samedi 31 août 2024
vendredi 30 août 2024
L’aura de Mishima Yukio dans le monde
L’aura de Mishima Yukio dans le monde
mercredi 28 août 2024
Le suicide de Mishima, ou l’achèvement de son œuvre
Le suicide de Mishima, ou l’achèvement de son œuvre
Inoue Takashi
6 / 11 / 2020
Le 25 novembre 2020 a marqué le cinquantième anniversaire de la mort tragique de Mishima Yukio. L’écrivain a mis fin à ses jours en pratiquant le seppuku, le suicide rituel par éventration. Ce décès a créé une onde de choc qui a ébranlé la société japonaise, mais elle a aussi soulevé un questionnement : pourquoi choisir de mourir à seulement 45 ans ? Nous chercherons à comprendre, au fil des indices parsemés dans son œuvre.
mardi 27 août 2024
Mishima Yukio / Un écrivain imbu de sa propre personne
Mishima Yukio : un écrivain imbu de sa propre personne
Damian Flanagan
11 / 12 / 2015
Le 25 novembre 1970, le suicide rituel du célèbre écrivain Mishima Yukio a soulevé une onde de choc au Japon. Damian Flanagan soutient que ce suicide ne peut être réduit à un appel aux armes ou au dernier geste d’un fou, et qu’il apporte en vérité un éclairage intéressant sur l’œuvre littéraire de Mishima et les objectifs ultimes de sa démarche artistique.
lundi 26 août 2024
Mishima Yukio / Martyr de la culture japonaise au-delà des époques
Les grandes figures historiques du Japon
Mishima Yukio, martyr de la culture japonaise au-delà des époques
Inoue Takashi
23 / 10 / 2020
Le 25 novembre 1970, Mishima Yukio a choqué le Japon et le reste du monde en se donnant la mort de manière spectaculaire, par seppuku, après avoir appelé les Forces d’autodéfense à se révolter pour obtenir une révision de la Constitution. Les motivations qui ont conduit cet écrivain célèbre, qui avait figuré cinq fois sur la liste des possibles lauréats du prix Nobel de littérature, étaient difficiles à comprendre. Plus d’un demi-siècle plus tard, une partie du mystère demeure, et l’on continue à s’interroger sur son œuvre et sa mort.
dimanche 25 août 2024
Peter Hujar / Biennale de Venise 2024
Peter Hujar – Biennale de Venise 2024
Peter Hujar – Portraits in Life and Death
Pour la première fois en Europe, le cycle complet Portraits in Life and Death de Peter Hujar († 26 novembre 1987) – annoncé par la Peter Hujar Foundation et organisé par l’Ukrainian Museum (New York) – est présenté.
Dans le cadre de la Biennale de Venise 2024 (Eventi Collaterali), l’Istituto Santa Maria della Pietà expose les photographies de Hujar. L’exposition comprend 41 images lumineuses monochromes.
Depuis les années 1970, il s’est tourné vers le monde de l’art et de la culture. Certaines des photographies réalisées à cette époque sont exposées à Venise – des portraits comme ceux de Susan Sontag, Mary Wilson, Anita Steckel, John Ahsbery ….
L’exposition traite de l’intimité et de la vulnérabilité – et de la sensibilité du photographe.
La publication Portraits in Life and Death – ISBN 978-0-306-80038-2 – avec un texte de Susan Sonntag, rassemble toutes les pièces exposées.
Fraenkel Gallery, Pace Gallery, Mai 36 Galerie et Maureen Paley se consacrent à l’héritage de Peter Hujar.
Le 2 mai 2924, le Musée Ukrainien Peter Hujar ouvrira ses portes : Rialto.
Y seront exposées ses photos prises entre 1955 et 1969, dont beaucoup n’étaient pas accessibles au public jusqu’alors – commissaire Peter Doroshenko.
Le titre de l‘exposition Rialtofait référence, entre autres, à des groupes d’œuvres comme Southbury, Florence et Catacombes des Capucins à Palerme– du 2 mai 2024 au 1er septembre 2024.
