reçu deux fois le prix Goncourt, en 1956 pour Les Racines du ciel, puis en 1975 pour La Vie devant soi.

Pendant sept ans, c'est son petit cousin, Paul Pavlowith, qui prête ses traits à Emile Ajar, notamment auprès des éditeurs. La "supercherie" ne sera mise au jour qu'à la mort tragique de l'écrivain. Mais Romain Gary, né Roman Kacew à Vilnius en Lituanie en 1914, a également écrit sous les noms de Lucien Brûlard, Fosco Sinibaldi ou encore Shatan Bogt. Dans sa dernière lettre découverte à sa mort, cet homme "incendié de songes" conclut : "Je me suis enfin exprimé entièrement." Et signe : "Romain Gary".

Quelques vidéos d'archives permettent de se replonger dans l'œuvre de ce grand écrivain et dans le fabuleux subterfuge littéraire qu'il avait mis en place.

"Un livre peut soulever des polémiques profondes, c'est merveilleux."

Interview de Romain Gary par Pierre Dumavet diffusée le 19 décembre 1956, dans l'émission "Lectures pour tous".




Romain Gary 
à propos de son roman "Des racines du ciel"









lundi 24 mars 2014

Diego Gary / Sa vie à lui, enfin

Jean Seberg


Diego Gary

Sa vie à lui, enfin


Alain Abellard
Le Temps, Samedi 13 juin 2009


Diego Gary (à droite), 16 ans, se recueille avec son père Romain Gary lors des obsèques de sa mère. (AFP)
Diego Gary (à droite), 16 ans, se recueille avec son père Romain Gary lors des obsèques de sa mère.  (AFP)
Fils de l’écrivain Romain Gary et de l’actrice Jean Seberg, disparus dans des conditions tragiques, Diego Gary s’exprime dans un livre, à 46 ans, après un silence de trente ans

Il parle avec précision, ses mots sont choisis, mais il offre un air las. Diego Gary confirme les formules terribles de son roman, S. ou l’Espérance de vie (Gallimard), ou, plus exactement, de son récit autobiographique. Fils de l’écrivain Romain Gary et de l’actrice Jean Seberg, disparus dans des conditions tragiques, il raconte son existence qui «ressemble à une succession de mots rayés jusqu’au sang». Il évoque, sans fin, son rang de «progéniture, de rien du tout», et ces années où il a passé de longues heures prostré dans l’appartement et le bureau de son père.
Adolescent, Diego Gary a connu trois deuils dévastateurs. Il a 14 ans quand survient la mort, des suites d’un cancer, d’Eugénie, sa gouvernante, la femme qui s’occupait de lui au quotidien. Il lui dédie le livre. Il a 16 ans lorsque le submerge, en septembre 1979, le décès de sa mère, Jean Seberg, devenue une figure de la Nouvelle Vague après son interprétation dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960). Elle est retrouvée plusieurs jours après sa disparition, à l’arrière de sa voiture. L’autopsie conclura à une surdose d’alcool et de barbituriques.
Diego vit l’horreur, mais il y était préparé. Depuis de nombreuses années, sa mère souffrait de troubles qui l’avaient conduite dans des établissements psychiatriques. Diego vivait dans la terreur de cet instant. Peu de temps avant le drame, alors que Jean Seberg avait survécu à une tentative de suicide, son père lui avait dit: «Tu sais, Diego, un jour ta mère ne se ratera pas.»
Après les décès d’Eugénie et de Jean Seberg, Romain Gary s’est rapproché de son fils. Il le couvait à sa manière. Myriam Anissimov, qui a publié en 2004 une biographie de l’écrivain (Romain Gary, le caméléon), raconte qu’il tremblait d’inquiétude pour lui. «Un jour, alors que Diego, âgé de 13 ans, avait un simple bleu à un genou, il a tout laissé tomber pour le conduire aux urgences.»
Mais Romain Gary restait dans son univers, celui d’un écrivain reconnu, ombrageux et embarqué dans une mystification littéraire sans égale: la création d’une autre œuvre sous le nom d’Emile Ajar. Cela lui vaudra de recevoir deux fois – ce qui est unique – le Prix Goncourt. Il l’a obtenu en 1956 sous son nom avec Les Racines du ciel, et en 1975, avec La Vie devant soi, sous le nom d’Emile Ajar.

