lundi 31 mai 2021

A relire ou à lire / « La Peste » d’Albert Camus

 



A relire ou à lire : « La Peste » d’Albert Camus

Dunia Miralles

12 mars 2020


A relire ou à lire : « La Peste » d’Albert Camus

La Peste d’Albert Camus : un récit en plusieurs strates

L’essentiel de mes lectures, depuis quelques mois, se penche sur le fascisme. D’où ma relecture de La Peste, cet hiver, une métaphore de la peste brune, autre nom du nazisme. Puis, l’arrivée du nouveau Coronavirus a précipité les lecteurs sur ce livre d’Albert Camus paru en 1947. Une chronique faisant partie du cycle de la révolte, qui compte deux autres ouvrages: L’Homme révolté et Les Justes. Toutefois, La Peste peut également se lire au premier degré, comme un journal relatant régulièrement l’avancée d’une maladie bactériologique.


Albert Camus


La Peste : résumé du récit

Oran, en Algérie, le docteur Rieux découvre un rat mort, sur son pas de porte, sans qu’il y prête attention. Son épouse souffre de la tuberculose. Il doit la conduire à la gare afin qu’elle se fasse soigner ailleurs, dans un lieu mieux équipé pour lutter contre sa maladie. Quelques jours plus tard, on trouve des milliers de rats morts dans les rues. La ville nettoie tout sans se préoccuper davantage de cet incident. Mais enlever les rats crevés ne suffit pas. Le concierge du docteur Rieux meurt. D’autres habitants de la ville, riches ou pauvres, également. Affolé par le nombre important de rats qui continuent de mourir, Grand, un employé de la mairie, consulte le docteur. Recherché par la police Cottard essaye de se pendre. Le médecin le sauve. Rieux s’évertue âprement de convaincre la municipalité de mettre la ville en quarantaine. Il se passera quelques temps avant qu’elle ne réagisse et ferme les accès.

Coupés du monde avec lequel ils ne peuvent communiquer qu’au travers des télégrammes, les habitants paniquent. Deviennent violents et égoïstes. Le docteur Rieux tente de sauver les malades, pendant que Rambert, un journaliste, n’a qu’une idée fixe : sortir de la ville pour rejoindre sa femme à Paris. Quand enfin il pourra le faire, il préférera rester à Oran pour aider Rieux à combattre la maladie.

Tarrou est le fils d’un procureur qui ne brille pas toujours par sa bonne attitude. Bien qu’il soit extérieur à la ville, de par sa naissance, il est une personne dont on se méfie. Par la suite, il deviendra une aide précieuse : il a confiance dans la force de l’Homme et dans sa capacité à surmonter les épreuves, notamment grâce à la solidarité.

Cottard, qui ne pense plus au suicide, profite de la situation pour se livrer à des trafics lucratifs. De son côté, Grand commence la rédaction d’un livre, mais reste bloqué sur la première phrase. Pour la population d’Oran la situation est critique. Les gens se renferment et perdent le goût de vivre.

Trois mois passent. L’été arrive. La propagation de la peste fait tant de victimes qu’on ne les enterre plus. On les jette dans une fosse commune. La folie gagne les habitants. Certains attendent, résignés, l’arrivée de la mort. D’autres se livrent à des pillages. La municipalité serre la vis. Sanctionne sévèrement les abus. Mais les habitants ont perdu tout espoir. Leur démence ne peut pas être contenue par la justice.

A l’arrivée de l’automne, cela fait des mois que Rambert, Rieux et Tarrou luttent contre la peste.

L’abbé Paneloux, qui au début du livre considère la peste comme un châtiment divin, est touché par l’absurdité de la situation. Doutant de sa foi, il se réfugie dans la solitude. Il meurt le crucifix à la main après avoir refusé de se faire soigner. A Noël, c’est Grand que la maladie attaque, mais le sérum qui a été développé pour combattre le bacille devient soudainement efficace et il s’en sort. A cette nouvelle, la ville est rassurée. Les rats reviennent et avec eux l’espoir des habitants d’Oran.