Peter Hujar – Portraits in Life and Death : Istituto Santa Maria della Pietà – jusqu’au 24 novembre 2024
Peter Hujar – Biennale Venedig 2024 : Portraits in Life and Death
samedi 24 août 2024
Le mont Fuji de Ohyama Yukio
Le mont Fuji de Ohyama Yukio
02/01/2012
Le mont Fuji, le plus haut sommet du Japon avec 3776 m d’altitude, est une montagne superbe qui n’a cessé de fasciner les hommes depuis les temps anciens. Le photographe Ohyama Yukio vit face au mont Fuji et saisit depuis près de 40 ans les différents visages de cette montagne hors du commun.
vendredi 23 août 2024
Le mont Fuji, la montagne aux esprits
Le mont Fuji, la montagne aux esprits
Ohyama Yukio a consacré sa vie à photographier le mont Fuji.
Il se fraye son chemin dans la mer d’arbres, il descend dans le cratère, il s’amuse dans la Grotte du vent.
jeudi 22 août 2024
Voyage dans le monde érotique du « shunga » / Entretien avec la réalisatrice Hirata Junko
Voyage dans le monde érotique du « shunga » : entretien avec la réalisatrice Hirata Junko
24/03/2024
Dans son nouveau film, la réalisatrice Hirata Junko explore l’univers si riche des estampes érotiques (shunga) de l’époque d’Edo. Elle nous emmène découvrir le monde des artisans qui perpétuent ce type de gravure sur bois et nous fait rencontrer les collectionneurs, chercheurs et artistes tombés sous le charme de cet art. Qu’est ce qui rend le shunga si captivant à ses yeux ?
Hirata Junko
Entrée dans la maison de production Telecom Staff en 2000, elle remporte en 2006 le prix ATP Newcomers pour son film « Histoires d’amour sur trois générations » (San-dai no koi-monogatari). Elle a donné des documentaires sur la danse et la poésie contemporaines, dont Pendant Eve sur le spectacle de danse homonyme, sorti en 2009. Son « Mémoire du Japon » (Nippon no kioku, 2010) a remporté le prix Matsukawa au festival du film de Yufu-in. Elle a également été primée pour « Chants pour les morts et les vivants : Nanyadoyara », qui dépeint la région du Tôhoku en 2011 peu après le Grand tremblement de terre de l’Est du Japon, ainsi que pour son documentaire sur la poétesse Enomoto Sakurako (sorti en 2015).
mercredi 21 août 2024
Shunga / La quintessence de l’érotisme japonais
La modernité de l’esthétique traditionnelle
Shunga : la quintessence de l’érotisme japonais
Le British Museum de Londres a organisé une exposition intitulée « Shunga : Sex and Pleasure in Japanese Art », qui a été inaugurée en octobre 2013 et jusqu’au début janvier 2014. Dans les lignes qui suivent, l’écrivain Tony McNicol donne un aperçu de cette manifestation consacrée à l’art érotique japonais, qui connaît un énorme succès.
mardi 20 août 2024
Moriyama Daidô / Un photographe aux yeux de « chien errant »
Daido Moriyama |
Moriyama Daidô : un photographe aux yeux de « chien errant »
Depuis les années 1990, les expositions de photographes japonais contemporains sont monnaie courante dans les musées et les galeries d’art du monde entier. Au même titre qu’Araki Nobuyoshi, Moriyama Daidô figure parmi les artistes favoris de ces expositions. Depuis quelques années, Moriyama a fait l’objet d’un bon nombre d’expositions à grande échelle, dont une en duo, donnée en 2012 au Tate Modern de Londres, où il figurait aux côtés de William Klein, et une autre en solo, « Daidô Tokyo », à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris.
lundi 19 août 2024
« Le Supplice des roses » / Mishima immortalisé par le photographe Hosoe Eikoh
« Le Supplice des roses », Mishima immortalisé par le photographe Hosoe Eikoh
L’année 2020 marque le cinquantième anniversaire de la mort spectaculaire de Mishima Yukio (1925-1970) après un suicide rituel au sabre. À cette occasion, des projets autour de l’écrivain se sont montés un peu partout dans le monde, et comme chaque fois, la question d’un certain recueil de photographies revient sur le devant de la scène...
