mardi 31 juillet 2018

Il y a 50 ans, la mort du printemps de Prague




Il y a 50 ans, la mort du printemps de Prague

Paris Match|
Au royaume du mensonge, les mots ont souvent besoin de traduction. Avril 1968, Alexander Dubcek, premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque, annonce la naissance du "socialisme à visage humain". Le paradis du prolétariat promis aux damnés de la Terre serait donc inhumain ? Au drapeau rouge, symbole révolutionnaire à Paris, les Pragois opposent le vieil étendard de leur nation prise dans la nasse soviétique depuis 1945. Douze ans après Budapest s'ouvre une période d'espérance. Elle ne survivra pas à l'été. Pas plus que la liberté d'expression. Les forces militaires du pacte de Varsovie apportent la réponse de Moscou le 20 aout à minuit. Nouvelle démonstration dialectique : une "opération de normalisation" qui fera entre 80 et 100 morts.
La chute du communisme est déjà un vieux sujet, qui revient sans cesse sur le tapis usé des propagandistes de l’Ouest, donc de tous les propagandistes, puisqu’il n’y a plus d’Est. On en recherche les causes pourtant évidentes. Sa nature maléfique, chère à tous les penseurs et gouvernements d’extrême droite pendant le XXe siècle, est devenue une évidence, un dogme, un mythe. Il ne serait plus jamais question d’étudier les aspects positifs d’une idéologie à laquelle plus rien n’est compté sauf les morts. Le retour en force du communisme serait un sujet plus neuf sur lequel sont peut-être en train d’écrire, avec leurs cocktails Molotov et leurs barres de fer, les nouveaux révolutionnaires masqués comme Zorro et casqués comme Athéna. La jeunesse reprendrait-elle des sévices ? Les casseurs ne seront pas les payeurs, étant mal payés. Les objets de consommation nous consomment, il faut les brûler avant qu’ils ne nous cuisent.
L’agacement de la bourgeoisie est grand devant les déprédations des nouveaux révolutionnaires qui gâchent les défilés bon enfant de la gauche désunie, mais sa grande peur, elle l’a eue pendant les deux siècles qui ont précédé le nôtre. A peine est-elle, de la Révolution française à la chute du mur de Berlin (1789-1989), partie en vacances idéologiques. C’était, contre les classes laborieuses, une lutte de tous les instants, dans laquelle elle perdait du terrain chaque année. Les avancées sociales, toutes initiées par les travailleurs et aucune par leurs employeurs, leur faisaient mal à dessein. La médecine remboursée, la retraite, les 40 heures, les indemnités de licenciement, les congés payés : autant de coups et de vexations subis par les dirigeants des petites, moyennes et grandes entreprises. On les mutilait, on les étouffait, on les torturait. Mais, surtout, on les ruinait. Ils appelaient leur mère police et leur père l’Etat au secours.
Les communistes ne se contentèrent pas de forcer les patrons à octroyer aux salariés des droits dont ils n’auraient jamais pu imaginer d’eux-mêmes qu’un jour on les leur réclamerait : ils prirent des pays entiers. Il y eut un monde où la moitié du monde était communiste. Les camarades ont été les derniers à avoir un empire colonial. C’était l’empire « communial ». Le communiste était presque partout chez lui, comme l’Anglais au XIXe siècle et l’Américain au XXIe. Le soleil ne se couchait jamais sur les terres rouges. Les portes de l’usine ne s’ouvraient plus sur la banlieue mais sur les cinq continents. Le coco se baignait en Yougoslavie, skiait en Arménie, randonnait en Slovénie, pique-niquait au Cambodge. Il pouvait se dire qu’il avait des camarades sur tout le globe et de toutes les couleurs. Ce fut le seul moment dans l’histoire humaine où les pauvres ont été aussi cosmopolites que les riches. Barnabooth en bleu de travail. L’homme du peuple pressé. Autrefois, les riches, les aristocrates et les bourgeois étaient partout chez eux. Soudain, une fois sur deux, ils étaient chez leurs ennemis de classe. Donc un peu mal à l’aise. Ravalaient leur colère avec leurs traveller’s cheques.