Diego Gary

«Même quand il était présent, mon père n’était pas là. Obsédé par son travail, il me saluait, mais il était ailleurs», se souvient Diego Gary. Diego était en retrait, il n’était plus l’enfant joyeux qu’il avait été. Mais s’il est une chose à laquelle il ne s’attendait pas, c’est le suicide de son père, d’une balle dans la tête, chez lui, en décembre 1980. «A cet instant, la vie m’est tombée sur la gueule.» Il évoque comment, après coup, il a retrouvé des éléments qui auraient dû l’alerter, comment son père le préparait à être un homme sans pour autant comprendre ce qu’il voulait.
Il se souvient de lui, par exemple, annotant un livre de Julia Kristeva sur la mélancolie: «Oui, moi, c’est exactement cela, comme pour moi», écrivait-il. Il y avait d’autres éléments témoignant de la grande fragilité de son père, longuement décrite entre autres par Myriam Anissimov dans sa biographie.
«Je crois qu’il est indulgent avec sa mère, pas avec son père», estime Antoine Benech, un ami d’enfance. Pour lui, Diego Gary «n’a jamais compris et ne comprendra jamais» que son père ait pensé qu’il pourrait «se débrouiller». Diego quitte alors sa classe d’hypokhâgne. Il reste anéanti par cette ultime disparition. Il lui faudra cinq années pour ne plus habiter dans l’immense appartement de son père, reprendre des études de lettres et une vie normale.
Ensuite, il se perd, comme il le raconte. Entre la recherche compulsive de femmes, les amours malheureuses, l’alcool, les antidépresseurs, il essaie de tenir le coup et combat les troubles obsessionnels qui ruinent sa vie au quotidien. Après avoir travaillé dans une société de production de sitcoms, il joue aux courses, se spécialise au point de parvenir, assure-t-il, à en vivre. Mais, perdu dans ses chagrins, il part s’installer à Barcelone.
Là, il se met plus encore en danger. Aube, l’une des héroïnes du livre, lui dit qu’il s’est détruit, qu’il rejoue la vie de sa mère. «Je n’ai pas l’impression d’être allé aussi loin», dit-il. Il reconnaît que sa dérive a été une manière de se rapprocher de sa mère. Ses errances dans les bouges de Barcelone et le bar à cocktails qu’il y a ouvert, c’est clairement elle. Le café-librairie-galerie qu’il a lancé, en revanche, renvoie plus à son père.





dimanche 23 mars 2014

Romain Gary / La promesse de l'aube


Romain Gary
LA PROMESSE DE L'AUBE

La promesse de l'aube est une autobiographie retraçant la vie de Romain Gary, notamment sa relation avec sa mère. Le père est absent mais la mère possessive rêve d'un avenir grandiose pour son fils.

Romain Gary

La promesse de l'aube est surtout un roman sur l'amour maternel. Le récit se veut autobiographique, bien que certains passages tiennent plus de la fiction que du vécu, mais le véritable objet du livre n'est pas tant de retracer la vie de l'écrivain que de rendre hommage à sa mère. La mère de l'auteur est à ce titre le personnage principal du roman, c'est son amour et son ambition pour son fils qui vont le porter au-delà de tout ce qu'il aurait pu espérer pour lui-même (Gary mènera une carrière militaire et diplomatique sous les honneurs et est le seul écrivain à avoir reçu deux fois le prix Goncourt (un sous le pseudonyme d'Émile Ajar).

Romain Gary avec sa mère

La troisième partie est consacrée aux années de guerre, il reçoit des lettres d’elle qui l’encouragent. Ayant rejoint l’aviation de la France libre, il combat en Grande-Bretagne, en Afrique (dont l'Éthiopie et lors de la campagne de Syrie) et termine la guerre avec le grade de capitaine. Il est fait Compagnon de la Libération et se voit proposer d’entrer dans la diplomatie pour «services exceptionnels». Il publie alors en 1945 Éducation européenne en Angleterre. Revenant à Nice à la fin de la guerre, il découvre que sa mère est morte trois ans et demi avant son retour à l'hôtel-pension Mermonts (Nice) : elle avait chargé une amie de lui transmettre au fur et à mesure des centaines de lettres écrites avant de mourir.



Romain Gary et Jean Seberg
Romain Gary, né Roman Kacew à Vilnius en 1914, est élevé par sa mère qui place en lui de grandes espérances, comme il le racontera dans La promesse de l’aube. Pauvre, «cosaque un peu tartare mâtiné de juif», il arrive en France à l’âge de quatorze ans et s’installe avec sa mère à Nice. Après des études de droit, il s’engage dans l’aviation et rejoint le général de Gaulle en 1940. Son premier roman,Éducation européenne, paraît avec succès en 1945 et révèle un grand conteur au style rude et poétique. La même année, il entre au Quai d’Orsay. Grâce à son métier de diplomate, il séjourne à Sofia, New York, Los Angeles, La Paz. En 1948, il publie Le grand vestiaire, et reçoit le prix Goncourt en 1956 pour Les racines du ciel. Consul à Los Angeles, il quitte la diplomatie en 1960, écrit Les oiseaux vont mourir au Pérou (Gloire à nos illustres pionniers) et épouse l’actrice Jean Seberg en 1963. Il fait paraître un roman humoristique, Lady L., se lance dans de vastes sagas : La comédie américaine et Frère Océan, rédige des scénarios et réalise deux films. Peu à peu les romans de Gary laissent percer son angoisse du déclin et de la vieillesse : Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, Clair de femme. Jean Seberg se donne la mort en 1979. En 1980, Romain Gary fait paraître son dernier roman, Les cerfs-volants, avant de se suicider à Paris en décembre. Il laisse un document posthume où il révèle qu’il se dissimulait sous le nom d’Émile Ajar, auteur d’ouvrages majeurs :Gros-Câlin, La vie devant soi, qui a reçu le prix Goncourt en 1975,Pseudo et L’angoisse du roi Salomon.