dimanche 18 août 2024
Araki Nobuyoshi / Le regard insatiable d’un photographe fasciné par la vie et la mort
Araki Nobuyoshi : le regard insatiable d’un photographe fasciné par la vie et la mort
Araki Nobuyoshi est un photographe célèbre non seulement au Japon mais aussi au niveau international, exposant ses œuvres dans les musées et galeries de l’Archipel et du monde entier. Il a de même publié plus de 500 ouvrages consacrés à son travail, ce qui donne la mesure du caractère extrêmement prolifique de son œuvre.
samedi 17 août 2024
L’écrivain finlandais Arto Paasilinna est mort
L’écrivain finlandais Arto Paasilinna est mort
Agence France-Presse
Publié le 16 oct. 2018
Auteur de 35 oeuvres traduites dans des dizaines de langues, cet ancien bûcheron reconverti au journalisme et à la littérature a vendu huit millions de livres en plus d’un demi-siècle de carrière.
Né le 20 avril 1942, il est décédé lundi « dans une maison de repos à Espoo », près de la capitale Helsinki, a précisé son éditeur finlandais WSOY dans un communiqué.
« Il continuait d’écrire, mais pour son plaisir uniquement », a raconté son fils Petteri, cité par la presse finlandaise.
Publié dans la francophonie chez Denoël, il était avec Mika Waltari et la romancière Sofi Oksanen (Purge), l’auteur de langue finnoise le plus connu à l’étranger.
Ses récits tragi-comiques de la vie dans le Grand Nord content d’improbables aventures vécues par un géomètre sénile et son compagnon de voyage (La cavale du géomètre), une vieille femme escroquée par son vaurien de neveu (La douce empoisonneuse) ou encore un journaliste désabusé qui adopte un jeune lièvre à la patte cassée (Le lièvre de Vatanen).
Chez nous, le sous-bois est un abri, ce n’est pas du tout un ennemi.
— L’écrivain finlandais Arto Paasilinna
Sous sa plume souvent décalée, suicide, vieillesse, désespoir ou morne quotidien participent d’un réjouissant tableau du genre humain.
« Les humains en général sont un peu fous, d’une manière touchante, et les Finlandais plus encore, peut-être, que les autres », confiait-il dans un entretien à l’AFP en 2005.
Les cavales, thème récurrent
Parmi les thèmes récurrents de son oeuvre, les cavales incessantes de ses personnages.
« Tout cela est ancré dans mon enfance pendant laquelle cette fuite a été quelque chose de très concret », expliquait Paasilinna.
Originaire de Laponie, sa famille a été chassée vers la Norvège lors de la Seconde Guerre mondiale, puis la Suède avant un retour en Finlande, dans une autre région.
« Je n’ai jamais oublié toutes les histoires que l’on racontait à la maison et qui sont très vivantes dans mon esprit. J’ai aussi continué à bouger tout le temps en faisant une vingtaine de métiers différents, notamment bûcheron et journaliste pendant longtemps. »
La forêt aussi est omniprésente dans l’oeuvre d’Arto Paasilinna.
« Chez nous, le sous-bois est un abri, ce n’est pas du tout un ennemi. En Europe occidentale, en revanche, les forêts n’existent quasiment plus et malgré le peu de distance entre cette Europe et la Finlande, la différence est énorme », estimait-il.
Révélé en France en 1989 avec Le lièvre de Vatanen, il avait reçu le Prix Lille 2004 des auteurs européens pour son roman Petits meurtres entre amis (2003).
En France, « Paasilinna [...] a été comparé au lauréat du prix Nobel [de littérature colombien] Gabriel García Márquez », a souligné son éditeur.