Malgré la persistance de la peste, les victimes sont moins nombreuses. Le calme réapparaît, la joie des habitants également. Cependant, infecté lui aussi, Tarrou meurt après une lutte acharnée contre la maladie. En apprenant la fin de l’épidémie, Cottard devient fou et tire sur les gens depuis sa fenêtre. On l’incarcère. Dans le même temps, un télégramme apprend à Rieux la mort de sa femme. La tuberculose l’a emportée. Après s’être battu pendant plus d’un an contre un fléau sans en être affecté, il éprouve soudainement un énorme chagrin.

En février, la ville ouvre à nouveau ses portes. Les habitants exultent de joie en retrouvant leur liberté. Vers la fin du récit, on apprend que le narrateur est le Docteur Rieux. Tout l’ouvrage est écrit comme un journal intime.

La peste d’Albert Camus : lecture à l’ombre du nouveau Coronavirus

En 1941, en pleine guerre, Albert Camus fuit la France métropolitaine et les horreurs de l’Occupation allemande. Pour lui, l’Algérie est la dernière terre française encore libre. Il s’installe à Oran et découvre une ville qui tourne le dos à la mer, dont la maladie est l’ennui et ou la vie sociale se résume à de longues promenades. De plus l’Algérie de 1941 est loin d’être la terre de liberté qu’il espère. Comme à Vichy, à Rome ou à Berlin, les militaires dirigent tout en traquant les dissidents. Camus voit s’installer la peste brune, ce totalitarisme qui se répand sur le monde. Oran servira de décor à son chef-d’œuvre. Ci-dessous, je propose quelques extraits que je vous laisse interpréter à votre guise. On peut les lire à l’ombre du Covid-19 et des données que nous connaissons déjà, du moins celles délivrées par l’OMS, les gouvernements, la presse, les économistes et les divers activistes, notamment chinois. Ou, sous le regard du spectre des totalitarismes qui nous menacent.

La peste d’Albert Camus : extraits

« Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus ».

« Le lendemain de la conférence, la fièvre fit encore un petit bond. Elle passa même dans les journaux, mais sous une forme bénigne, puisqu’ils se contentèrent de faire quelques allusions. Le surlendemain, en tout cas, Rieux pouvait lire de petites affiches blanches que la préfecture avait fait rapidement coller dans les coins les plus discrets de la ville. Il était difficile de tirer de cette affiche la preuve que les autorités regardaient la réalité en face. Les mesures n’étaient pas draconiennes et l’on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l’opinion publique ».

« Mais une fois les portes fermées, ils s’aperçurent qu’ils étaient tous, et le narrateur lui-même, pris dans le même sac et qu’il fallait s’en arranger. C’est ainsi, par exemple, qu’un sentiment aussi individuel que celui de la séparation d’avec un être aimé devint soudain, les premières semaines, celui de tout un peuple, et, avec la peur, la souffrance principale de ce long exil ».

« Les bagarres aux portes, pendant lesquelles les gendarmes avaient dû faire usage de leurs armes, créèrent une sourde agitation (…) Il est vrai, en tout cas, que le mécontentement ne cessait de grandir, que nos autorités avaient craint le pire et envisagé sérieusement les mesures à prendre au cas où cette population, maintenue sous le fléau, se serait portée à la révolte ».

« … la peste avait tout recouvert. Il n’y avait plus de destins individuels, mais une histoire collective qui était la peste et les sentiments partagés par tous ».

« Nos concitoyens s’étaient mis au pas, ils s’étaient adaptés, comme on dit, parce qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. Ils avaient encore, naturellement, l’attitude du malheur et de la souffrance mais ils n’en ressentaient plus la pointe ».

« Tout le monde était d’accord pour penser que les commodités de la vie passée ne se retrouveraient pas d’un coup et qu’il était plus facile de détruire que de reconstruire ».

« Mais dans l’ensemble, l’infection reculait sur toute la ligne et les communiqués de la préfecture, qui avaient d’abord fait naître une timide et secrète espérance, finirent par confirmer, dans l’esprit du public, la conviction que la victoire était acquise et que la maladie abandonnait ses positions. (…) La stratégie qu’on lui opposait n’avait pas changé, inefficace hier, et aujourd’hui, apparemment heureuse. On avait seulement l’impression que la maladie s’était épuisée elle-même ou peut-être qu’elles se retirait après avoir atteint ses objectifs. En quelque sorte son rôle était fini ».

