lundi 28 juin 2021

Virginie Efira / "Les mauvaises critiques, on en guérit"



Virginie Efira
Virginie EfiraJulien Weber / Paris Match

Virginie Efira : "Les mauvaises critiques, on en guérit"

Paris Match ||Mis à jour le 


Depuis la comédie indépendante « Victoria », il y a deux ans, la Belge, qui a obtenu la nationalité française, n’en finit pas de s’imposer comme l’une des plus grandes comédiennes du cinéma hexagonal. L’ex-jolie bimbo est bluffante dans « Un amour impossible » de Catherine Corsini, adapté du livre autobiographique de Christine Angot.

Paris Match. Vous avez longtemps évoqué votre complexe social de la petite Belge montée à Paris ou de l’animatrice télé qui rêve de cinéma.
Virginie Efira.Oui, ces sentiments reposent sur une confiance en soi altérée. Il y a des filles plus radicales qui disent : “Tu me parles comme ça, tu ne me revois plus !” Quelqu’un m’avait dit que je tendais très facilement l’oreille quand on me disait que j’étais médiocre. J’ai souffert de ce truc qui fait que, si quelqu’un te trouve valable, tu penses : “Il n’a rien compris, lui !” J’ai même ressenti ce genre de choses à mes débuts face aux critiques de cinéma. Quelqu’un disait un truc négatif et je pensais : “Merde, ça se voit.” Et puis je vous rassure : ça se guérit, ces choses-là. On change.

Quel a été le déclic du changement ?
La perception nette et presque physique que l’existence est un bref mouvement et qu’il faut bien le tenter, ce mouvement. C’est la phrase de Paul Valéry : “Le vent se lève, il faut tenter de vivre.” Avoir un enfant accélère les choses, ça oblige à se situer dans le présent. Ça demande de préciser ce qu’on est. Donc ça ne m’a pas du tout calmée par rapport au travail, bien au contraire ! Là, je viens de faire le film de Verhoeven et on m’a dit : “Mais c’est si osé, tu n’as pas peur que ta fille blablabla ?” Oh que non ! J’aurais trouvé triste de faire un métier juste pour bien gagner ma vie.

Quand on m’a dit que Paul Verhoeven écrivait pour moi, je ne l’ai pas cru. Ça va être un chef-d’œuvre absolu !

Coproduire le film de Joachim Lafosse “Continuer”, qui sortira en 2019, est une façon pour vous d’assurer vos arrières et de préparer l’avenir au cas où tout s’arrêterait ?
Lorsque, après “Victoria”, je disais à tout le monde : “J’attends qu’on me propose un projet qui me fasse autant vibrer”, je sentais bien que cette phrase était improbable ! J’ai eu besoin de prendre les choses en main en montant une structure de production avec une amie journaliste. On s’est dit qu’elle me ferait lire des livres où il y aurait une possibilité de rôle pour moi et, peut-être plus tard, pour d’autres... Une façon d’être un moteur sans forcément passer à la réalisation. Ce qu’Isabelle Huppert fait, ainsi que plein de gens, même si on n’en parle pas toujours.

Vous incarnerez une religieuse lesbienne dans “Benedetta”, le prochain Paul Verhoeven, qui vous a confié le rôle-titre... Vous êtes enfin là où vous rêviez d’être ?
Oui, j’ai atteint un truc avec lui parce que j’admire complètement son travail, ses films néerlandais, ses américains, et le fait qu’il ait réussi à ne pas se faire aplatir par le cinéma américain... Quand on m’a dit qu’il écrivait pour moi, je ne l’ai pas cru. Ça va être un chef-d’œuvre absolu ! Je me suis quand même demandé comment il avait pensé à moi pour jouer cette nonne complètement dingue ! J’en ai d’ailleurs parlé avec une actrice du film en lui disant : “Toi, je comprends, tu ressembles vraiment au personnage” et elle m’a répondu “Mais toi aussi ! Tu as l’air folle !”

Penser qu’un couple qui ne vit pas ensemble serait le mode d’emploi génial qui permettrait d’éviter les problèmes est complètement faux

Vous venez également de tourner de nouveau cet été avec Justine Triet, la réalisatrice de “Victoria”, un film dans lequel vous partagez encore l’affiche avec Niels Schneider. Quel partenaire est-il ?
Un excellent partenaire, vraiment ! Au départ, j’avais un peu peur de la différence d’âge que j’ai pourtant souvent connue au cinéma. Mais dans les histoires contemporaines, ça n’a pas d’importance. En revanche, dans un film situé à la fin des années 1950, ce n’est pas fréquent. Mais cela a tout de suite fonctionné. Niels a une très grande bonté, il n’y a pas une once de perversité en lui, donc c’était intéressant aussi que cette figure du mal, ce prédateur à qui on peut difficilement pardonner, soit incarné par un garçon comme ça. Dans le film de Justine, il joue à nouveau mon amoureux. Une relation très passionnelle où il va encore y avoir un enfant, que je décide de garder toute seule.

Vous avez souvent défendu un modèle de couple indépendant et libre avec le père de votre fille. Vous-même avez été élevée dans ce schéma avec une mère qui n’a pas eu peur de refaire sa vie... Ça peut marcher, un couple non cohabitant ? ou bien c’est l’antichambre de la séparation ?
[Elle explose de rire.] Oh, je n’en sais rien ! Est-ce qu’on peut avoir un petit mode d’emploi de comment vivre un rapport qui ferait en sorte que le quotidien ne plombe pas l’affaire ? Que le désir soit toujours là ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi l’idée d’accepter que tout va à la rupture, de toute façon ? [Elle rit.] En tout cas, penser qu’un couple qui ne vit pas ensemble serait le mode d’emploi génial qui permettrait d’éviter les problèmes est complètement faux. Ça n’existe pas. Ce qui est intéressant dans l’idée de la non-cohabitation, c’est la possibilité d’inventer ses propres règles avec l’autre. Je l’ai vécu, en effet, mais je me rends compte que je ne sais pas. C’est illusoire de penser que, de cette façon, on ne va partager que les bons moments...

On se défait des regards sur soi en vieillissant, ça précise les choses

Qu’est-ce que la maternité a changé en vous ?
Avant, on me demandait souvent : “Vous tournez beaucoup mais du coup, votre fille ?” Comme s’il y avait forcément un choix à faire. D’abord, j’ai une position extrêmement privilégiée car ma fille n’est pas encore en CP, elle peut me suivre sur les tournages. Quand je tournais dans le sud de la France, elle était scolarisée là-bas... C’est très chouette parce que ça lui apporte une faculté d’adaptation hyper joyeuse. Ça stimule la curiosité. Et puis elle va bien, donc la question ne se pose pas tellement. Je n’ai jamais eu envie d’être la mère qui dira : “Je me suis sacrifiée pour toi !”

Vous avez fait l’expérience de la vieillesse en incarnant votre personnage sur cinquante ans. Ça fait quoi de contempler son futur ?
C’était intéressant... On se défait des regards sur soi en vieillissant, ça précise les choses. Je lisais récemment un article sur Marceline Loridan-Ivens qui n’est jamais devenue mère mais disait que, avec l’âge, le fait d’être libérée de ce regard masculin qui lui avait fait vivre des histoires complètement abracadabrantes, c’était vraiment très joyeux. Je me suis dit : “Ah tiens !” De toute façon, j’ai commencé à dire que j’avais 40 ans dans la vie à partir de 38 ans. Je me disais “comme ça, c’est fait !”. Du coup, quand j’ai vraiment eu 40 ans, ça s’est bien passé. [Elle rit.]

PARIS MATCH

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