« Je crois que les Français me prennent pour un écrivain philosophique, et puis ils adorent les romans picaresques », s’amusait l’écrivain.
vendredi 16 août 2024
Sofi Oksanen / Baby Jane
BABY JANE
Qu'est-il arrivé à Piki, la fille la plus cool d'Helsinki, qui vit désormais recluse dans son appartement ? Submergée par de terribles crises d'angoisse, elle ne parvient plus à faire face au quotidien. Sans compter les problèmes financiers. Comment gagner sa vie lorsqu'on refuse d'interagir avec le monde ? La narratrice, son grand amour, tente de l'aider comme elle peut. Ensemble, elles vont monter une entreprise d'un goût douteux pour exploiter la faiblesse des hommes. Au mépris d'elle-même, elle va essayer de sauver Piki. Oksanen explore les ressorts de la jalousie. "Un roman sensible, sur la difficulté de l'amour." Valérie Trierweiler, Paris Match. "Un tableau poignant de l'homosexualité féminine." Florence Noiville, Le Monde des livres. "Oksanen, d'une écriture charnelle, violente, nous livre un roman au goût aussi amer qu'un Valium qu'on laisserait fondre sous la langue." Julie Malaure, Le Point.
jeudi 15 août 2024
Purge, de Sofi Oksanen
Sofi Oksanen |
Purge, de Sofi Oksanen
Sarah Gandillot
Le livre vient tout juste de recevoir le prix du roman Fnac. Et les lectrices de notre Club ont eu la chance de le lire en avant-première. Il s'agit de Purge, de Sofi Oksanen. Un roman puissant dont Nancy Huston a dit : « Un vrai chef-d’oeuvre. Une merveille. J’espère que tous les lecteurs du monde, les vrais, liront Purge. » Et nos lectrices, qu'en ont-elles pensé ?
Un roman extraordinaire ! Une écriture merveilleuse ! Purge est un chef-d’œuvre et je l’ai adoré de bout en bout.
Il est construit avec un fin suspens où la vérité se dévoile progressivement et m’a tenue en haleine jusqu’au bout. Pour cette raison je l’ai lu très rapidement. L’écriture de Sofi Oksanen, fine, juste, se goûte comme un nectar : les mots suggèrent plus qu’ils ne décrivent donnant au roman une grande puissance émotionnelle. Cette jeune écrivaine mérite vraiment tous les prix et les éloges qui lui sont accordés actuellement dans le monde entier !
Au travers de deux histoires de femmes, qui vont subir dans leur chair les outrages de l’Histoire et des hommes, Sofi Oksanen nous parle d’atrocités de guerre, de régime communiste et de prostitution, dans l’histoire du bloc soviétique. Ces femmes, dans le silence, conservent un passé que rien ne viendra soigner, mais que les générations suivantes portent en elle. Cela donne à réfléchir sur les choix que l’on fait quand on est confronté à l’extrême, à ce que la violence de l’autre ne peut nous enlever. Surtout, c’est un hommage à la force immense des femmes et à leur délicatesse.
Purge, un titre de roman par très engageant, qui fait plutôt froid dans le dos et ne nous donne pas forcément envie d’ouvrir le livre : c’est ma première impression. La deuxième, c’est un début dans lequel j’ai du mal à entrer, peut-être à cause de ce titre et de ce qu’il laisse présager, des premiers chapitres où je ne me sens pas à l’aise. Et soudain arrive le moment où le roman nous tient et ne nous lâche plus : je ne sais pas exactement à quel moment c’est arrivé, mais on y est entré : dans la vie des personnages, dans leur passé, leur intimité, leurs moments forts et douloureux. Le lien entre les personnages se dessine petit à petit sur fond d’amour, de trahisons, de terreurs et de souffrances. Deux femmes, deux époques, deux histoires tragiques, mais un combat tout aussi intense pour survivre aux épreuves, se libérer et espérer un jour atteindre ses rêves.
Le style de Sofi Oksanen est souvent très direct, très incisif mais extrêmement efficace pour faire comprendre aux lecteurs l’atmosphère des lieux, les tragédies, les angoisses, les détresses des personnages.
Au final, un très beau livre, qui amène le lecteur à se poser certaines questions notamment sur les temps d’occupation, la collaboration, les trahisons, les violences faites et subies… un roman qui ne laisse pas indifférent.