On veut faire le bonheur des hommes et qu’est-ce qui arrive ? Leur malheur.

Quelle idée saugrenue, quand on y songe : installer au pouvoir des gens qui ne l’avaient jamais pratiqué et priver du pouvoir des gens qui l’avaient toujours exercé. Les incapables aux manettes et les capables aux oubliettes. Cette idée ne pouvait sortir que d’un cerveau tordu et ne pouvait être adoptée que par des millions d’autres esprits tordus. Ce fut une surprise pour tout le monde tordu et pas tordu qu’il y eût autant de tordus sur terre. Dont moi. Toujours je préférerai l’incompétence à la compétence. Je trouve cette première plus comique et, par conséquent, plus proche de la vie atrocement drôle. Jamais je ne songerai à reprocher à quelqu’un de mal faire son travail, même Dieu a sérieusement merdé en faisant le sien. Exemple : la pénicilline. Il a fallu plusieurs siècles avant que les hommes ne l’inventent, alors qu’elle aurait aussi bien pu nous être donnée, comme le pavot et la noix de coco, ça aurait évité des millions de morts de la tuberculose. Mon cœur et mon esprit ont été, dès l’adolescence, attirés, charmés et presque envoûtés par les maladroits, les inconstants, les paresseux, les étourdis, les rejetés, les indociles, les assoupis, les incompris, les séparés, les déséquilibrés, les inconsolables, les filous. Leur philosophie de la mort me paraît mieux pensée que la philosophie de la vie professée par les agrégés d’optimisme. J’aime que le communisme ait été le premier système politique où l’on n’était pas puni pour notre bêtise, qui n’est pas notre faute, et où l’on n’était pas récompensé pour notre intelligence, que nous n’avons pas fabriquée.
On veut faire le bonheur des hommes et qu’est-ce qui arrive ? Leur malheur. Comment de si bonnes intentions se sont-elles transformées en autant de détentions ? Peut-être les gens ne veulent-ils tout simplement pas que l’on fasse quelque chose à leur place, et surtout leur bonheur : ça leur rappelle trop l’enfance. Outre que le malheur de chacun est sacré pour lui-même. Il le maintient en colère, c’est-à-dire en vie. Sans eczéma, comment se gratter ? Les hommes veulent un maître, pas un camarade. On peut s’arranger avec l’autorité d’un riche, alors que celle d’un pauvre nous insulte. Le plus haïssable dans les régimes communistes, pour ceux qui ne le sont pas, c’est d’être dirigés par des gens qui ne possèdent rien. Il est plus vexant de plier devant un locataire que sous un proprio. Il y a, dans la soumission aux possédants, la reconnaissance d’une loi de la nature, où le fort domine le faible.
Budapest 56, Prague 68, Berlin 89 : trois actes d’une tragédie largement radio et télédiffusée. Combattants de la liberté contre partisans de la servitude. C’était beau comme un feuilleton et en plus c’était vrai. Le communiste naguère insurgé, désormais submergé. Cette foule qui était sa famille devenue une mer d’ennemis. Lui, qui aurait donné sa vie pour les masses, attaqué par les masses voulant lui faire la peau. La chute progressive de l’idéologie communiste donna lieu à une multitude de drames personnels, abondante source de fictions réalistes dans laquelle les écrivains et les cinéastes du monde entier ont à peine commencé à puiser.
Ce continent englouti, cette organisation défaite, cesserons-nous un jour, communistes et non-communistes, d’en porter le poids ? Se souviendra-t-on au moins qu’en URSS il n’y avait pas de sans-abri car tout le monde avait un toit, même si le moi n’était guère autorisé ? On divorçait en une seule journée. Un employeur ne pouvait pas vous renvoyer sans vous avoir trouvé un nouvel emploi. Ministres tous fils d’ouvriers et de paysans, ce que l’on n’a jamais vu ailleurs et qu’on ne reverra sans doute plus jamais dans notre monde libre d’écraser la plus belle des libertés : celle de ne rien faire de mal.



