mercredi 12 septembre 2018

Matsuo Bashô / Haiku



Matsuo Bashô 

1644-1694
HAIKU

Devant l'éclair -
sublime est celui
qui ne sait rien !

Aux admirateurs de lune
les nuages parfois
offrent une pause 


Haiku
Trad. Corinne Atlan et Zéno Bianu
Paris, Gallimard, 2002, p. 127


mardi 11 septembre 2018

À voir et à manger / La cuisine de Claude Monet




Claude Monet, La Japonaise (Camille Monet en costume japonais), 1876. Huile sur toile, 231 × 142,3 cm.
Museum of Fine Arts, Boston.

À voir et à manger

La cuisine de Claude Monet

11 SEPTEMBRE 2016, 
LEÏLA VASSEUR-LAMINE

Octave-Claude Monet naît le 14 novembre 1840 à Paris. Il passe cependant son enfance au Havre où il s’exerce au dessin sous la tutelle d’Eugène Boudin et s’avère déjà particulièrement doué. Il fait son retour à Paris en 1859 pour entreprendre une carrière d’artiste. Mais il est envoyé en Algérie et intègre le 1er régiment de chasseurs d’Afrique. Il y passe deux ans et réussi à être exempté des quelques cinq années de plus grâce à sa tante.

Claude Monet, Boulevard des Capucines, 1873-1874. Huile sur toile, 80,3 × 60,3 cm.
The Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City.

C’est donc en 1862 que tout prend un nouveau tournant, lorsqu’il s’inscrit à l’atelier de Charles Gleyre. Même s’il n’éprouve pas beaucoup de sympathie pour son professeur, les leçons qu’il reçoit ne sont pas inutiles du point de vue de la technique. Gleyre s’en tenait certes à un enseignement académique mais il laissait malgré tout une certaine liberté à ses élèves et ne les empêchait pas de se passionner pour le paysage. Mais cet atelier lui apporte bien davantage, car c’est ici même que le destin l’unit à des alliés de taille.

Claude Monet, Nymphéas, 1908. Huile sur toile, 92 × 90 cm.
Collecion privée.


En effet, c’est là qu’il rencontre Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley et Frédéric Bazille joyeuse troupe de jeunes artistes en rupture avec l’art statique et trop figuratif que représente l’académisme en vigueur. Influencés par Courbet, et Manet, la troupe prend l’habitude de se réunir et de nouveaux visages apparaissent comme celui de Pissaro (que Monet avait rencontré quelque peu avant) ou de Cézanne. Se joignent aussi à eux d’autres hommes tels qu’Émile Zola, Verlaine, Edmond Maître, Degas, Henri Fantin-Latour… et on les surnomme alors le groupe des Batignolles en raison de leur fréquentation du café Guerbois, avenue de Clichy. Mais Monet poussé par son amour de la nature et de la vie invite ses plus fidèles compagnons à peindre en plein-air avec lui. Et c’est à ce moment que se forme le noyau dur de ceux que l’on connaît sous le nom d’impressionnistes. Ces années seront belles mais maigres pour Monet qui pourtant affectionne particulièrement le faste. Il faut rappeler qu’il était réputé pour son apparence soignée et son élégance à la façon d’un « dandy » comme il était surnommé par d’autres élèves de l’atelier. Son mariage avec Camille après la naissance de leur fils n’arrange rien car sa famille lui coupe les vivres. Et le succès tarde à venir.

Claude Monet, Moulin à Zandaam, 1871. Huile sur toile, 48 × 73.5 cm. Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague.

Aussi celui-ci trouve à se gaver autrement en devenant un boulimique de paysages. Il voyage en France comme en Angleterre, en Espagne, en Italie. Ses toiles sont de plus en plus délicieuses, des détails pris dans les panoramas qui s’offrent à ses yeux deviennent des spécialités qu’il décline en série selon la lumière. Son appétit vorace trouve son contentement dans la saturation visuelle. Il sollicite sa vue jusqu’à être rassasié. Et compose ses toiles comme on chercherait à tâtons à reproduire un met tant aimé.

Claude Monet, Printemps, 1872. Huile sur toile, 50 × 65,5 cm. Walters Art Gallery, Baltimore.

Heureusement sa rencontre avec Alice Hoschedé est de meilleur augure et la maturité lui apporte la reconnaissance. Il s’installe enfin à Giverny avec Alice et tous ses enfants, et s’éprend à loisir de tout ce qui l’entoure. Il peut enfin prendre plaisir à se faire plaisir, et partager cela avec les gens qu’il aime. C’est ce que nous indique le recueil de recettes tenu par le couple. Et l’on sent tout l’art de la composition et de la justesse autant dans ses toiles que dans ses plats. Sa peinture riche en couleurs et vive est à l’image de sa cuisine riche en goût. Pour preuve cette délicieuse recette d’aubergines farcies :
« Partagez des aubergines dans le sens de la longueur.