J’ai trouvé le roman de Sofi Oksanen à la fois déroutant, inquiétant et instructif. Déroutant car d’emblée la rencontre entre les deux protagonistes, une jeune russe Zara, apeurée et en fuite, traumatisée par les coups reçus de son souteneur, et une vieille estonienne bourrue et méfiante, Aliide Tru, laisse planer un mystère : quel lien existe entre ces deux femmes que l’âge et la nationalité semblent séparer ?
Un roman inquiétant car chaque personnage est sur le qui-vive. Le lecteur ressent la pression exercée sur le peuple estonien lors de l’occupation soviétique dans les années 1940 et dont il ne s’est pas encore débarrassé dans les années 80, la nécessité de se surveiller sans cesse pour ne pas alerter le voisinage prompt à dénoncer quiconque. L’ambiance est pesante et les descriptions réalistes : l’auteur évoque avec précision les scènes de torture vécues par Aliide ou encore la misère actuelle, la détresse des jeunes filles russes semblables à Zara, et la violence de leur proxénète. Un roman instructif : j’ai apprécié le côté mystérieux de chacun des personnages, le rôle joué par l’Histoire dans leur vie et le questionnement qui en résulte : peut-on se racheter après avoir trahi ?
mardi 13 août 2024
Anna Enquist / Démolition / De la musique avant toute chose
De la musique
avant toute chose
par Marie Étienne27 février 2024
4 mn
On entre dans le roman avec un chapitre aussi bref qu’étonnant par sa violence et son étrangeté. On a l’impression d’assister, en même temps que la narratrice, à une scène sur un petit écran, ou depuis la fenêtre d’un appartement. La scène a commencé déjà, on prend en quelque sorte le film en cours de route, mais on sent, tout de suite, qu’une chose se prépare et qu’elle sera terrible : « La boule d’acier pend au bout d’une grosse chaîne attachée à un vieux pneu, qu’une même chaîne relie à la grue immobile. »
Anna Enquist | Démolition. Trad. du néerlandais par Emmanuelle Tardif. Actes Sud, 320 p., 22,80 €
Le film d’un souvenir qu’on se repasse en boucle ? Ou bien encore celui d’un rêve ? La grue et la boule d’acier sont immobiles, et quand elles bougent, quand « le grutier, dans sa cabine, actionne une manette », ce n’est qu’après un temps qui nous paraît long à nous, lecteurs, mais aussi aux passants, attroupés, nez en l’air, et qui contraste avec l’agitation des voitures de police arrivées sur les lieux.
La scène paraît muette, comme si le son était coupé ; le regard de la narratrice, du lecteur, se déplace vers un mur, dont jusqu’alors il n’était pas question, la silhouette d’une fillette, de dos, en train de sauter à la corde.
Inexplicablement, comme s’il ne voyait rien, le grutier lance la boule, fracasse le mur… et la fillette.
Voir la fillette de face, retrouver son visage, autrement dit, redonner vie, faire renaître, enfanter, tel est le vœu d’Alice, compositrice néerlandaise, l’héroïne du roman.
Les premières pages, que nous venons de raconter, ont la puissance d’une ouverture dans une œuvre musicale, elles fournissent le thème, la charge émotionnelle. Par la suite, le roman est savamment construit, alternant les moments du passé traumatique et du présent inquiet d’Alice, dont les états d’esprit sont disséqués, analysés par une professionnelle de la psyché.
L’ouvrage se lit comme un polar dont on tourne les pages avec fébrilité, ou le récit d’une analyse : les ingrédients sont identiques, puisqu’il y a victime, remords, enquête, coupable.
Avec Alice, il tourne autour du même dilemme : l’exercice artistique peut-il cohabiter avec celui de la maternité ? L’autrice en fait débattre chacun des personnages, un peu comme dans un livre à thèses. Svea, l’amie d’enfance, a choisi d’être mère, s’en réjouit mais incite son amie à se garder pour la musique ; la belle-sœur, qui revient à son art après que ses enfants sont devenus adultes, exprime des regrets : son ambition ne s’est réalisée que partiellement ; la musicienne rencontrée lors d’un concert se désole, quant à elle, de n’avoir pas d’enfant…
Et qu’en est-il d’Anna Enquist ?