samedi 28 juillet 2018

Michael Haneke / L’amour à mort





Michael Haneke

L’amour à mort

Paris Match ||Mis à jour le 
Palme d’or à Cannes, le cinéaste autrichien met en scène dans « Amour » un couple ravagé par l’âge et la maladie. Implacable.
Paris Match. On connaissait votre cruelle lucidité et on découvre votre compassion. Vous avez changé ?
Michael Haneke. J’essaie de garder la même intensité quel que soit le sujet. Je parle d’amour avec plus de tendresse que lorsque je parle de violence. Mais je ne suis pas différent, c’est la thématique qui l’est.

Le réalisateur avec Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant.Denis Manin

C’est quand même une histoire tragique. Comment est-elle née ?
J’ai été bouleversé par la disparition de la tante qui m’a élevé. Elle était très malade, je ne pouvais plus rien faire pour elle. Elle a fini par se suicider. Le film évoque ce qui nous concernera tous un jour ou l’autre : comment gérer la souffrance d’un être cher ?
Lorsque vous avez reçu la Palme d’or à Cannes, vous avez déclaré qu’“Amour” était l’illustration d’une promesse que vous vous êtes faite avec votre épouse. Laquelle ?
Celle de ne jamais abandonner l’autre dans une maison de retraite. Cet arrachement est une perspective qui nous fait horreur. Les “asiles de vieux” sont nécessaires. Ce qui est tragique c’est qu’ils sont conçus pour vous entretenir, pas pour vous faire vivre.
Comment fait-on pour raconter la tendresse de la vieillesse ?
Il n’y a pas d’intrigue parce qu’il s’agit juste d’observer une situation très précise. Le problème est de surprendre le spectateur d’une scène à l’autre quand on connaît la fin dès le prologue.
Jean-Louis Trintignant est sorti de sa retraite pour jouer ce rôle. Pourquoi le vouliez-vous tellement ?
Parce qu’il est indéchiffrable. On parle toujours de sa voix, mais c’est son regard qui me fascine. J’ai écrit le rôle pour lui parce qu’il respire une humanité et une chaleur très rares. On peut être un grand acteur sans susciter une telle émotion. Joué par quelqu’un d’autre, le rôle aurait été beaucoup moins touchant.

« Si j’étais pessimiste, je ferais des films de pure distraction »

Y a-t-il eu des scènes particulièrement difficiles à gérer ?
Celle où Emmanuelle Riva est nue sous la douche était indispensable pour montrer la déchéance du personnage. Malgré ses craintes, elle n’a pas eu la moindre hésitation. Et la scène de la gifle a été très pénible pour Jean-Louis Trintignant, dont la fille, Marie, est décédée après avoir été frappée. C’est toujours plus difficile de porter le coup que de le recevoir. Mais cela a été moins terrible qu’on l’anticipait.
C’est un film optimiste ?
Tous mes films sont optimistes. Si j’étais pessimiste, je ferais des films de pure distraction parce que je considérerais les spectateurs trop bêtes pour leur proposer des sujets sérieux.
Cela vous rend heureux de toucher autant le public ?
C’était mon but. C’est vrai que la plupart des films n’ont rien à voir avec notre vie personnelle. Ils peuvent être beaux ou distrayants. Mais on est rarement ému.
Vous avez 70 ans. Est-ce qu’il vous arrive de faire un état des lieux de votre travail ?
Cela ne m’intéresse pas. Je n’ai pas envie de me sentir comme un mille-pattes à qui on demande comment il marche et qui se met à trébucher. Mes films se font toujours en réaction aux choses de la vie qui me font peur, car je suis très peureux. La plupart des œuvres dramatiques doivent beaucoup aux craintes de leurs auteurs.
Et vous trouvez moyen de vous rassurer ?
Non. Mes peurs restent tapies en moi. Mais, par rapport à tous ceux qui ne peuvent rien faire de leurs propres peurs, je considère que j’ai de la chance de pouvoir m’en servir pour créer une œuvre.