Pratiquez quelques incisions dans la peau et saupoudrez-les de gros sel.

Laissez dégorger pendant 1 h environ.
Farinez-les et faites-les frire dans de l’huile d’olive bouillante,
jusqu’à ce qu’elles soient cuites mais pas écrasées.
Egouttez-les et videz-les sans abîmer la peau.
Hachez 1 ou 2 échalotes, de l’ail (selon le goût),
et faites rissoler dans de l’huile après avoir salé et poivre.
Ajoutez ensuite de la purée de tomates et la chair des aubergines hachée grossièrement.
Farcissez les peaux d’aubergines. Saupoudrez de chapelure, arrosez d’huile d’olive et faites gratiner.
Servez avec un coulis clair de tomates. »

Claude Monet, Meule près de Giverny, 1884-1889. Huile sur toile, 64,5 × 87 cm. Musée Pouchkine, Moscou.

Ainsi, la distinction de peintre « impressionniste » a fait sens pour Claude Monet plus que pour aucun autre de ses camarades. Dans l’assiette comme sur la palette tout chez Monet était histoire d’impression : l’eau, le feu, le vent, bouilli, à la cocotte, ou à la vapeur, il fallait saisir la nature et exalter ses saveurs. Malgré tout ce que les critiques ont pu écrire sur son œuvre, Monet est resté impressionniste jusqu’à la fin de sa vie. Aussi longue qu’elle fut. Il l’a été par conviction profonde, et parce que l’impression chez lui était aussi matière à être valorisée et ressentie avec intensité.

Claude Monet, La Grenouillère, 1869. Huile sur toile, 74,6 × 99,7 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York.

Pour aller au-delà de l’impressionnisme de Monet, profitez de l’exposition exceptionnelle qui lui est consacrée au Danemark, intitulée « Ud af impressionnisme » (Sortir de l’impressionisme) au musée Ordrupgaard actuellement en cours jusqu’au 4 décembre 2016.



Balthus / Une censure peut en cacher une autre


Thérèse rêvant 1938
Balthus
Photo de Triunfo Arciniegs
Nueva York, 2012


Balthus: une censure peut en cacher une autre

Le capitalisme achève de ravager la planète et de détruire les vieilles solidarités sans vraiment rencontrer de résistances. Chez nous, pendant que la présidente fait un discours fleuve sur un bébé panda, les premiers SDF meurent de froid dans la rue, comme d’habitude.

La « perversion » est une diversion

Evidemment, le capitalisme ne veut pas qu’on en parle, de tout ça, qu’on s’y intéresse de trop près. Alors le capitalisme a une diversion bien pratique. C’est l’Ordre Moral. L’Ordre Moral dit ce qu’on peut lire, voir, aimer et ce qu’on ne peut pas. Comme, dans la France macronisée, le capitalisme sauvage est en pleine forme, l’Ordre Moral aussi. Ces deux-là marchent la main dans la main. Ces jours-ci, où nous sommes en train de devenir des Américains comme les autres, l’Ordre Moral a pris pour compliquer les choses l’allure a priori progressiste d’un néo-féminisme post-weinsteinien qui, au nom des violences faites au femmes (assez peu néanmoins dans le domaine salarial), étend sa croisade désormais au domaine de l’art: littérature, cinéma, peinture.

La petite cuillère n’existe pas

Non seulement l’art qui se fait aujourd’hui mais aussi l’art qui s’est fait hier. Dernier épisode en date, à New-York, mais ça ne saurait tarder par ici, une Ordeuse Morale a initié une pétition pour que le MOMA cesse d’exposer Thérèse rêvant de Balthus à cause « de ce que ce tableau insinue ». Mais il insinue ce que vous y voyez madame Mia Merrill, vous qui dites vous inscrire dans le sillage de #metoo et ce que vous y voyez n’a pas (encore) force de loi mais dit beaucoup de votre rapport au sens, à la beauté, à la liberté.
Ne rigolez pas, Nabokov et Proust, votre tour arrive… Le sursis, c’est parce que la littérature, ça demande des efforts: il faut lire les livres, tout de même.
Après, malgré tout, ce que je trouve paradoxal, magnifique et tragique dans cette histoire, c’est que finalement l’Ordre Moral prend l’Art au sérieux. On s’apercevra ainsi de ce qu’on perd au fur et à mesure qu’il l’effacera de nos mémoires.

CAUSEUR





lundi 10 septembre 2018

Balthus / Au cinema


Thérèse on a Bench Seat
Balthus

Balthus
AU CINEMA

Dans le film de François Truffaut Domicile conjugal (1970 ; scène reprise in extenso dans L'Amour en fuite, 1979), les deux personnages principaux, Antoine Doinel (interprété par Jean-Pierre Léaud) et sa femme Christine (Claude Jade), se sont disputés et vivent séparément. À un moment donné, Christine décroche du mur un petit dessin d'environ 25 × 25 cm et le tend à son mari qui est venu voir leur enfant, Alphonse :

« Christine : – Tiens, prends le petit Balthus.