On s’interroge : a-t-elle connu la douleur d’une perte, a-t-elle eu des enfants, connaît-elle la musique et la psychanalyse ? On apprend qu’en effet elle sait des choses sur la musique, la psyché, les douleurs de la vie, ce qui la rapproche d’Alice : elle a deux enfants d’un mari violoncelliste, mais sa fille Margit, à 27 ans, a été renversée par un camion alors qu’elle roulait à bicyclette sur une place d’Amsterdam. Pour ce qui est de sa vie professionnelle, elle suit d’abord des études de psychologie clinique, puis des études musicales, piano, violoncelle ; à 31 ans, elle mène une carrière de pianiste tout en enseignant la psychologie et, à 35 ans, elle entame une formation de psychanalyste.
On le constate, ses intérêts et ses talents sont très variés. D’autant plus qu’elle écrit et que, vers 40 ans, elle fait paraître, non des romans, mais de la poésie. Ce n’est que vers la cinquantaine qu’elle publie un premier roman, à une époque où elle a arrêté sa carrière musicale. À la mort de sa fille, elle met fin à la pratique de la psychologie. Et se consacre entièrement à la littérature.
Elle paraît donc avoir d’abord vécu la maternité et ne s’être engagée totalement dans un art, la littérature, qu’une fois ses enfants élevés.
Dans le roman qui nous occupe, l’autre sujet prédominant est l’amour ou le sexe. Au grand dam de sa mère, qui est très dure avec sa fille, très dévalorisante, la vie sexuelle d’Alice débute tôt. Elle prend d’instinct des partenaires qui la conduisent vers la musique et son premier amour est Duck, son professeur, de trente ans plus âgé. Elle note à ce sujet, quelques années plus tard, que l’un et l’autre ont profité, tiré des avantages d’une situation où de nos jours la femme aurait été considérée comme une victime, l’homme comme un prédateur. Alice, et apparemment aussi l’autrice, Anna Enquist, estiment que tout n’est pas analysable, à mettre en carte, à codifier, que notre vie profonde, enfoncée loin dans la psyché, nous est inaccessible : ainsi, Alice paraît ne pas savoir ce qu’elle désire : elle n’aime que la musique mais elle rêve d’un enfant qui l’en détournerait ; elle choisit un mari qui n’a rien d’un artiste, le trompe alors qu’il est charmant et prétend être heureuse avec lui.
Son héroïne, Alice, a néanmoins les qualités d’un être rompu à l’analyse : elle est dure avec elle-même, avec les autres aussi, elle ne se passe ni ne leur passe rien. Ce qui n’empêche pas qu’elle se trompe sur elle-même et qu’elle interprète mal l’attitude des autres. Elle croit vouloir être une mère mais son corps, chaque fois, rejette l’enfant à naître. Elle s’imagine sans envergure alors que le public fait un triomphe à ses compositions. Elle est en butte aux désamours, de ses amants ou de sa mère, et s’en accuse à tort : amants, parents sont à eux-mêmes leur propre mal.
Alors, lui faut-il la musique pour compenser le manque ? Et préserver le manque pour composer de la musique, pour continuer à vivre, quand bien même il serait impossible à combler ?
Ce dernier thème, moins apparent, du livre Démolition, en est aussi la pierre dure, presque secrète, ou le cavalier noir qu’affronte chaque artiste, s’il est lucide, sincère avec lui-même : la certitude que l’art est un travail, un acte, certes, mais déployé, chéri en vain, inabouti, un élan qui retombe, la pure attente d’un Godot silencieux. Anna Enquist, analyste, romancière, également poète, fait une part égale à la raison et à l’instinct, est dans le doute, pose des questions et, à la dernière page, ne conclut pas, laisse le lecteur dans le suspens.
EN ATTENDANT NADEAU