jeudi 26 juillet 2018

Kaz Hawkins / Because you love me

Kaz Hawkins

Kaz Hawkins
BECAUSE YOU LOVE ME



https://www.youtube.com/watch?v=QXn3mon449M

Kaz Hawkins

Because you love me 

Traduction





mercredi 25 juillet 2018

Stormy Daniels divorce de son mari


Stormy Daniels

Stormy Daniels divorce de son mari

Paris Match ||Mis à jour le 
La Rédaction avec AFP

Une procédure de divorce a été introduite la semaine dernière, a déclaré l’avocat de Stormy Daniels, l'actrice de films X engagée dans une bataille judiciaire contre Donald Trump avec lequel elle aurait eu une liaison.
Stormy Daniels, l'actrice de films X engagée dans une bataille judiciaire contre Donald Trump avec lequel elle aurait eu une liaison, va divorcer de son mari, a annoncé lundi son avocat. "Ma cliente Stormy Daniels et son époux Glen ont décidé de mettre un terme à leur mariage", a écrit Michael Avenatti sur son compte Twitter. Stormy Daniels avait épousé Glendon Crain en 2010 et le couple a une petite fille. "Une procédure de divorce a été introduite la semaine dernière, et son exactitude est fermement contestée", a ajouté l'avocat, suggérant que la demande a été déposée par Glendon Crain et sans en préciser les motifs.

Stormy Daniels

Agé de 41 ans, il est musicien et acteur de film X, selon sa page professionnelle Imdb. Il a été membre de plusieurs groupes de heavy metal et a accompagné à la batterie des artistes comme Katy Perry et Linkin Park, avant d'entamer une carrière porno en 2010 sous le pseudonyme de Brendon Miller. Selon les médias, il avait été arrêté en 2015 pour violences conjugales, mais la plainte a été retirée en 2018.

Donald Trump a toujours nié la relation

Le site d'information spécialisé dans les célébrités TMZ, rapporte que l'actrice âgée de 39 ans, qui se produit actuellement dans des boîtes de strip-tease, avait inscrit "non mariée" sur la fiche de police remplie après son arrestation dans un club de l'Ohio le 11 juillet. Stormy Daniels est devenue célèbre aux Etats-Unis quand elle a tenté d'obtenir en justice l'annulation d'un accord de confidentialité signé en 2016, dans lequel elle acceptait, en échange de 130.000 dollars, de garder le silence sur la liaison qu'elle prétend avoir eue avec Donald Trump en 2006.
L'accord a été passé juste avant l'élection de M. Trump en 2016, et l'argent a été versé par l'ancien avocat personnel du président, Michael Cohen. Donald Trump, qui a toujours nié cette relation, a par la suite reconnu avoir remboursé son avocat.
Stormy Daniels a aussi assigné Donald Trump en justice pour diffamation fin avril, renforçant sa bataille judiciaire avec le président.


mardi 24 juillet 2018

Flannery O’Connor / La bêtise et la grâce

 

Flannery O'Connor


Flannery O’Connor : la bêtise et la grâce

par Claude Grimal
24 juillet 2018

Chez Flannery O’Connor la bêtise est grotesque, monstrueuse. Et pourtant, elle touche également au sublime. Quel paradoxe américain !