Antoine : – Ah, le petit Balthus, je te l'ai offert, il est à toi, garde-le. »
Ce dessin présente au premier plan un personnage sombre (peut-être de dos), dans une allée avec des arbres sur la gauche. Il ne ressemble à rien de ce que Balthus aurait dessiné et ne figure pas dans le catalogue raisonné, mais les recherches continuent pour l'identifier. 
Dans Péril en la demeure de Michel Deville, les allusions à Balthus font partie de la trame même du film. Celui-ci baigne dans un érotisme cérébral directement inspiré de l'œuvre du peintre, la reproduction d'un tableau de Balthus, représentant une demeure, y est aperçue à plusieurs moments-clés de l'intrigue, dont le personnage principal donne des leçons de guitare à une adolescente aguicheuse, qu'il rejoindra dans la scène finale.





dimanche 9 septembre 2018

Burt Reynolds / 1936-2018


Burt Reynolds
(1936-2018)

Né d'un père cherokee et d'une mère italienne, Burt Reynolds grandit à Palm Beach, en Floride, et entame une carrière de footballeur professionnel que vient interrompre brutalement un grave accident de voiture. Se tournant vers le métier de cascadeur puis de comédien, il interprète quelques séries télévisées comme Gunsmoke (1962-1965) et Hawk(1966), avant de s'illustrer au cinéma dans les westerns Navajo Joe (1966) et Les Cent fusils (1969).

Mais c'est en incarnant en 1972 un Américain de classe moyenne qui s'improvise aventurier et archer dans Délivrance que l'acteur à la carrure athlétique accède à la célébrité. Il se spécialise dès lors dans les rôles de macho et d'homme fort, renouant avec ses premières amours, le football américain, pour s'en prendre plein la gueule dans la comédie de Robert Aldrich. Après avoir fondé avec ce dernier la société de production Roburt Company en 1975, il se lance dans la réalisation, se mettant ainsi en scène dans Gator (1976), un thriller où un ancien cambrioleur est chargé de provoquer la chute d'un politicien corrompu, et L'Anti-gang (1981), l'histoire d'un flic de la brigade des moeurs enquêtant sur une affaire d'assassinat.

Passionné de vitesse et de course automobile, Burt Reynolds interprète sous la houlette de Hal Needham deux personnages récurrents, dont l'un, Bandit, passe son temps à narguer les shérifs (Cours après moi shérif en 1977 et Tu fais pas le poids shérif ! en 1980) et l'autre, J.J. McClure, concourt pour le Cannonball (L'Equipée du cannonball en 1981 et Cannonball 2 en 1984). Ayant tourné sous la direction de réalisateurs aussi talentueux que Peter Bogdanovich (Nickelodeon), Alan J. Pakula (Merci d'avoir été ma femme) et Don Siegel (Le Lion sort ses griffes), le comédien moustachu se retrouve malgré tout cantonné, dans les années 80, à des rôles de flics violents comme en témoignent ses prestations dans les polars Haut les flingues ! (1984), Malone (1987) et Preuve à l'appui (1988).

Ne craignant pas l'autodérision, quitte à sombrer dans la "beaufitude", Burt Reynolds balade sa silhouette de dur à cuire vieillissant dans des comédies peu convaincantes comme Un flic et demi (1993) et Striptease (1996), où il campe un politicien véreux et libidineux. Sa carrière trouve un nouveau souffle en 1997 avec Boogie nights, et la critique internationale salue sa performance de réalisateur de films X dans ce long métrage de Paul Thomas Anderson inspiré de la vie de l'acteur porno John Holmes. Mais ses films suivants -Mystery, AlaskaStringer et The Crew- ne remportant pas le succès escompté, l'acteur doit se contenter de rôles secondaires sous forme de clins d'oeil comme dans Jusqu'au cou (2005), où son personnage d'ermite excentrique fait référence à Délivrance, et Mi-temps au mitard (id.), remake de Plein la gueule.

Malgré son âge relativement avancé, Burt Reynolds continue d'être actif devant les caméras. Il est ainsi à l'affiche de plusieurs films (pour la plupart inédits en France) dans des registres allant de la comédie (Shérif, fais-moi peurForget About ItCloud 9) au thriller (End GameHollow Creek) en passant par le fantastique (King Rising - Au nom du Roi) et le drame (Dog Years). Parallèlement, l'acteur participe à plusieurs téléfilms (Un coeur à l'hameçonAu coeur de la tempête) et séries télévisées (EarlAmerican Dad ! et "Archer Hitting the Breaks").