« Il n’y a pas de paix sans espérance, et Tarrou qui refusait aux hommes le droit de condamner quiconque, qui savait pourtant que personne ne peut s’empêcher de condamner et que même les victimes se trouvaient parfois être des bourreaux, Tarrou avait vécu dans le déchirement et la contradiction, il n’avait jamais connu l’espérance».

« Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que la foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse».

La peste : la réponse d’Albert Camus à Roland Barthes

Cette chronique de la peste brune déçoit Roland Barthes qui la trouve politiquement faible. Je publie ci-dessous quelques extraits de la réponse faite par Albert Camus au philosophe:

« La Peste, dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme. La preuve en est que cet ennemi qui n’est pas nommé, tout le monde l’a reconnu, et dans tous les pays d’Europe. Ajoutons qu’un long passage de La Peste a été publié sous l’Occupation dans un recueil de combat et que cette circonstance à elle seule justifierait la transposition que j’ai opérée. La Peste, dans un sens, est plus qu’une chronique de la résistance. Mais assurément, elle n’est pas moins.

La Peste se termine, de surcroît, par l’annonce, et l’acceptation, des luttes à venir. Elle est un témoignage de « ce qu’il avait fallu accomplir et que sans doute (les hommes) devraient encore accomplir contre la terreur et son arme inlassable, malgré leurs déchirements perpétuels… »

Ce que ces combattants, dont j’ai traduit un peu de l’expérience, ont fait, ils l’ont fait justement contre les hommes, et à un prix que vous connaissez. Ils le referont sans doute, devant toute terreur et quel que soit son visage, car la terreur en a plusieurs, ce qui justifie encore que je n’en aie nommé précisément aucun pour pouvoir mieux les frapper tous. Sans doute est-ce là ce qu’on me reproche, que La Peste puisse servir à toutes les résistances contre toutes les tyrannies. Mais on ne peut me le reprocher, on ne peut surtout m’accuser de refuser l’histoire, qu’à condition de déclarer que la seule manière d’entrer dans l’histoire est de légitimer une tyrannie ».

La touche positive

Pour terminer sur des mots positifs, voici ce qu’écrivait Albert Camus, en 1948, à Maria Casarès l’une des femmes de sa vie : « Aux heures où l’on se sent le plus misérable, il n’y a que la force de l’amour qui puisse sauver de tout ».

Brève biographie d’Albert Camus

Albert Camus, naît le 7 novembre 1913 en Algérie. Enfant des quartiers pauvres, tuberculeux, orphelin de père, fils d’une mère illettrée et sourde, c’est un voyou des quartiers d’Alger. Cependant, grâce à son instituteur et au football, il s’arrachera à sa condition pour devenir l’écrivain de L’Étranger, l’un des romans les plus lus au monde, le philosophe de l’absurde, le résistant, le journaliste et l’homme de théâtre que l’on connaît. Il meurt le 4 janvier 1960, à l’âge de 46 ans, dans un accident de voiture dans l’Yonne, en France, deux ans après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature. Pour en savoir davantage, vous pouvez aussi visionner Les vies d’Albert Camus, un documentaire de Georges-Marc Benamou.


Durée du documentaire: 1h38.

 Sources :

 – La Peste, Folio Gallimard, 2018

– Les vies d’Albert Camus, documentaire, réalisation Georges-Marc Benamou

– Philofrançais.fr

– Raison-publique.fr

– Lepetitlittéraire.fr

– Superprof.fr


Dunia Miralles, écrivaine, metteure en scène, performeuse ou parolière, aime varier les expériences littéraires et artistiques, ainsi que les sujets difficiles, en mettant au jour ce qui parfois s’occulte. Auteure de Swiss trash, Fille facile, Inertie -Prix Bibliomedia 2015-, MICH-EL-LE une femme d'un autre genre, et d’ALICANTE un livre musical qui se lit et s'écoute.


LE TEMPS




lundi 24 mai 2021

Peter Lindberg / Pirelli 2017



Penélope Cruz vuelve al Calendario Pirelli. Hace 10 años que la actriz española apareció en el famoso almanaque, que en aquella ocasión fue firmado por Inez y Vinoodh.