Chez Flannery O’Connor (1925-1964), les personnages sont laids, bêtes, et méchants. Hallucinés aussi parfois. Ces créatures grotesques, qui se confrontent les unes aux autres dans une trentaine d’extraordinaires nouvelles et deux romans, font rire jaune.  Enrôlées au service d’une charge impitoyable contre le Sud arriéré et raciste des années 1950-1960 dans lequel l’écrivaine vivait, elles sont également actrices de la plus féroce des eschatologies chrétiennes. Le déroulement de l’action, le symbolisme ironique et les dénouements apocalyptiques ne laissent en effet aucun doute sur le double but poursuivi par O’Connor : une satire des mœurs et une prophétie (quasi) vétérotestamentaire sur l’imminence de la Catastrophe. L’insondable stupidité humaine et la destruction à venir sont pour l’écrivaine intimement liées mais, par un retournement ironique et paradoxal, elle les redéfinit et les change en leurs contraires tant il est vrai que pour elle « les derniers seront les premiers » et que l’anéantissement est avant tout promesse.

Mais d’abord les êtres de Flannery O’Connor sont essentiellement stupides parce que, pauvres ou riches, jeunes ou vieux, habitants de la campagne ou de la ville (cas plus rare dans ses textes), ils ne cessent de prétendre à une supériorité intellectuelle, morale, sociale ou raciale qu’ils tentent en permanence d’exercer. Chaque nouvelle, chaque épisode romanesque est l’histoire d’une volonté de pouvoir. Celles des Blancs sur les Noirs, des fermiers sur leurs journaliers, des enfants instruits sur leurs parents ignorants, des géniteurs sur leur progéniture rétive, des esprits éclairés sur les cerveaux enténébrés, des athées sur les croyants, des progressistes sur les réactionnaires… Une libido dominandi qui se révèle à double sens puisque, et c’est là que O’Connor dérange, les « victimes » se rebiffent et font alors souvent preuve d’une volonté aussi stupide que ceux qui cherchent à leur faire plier l’échine.

Flannery O’Connor : la bêtise et la grâce

Flannery O’Connor

Hormis les personnages qui luttent et sont remplis de fureur contre un monde peu désireux de reconnaître leur prééminence, existent aussi quelques imbéciles heureux jouissant béatement de l’excellente idée qu’ils se font d’eux-mêmes. Ainsi, dans « La révélation », Mrs Turpin se félicite-t-elle d’être une modeste et respectable fermière, d’avoir un bon tempérament et surtout de ne pas être née noire, ce dont elle remercie Dieu tous les jours du fond du cœur. Tandis que, dans « Tout ce qui s’élève converge », Julian, un jeune homme à l’esprit libéral qui a fait des études supérieures, se venge de l’univers médiocre dans lequel il végète et de sa mère optimiste, sotte et raciste, en s’asseyant systématiquement pour l’embêter à côté des passagers noirs des bus nouvellement « déségrégués ».

Être bête chez O’Connor, c’est ainsi être satisfait de soi, qu’on le soit rageusement ou paisiblement. Cette complaisance est blâmable non parce qu’elle empêcherait toute ouverture au bien et à la vertu ou la construction d’un monde humain moins mauvais mais parce qu’elle empêche la reconnaissance de ce qui seul est supérieur, le divin. La stupidité autocentrée détourne donc de l’unique besoin que l’être devrait ressentir, celui de la grâce. Le comique et la force de Flannery O’Connor résident pour une grande part dans le fait que son œuvre ne formule jamais les choses en ces termes, assez peu audibles évidemment pour la plupart de ses lecteurs, et que la charge contre la bêtise humaine occupe d’un point de vue narratif la place prépondérante.