Peter Lindberg

 Pirelli 2017


Après avoir mis son talent au service de la marque en 1996 et en 2002, Peter Lindbergh expose sa propre vision de la beauté dans un calendrier Pirelli plus sobre que jamais. En attestent ses choix artistiques, le noir et blanc et, surtout, l’absence d’artifice de son casting 5 étoiles. Léa Seydoux, Lupita Nyong'o, Rooney Mara, Helen Mirren, Julianne Moore, Charlotte Rampling, Jessica Chastain, Penelope Cruz, Uma Thurman, Alicia Vikander, Kate Winslet, Zhang Ziyi, Nicole Kidman et Robin Wright : 14 actrices à la renommée internationale n’hésitent pas à poser sans maquillage, les cheveux à peine coiffés et simplement vêtues de débardeurs noirs, vestes de tailleur, basiques blancs… Un naturel désarmant, charmant, à mille lieux des codes ultra-sexy qui caractérisent, année après année, les modèles Pirelli. Des clichés à découvrir avant la sortie du calendrier le plus attendu de l’année, qui, comme le veut la tradition, sera distribué au compte-gouttes à une liste de privilégiés. 


Nicole Kidman

Robin Wright

Robin Wright

 Julianne Moore.

Julianne Moore
Lupita Nyong'o


Uma Thurman

Jessica Chastain 

Jessica Chastain
Kate Winslet

Nicole Kidman
Nicole Kidman

Penélope Cruz

Penelope Cruz


Robin Wright & Peter Lindbergh
Nueva York

Uma Thurman


Léa Seydoux,

Alicia Vikander

Zhang Ziyi

Rooney Mara

Helen Mirren


vendredi 21 mai 2021

Silvère Jarrosson / Pas de deux



Silvère Jarrosson

Pas de deux

AMÉLIE PIRONNEAU
9 JANVIER 2020

 

Chez l’homme qui danse, prendre conscience de sa capacité à se mouvoir et du plaisir que le mouvement engendre mène à l’exaltation. Le champ de l’expression s’élargit alors et le désir de créer apparaît spontanément.



Cette remarque que Silvère Jarrosson place en exergue d’une série de tableaux intitulée Rythmes vitaux permet de mesurer le dialogue qui s’instaure avec le corps du danseur dans le déploiement du mouvement.

Le corps qui, traversé par des émotions, créé un espace d’expression. Parce que le mouvement est pensé comme tel au sein de cette expérience artistique, le corps et le geste créatif sont liés.



Dès lors, comment produire le mouvement dans cet espace immobile qu’est le tableau ? Comment créer un langage visuel qui parvienne à générer l’idée de mouvement ?

Il semble que pour Silvère Jarrosson (qui a dû abandonner la danse à la suite d’un accident) il n’y ait pas de scission entre l’univers de la danse et celui de la peinture, à condition que celle-ci prenne corps. Faire prendre corps à la peinture implique de mettre en œuvre un jeu entre ses éléments constitutifs de manière à souligner sa matérialité. Pour cela Silvère Jarrosson mobilise tous les moyens plastiques afin de créer de véritables « chorégraphies » dans lesquelles le geste et la couleur créent une dynamique interne dans l’espace inerte du tableau. La peinture devient ainsi capable d’engendrer, de générer des formes sous l’effet de la mise en mouvement de la matière picturale dont il expérimente la malléabilité afin de libérer le potentiel d’énergie qu’elle recèle.




Les titres donnés aux séries : CréaturesRythmes vitauxFragments-organesFigures, … traduisent son désir d’insuffler la vie dans ses toiles. Les formes, qu’elles appartiennent au registre de la biologie, de la physique, de la cosmologie, naissent du travail de la matière et de la couleur. On assiste dans l’espace du tableau à l’éclosion d’un monde dont est rendu visible un fragment d’un tout qu’on imagine d’une immensité infinie. Impression rendue par la saturation de l’espace, par l’emploi de l’acrylique et de pigments qui font de la surface picturale un véritable tissu vivant : tourbillons, explosions, enroulements, entrelacements de formes en mouvement amplifié par la densité et la richesse du chromatisme auquel Silvère Jarrosson confère fluidité et translucidité même lorsque les touches se superposent et s’épaississent jusqu’à former un relief. Tantôt l’espace se creuse et la peinture se fait palimpseste dans lequel le regard s’enfonce dans la profondeur du tableau, traverse les sources de lumière, se saisit de taches, de formes fossilisées, de veines semblables à celles du marbre. Tantôt, en l’absence de toute percée, la peinture semble franchir les limites du plan dans un mouvement de houle tel que Courbet et Hugo ont pu le représenter. Dans d’autres séries, les formes sont disséminées sur la surface du tableau dans une sorte d’éclosion spontanée dans un mouvement de gravitation.