Le divin, ou appelons-le – en termes peu o’connoriens – une force plus grande que l’humain, va pourtant s’imposer à la fin des histoires, toujours sous une forme bizarre et violente. C’est un taureau qui transperce la fermière de « Greenleaf », « le Désaxé » qui assassine la grand-mère des « Braves gens ne courent pas les rues », une vision inquiétante qui descend sur le malade de « Mon mal vient de plus loin », une crise cardiaque qui terrasse Mr Fortune dans « Vue sur les bois »… Cette force, contrairement aux idées chrétiennes modernes, n’est ni propédeutique ni apaisante et les personnages en font l’expérience à leur corps défendant, souvent au prix de leur vie. Ainsi, avant leur anéantissement psychique ou physique, les intellectuels libéraux, les propriétaires terriens avides ou dominateurs, les pharisiens de tous poils de O’Connor se retrouvent face à ce que les textes décrivent comme « une terreur purifiante », « sur le bord d’un monde de culpabilité et de chagrin »… Soit, selon O’Connor, dans la seule position souhaitable pour l’être humain, celle de la reconnaissance de son imperfection sans Dieu.

Flannery O’Connor : la bêtise et la grâce

© Wilson Severino

Une seule catégorie de personnages échappe à la condamnation de O’Connor ; les fanatiques, les délirants, ceux qui se lamentent de l’absence du Seigneur ou de l’état de péché dans lequel eux et le monde vivent. Ils apparaissent dans ses pages sous les traits de fondamentalistes protestants, de forcenés, de tueurs. Ils souffrent passionnément du manque de Dieu, et, parfois persuadés que Satan les tient en son pouvoir, se déchaînent contre autrui. Mais ils portent sans toujours le savoir la parole divine car, chez O’Connor, il n’est de messager plus inspiré que le vengeur satanique ou le délinquant pervers. Ainsi, avant de partir en prison, Rufus, le diabolique jeune pied-bot des « Boiteux entreront les premiers », hurle, aux policiers qui l’ont arrêté mais en réalité à destination de l’homme qui l’a accueilli sous son toit et assiste impuissant à la scène (et à la ruine de ses efforts éducatifs) : « Je mens et je vole parce que je suis un bon menteur et un bon voleur. […] Les boiteux seront les premiers. Les infirmes seront rassemblés. Quand je serai prêt pour mon salut, Jésus me sauvera, mais pas cet athée dégueulasse et menteur ».

Les discours arriérés et aberrants contiennent donc plus de vérité pour O’Connor que les prises de position rationnelles ou vertueuses. Pour elle, l’imbécillité obscurantiste, c’est un monde organisé dans le refus de Dieu et de la révélation. L’imbécillité, c’est croire qu’on peut hic et nunc remédier à l’incomplétude ou au vice humain. L’imbécillité, c’est refuser de considérer l’univers comme lieu de désordre et de mal, imaginer se passer de Dieu et de sa Grâce foudroyante.

Et quelle sacrée énergie, quelle cruauté jubilatoire Flannery O’Connor met dans sa dénonciation ! Quelle renversante intelligence elle déploie dans sa détestation d’une humanité stupide !

EN ATTENDANT NADEAU



Jean-Louis Trintignant confie "être mort" le même jour que sa fille Marie


Jean-Louis Trintignant en 2017.


Jean-Louis Trintignant confie "être mort" le même jour que sa fille Marie

Paris Match ||Mis à jour le 
Dans le dernier livre de Catherine Ceylac, l’acteur de 87 ans fait des confessions bouleversantes sur sa fille Marie Trintignant.
«J’ai purgé ma peine». Ces quelques mots sur le compte Facebook de Bertrand Cantat, alors qu’il fait actuellement son retour dans la lumière quinze ans après la mort de Marie Trintignant, a suscité une forte indignation. Le chanteur a été contraint d’annuler sa venue dans les festivals suite à une pétition qui le lui demandait expressément. Dans cette folie médiatique, Catherine Ceylac sort son livre «A la vie, à la mort», recueil de témoignages allant de Line Renaud à Carla Bruni en passant par Jean-Louis Trintignant. Le journal «Télé Loisirs» s’est procuré les pages de l’acteur de 87 ans, se battant actuellement contre un cancer, vivant toujours péniblement la disparition de sa fille tant aimée. Car quinze ans après, Jean-Louis se sent coupable de cette mort prématurée. «Je suis mort le 1er août 2003, le jour où Marie est morte. A l’intérieur de moi, tout est détruit, a-t-il confié à Catherine Ceylac.

"C'est peut-être de ma faute"

Mais il ne s’arrête pas là. L’acteur raconte ce soir de 2003 et révèle comment il aurait «peut-être» pu empêcher cette terrible dispute entre Marie et Bertrand Cantat. «Je devais venir la retrouver ce soir-là et je ne suis pas venu. C’était un grand voyage en voiture, quatre ou cinq jours, explique-t-il. C’est peut-être de ma faute : si j’avais été présent ce soir-là, elle ne serait sans doute pas morte. Cette culpabilité me pèse beaucoup parce que je suis presque sûr d’avoir raison».
Ces derniers jours, un autre membre de la famille Trintignant a souhaité s’exprimer. Nadine, la mère de Marie, a confié à Lea Salamé son indignation face au retour de Bertrand Cantat dans la sphère médiatique. «Je trouve honteux, indécent, dégueulasse qu’il aille sur scène». Un avis partagé par Samuel Benchetrit, l’ancien époux de la défunte. «Ce type a tué de ses mains la mère de mon fils. Il a enlevé une femme libre extraordinaire à ses parents, aux gens qui l’aimaient, dont je faisais partie».


lundi 23 juillet 2018

Jean-Louis Trintignant confirme sa retraite des plateaux de cinéma


Jean-Louis Trintignant


Jean-Louis Trintignant confirme sa retraite des plateaux de cinéma

Paris Match |
L'acteur Jean-Louis Trintignant a annoncé jeudi dans une interview accordée à «Nice-Matin» qu'il arrêtait bien sa carrière au cinéma
"Le cinéma, c'est fini", annonce après un demi-siècle de carrière l'acteur Jean-Louis Trintignant, monument du cinéma français, dans une interview diffusée jeudi sur le site internet de «Nice-Matin». Le cinéaste de 87 ans, qui souffre d'un cancer de la prostate, explique avoir refusé de tourner dans un prochain film de Bruno Dumont : "C'était intéressant mais j'ai eu peur de ne pas y arriver physiquement", relate-t-il. "Je ne me déplace plus tout seul, j'ai toujours besoin d'avoir quelqu'un auprès de moi pour me dire: Attention, tu vas te casser la gueule", ajoute l'acteur aux 160 rôles au cinéma et au théâtre, dont la dernière apparition en salle obscure remonte à «Happy End» de Michael Haneke en 2017.

Face au cancer, "je ne me bats pas"

Face au cancer, "je ne me bats pas. Je laisse faire. J'ai trouvé un médecin marseillais qui essaie un nouveau truc. Je ne fais pas de chimio, même si j'y étais prêt", ajoute encore celui qui est hanté depuis 2003 par la mort de sa fille Marie sous les coups de son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat. Interviewé pour la sortie d'un enregistrement de lectures de poésies (Prévert, Vian, Apollinaire...) sur une musique d'Astor Piazzolla interprétée par Daniel Mille, l'acteur installé près d'Uzès (Gard) confie également qu'il n'était "pas fait pour un métier public".
"J'étais extrêmement timide. Et puis la notoriété, ça ne m'a jamais intéressé. Vous savez, c'est amusant la première fois, mais après plus du tout. Pourquoi on nous donne des récompenses ? Nous sommes déjà bien payés, on ferait mieux de donner des Oscars aux gens qui font des métiers pas marrants". Entré dans l'histoire du cinéma avec "Un homme et une femme" de Claude Lelouch - Palme d'or à Cannes en 1966 -, Jean-Louis Trintignant a remporté un prix d'interprétation à Cannes pour "Z" de Costa Gravas en 1969, et un César du meilleur acteur pour "Amour" de Michael Haneke en 2013.