Les titres donnés aux séries : CréaturesRythmes vitauxFragments-organesFigures, … traduisent son désir d’insuffler la vie dans ses toiles. Les formes, qu’elles appartiennent au registre de la biologie, de la physique, de la cosmologie, naissent du travail de la matière et de la couleur. On assiste dans l’espace du tableau à l’éclosion d’un monde dont est rendu visible un fragment d’un tout qu’on imagine d’une immensité infinie. Impression rendue par la saturation de l’espace, par l’emploi de l’acrylique et de pigments qui font de la surface picturale un véritable tissu vivant : tourbillons, explosions, enroulements, entrelacements de formes en mouvement amplifié par la densité et la richesse du chromatisme auquel Silvère Jarrosson confère fluidité et translucidité même lorsque les touches se superposent et s’épaississent jusqu’à former un relief. Tantôt l’espace se creuse et la peinture se fait palimpseste dans lequel le regard s’enfonce dans la profondeur du tableau, traverse les sources de lumière, se saisit de taches, de formes fossilisées, de veines semblables à celles du marbre. Tantôt, en l’absence de toute percée, la peinture semble franchir les limites du plan dans un mouvement de houle tel que Courbet et Hugo ont pu le représenter. Dans d’autres séries, les formes sont disséminées sur la surface du tableau dans une sorte d’éclosion spontanée dans un mouvement de gravitation.

« Bonne la forme comme mouvement, comme faire, bonne la forme en action ». Silvère Jarrosson pourrait faire sienne la conception de la forme exprimée par Paul Klee. Celle-ci préside à la réalisation de ses toiles dans un jeu d’entre-deux entre forme et informe. Un jeu d’interférences entre figuration et abstraction afin de configurer ce qui ne se laisse pas mettre en forme dans un univers en constante mutation où apparaît l’instabilité et la fragilité du vivant.

De la danse à la peinture, il n’y a qu’un pas ou plus exactement « un pas de deux » tant Silvère Jarrosson fait se croiser les deux disciplines artistiques.



Même élan de la pensée, même implication du corps dans l’instant de la création que Bergson qualifie « d’instant absolu ».

Silvère Jarrosson est né à Paris en 1993. Il entre à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris en 2003, à l’âge de 10 ans. En 2011, une grave blessure l’oblige à abandonner définitivement sa carrière de danseur. Malgré des séquelles physiques durables, il ne renonce pas à danser, différemment, et trouve dans la peinture un autre moyen de s’exprimer par le corps. Il développe alors un travail pictural guidé à la fois par des recherches techniques et un imaginaire porté par la danse et le mouvement.

« Fondamentalement, ma démarche est restée la même, qu’elle soit dansée ou peinte » explique-t-il. Son style, généralement assimilé à l’expressionnisme abstrait, évolue progressivement vers une approche plus radicale du mouvement et de son empreinte sur la toile. Danseur au devenir suspendu par le hasard d’une blessure, il donne à celui-ci une place fondamentale dans son processus de création, en faisant danser la toile même, pour la transforme en réceptacle de formes en devenir.

A partir de 2014, Silvère Jarrosson expose en France et à l’international. En 2018, il devient l’artiste résident de la Fondation Claude Monet. Il développe des projets scénographiques mêlant la danse à la peinture, et donne sa première performance à l’Académie des Beaux-Arts de Riga. En 2019, il mène un projet ponctuel en résidence à la ViIla Médicis dans le cadre du festival Villa Aperta. Il vit et travaille à Paris.


WSI



jeudi 20 mai 2021

Perle Fine

Perle Fine

Perle Fine
El expresionismo abstracto

Cool Series

Cool Series
Cool Series
Polyphonic, 1945

12
Una quietud persuasiva

10
Surge, 1960

11
Sin título, 1946

21
Figura descendiendo una escalera


Perle Fine