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Joël Dicker à Paris Novembre 2018 Joel Saget |
Joël Dicker: un nouveau roman qui arrive à point nommé
En vente dès aujourd’hui, «L’Enigme de la chambre 622» accompagne le déconfinement des lecteurs et des libraires
Lisbeth Koutchoumoff Arman
Publié mardi 19 mai 2020 à 14:02
Modifié mardi 19 mai 2020 à 14:03
Cinquième roman de Joël Dicker, L’Enigme de la chambre 622 devait initialement paraître le 17 mars. Pandémie oblige, et comme des centaines d’autres titres, il a dû patienter, et les fans de l’auteur genevois aussi. Le voici dès aujourd’hui dans les rayons des librairies, à point nommé pour participer à l’élan du déconfinement. Le retour à la normale n’ayant pas encore complètement sonné, il n’y aura pas de dédicaces publiques, moments clés pour la relation que Joël Dicker a nouée avec son public. Pour ce printemps 2020, il a fallu imaginer des dédicaces «à distance». Les lecteurs envoient par e-mail les mots qu’ils souhaitent. «Nous avons posé une limite au nombre de dédicaces, autrement Joël Dicker aurait pu rester plusieurs jours enfermé dans un bureau à signer ses livres», sourit Bénédicte Kuchcinski, gérante de Payot Pépinet.
Proche des lecteurs
La responsable constate que la parution d’un «nouveau Dicker» suscite une émotion particulière chez les clients: «Du jeune écrivain inconnu à la star internationale, ils l’ont vu grandir. Et surtout, Joël Dicker est resté disponible et proche des lecteurs.» Un lectorat qui frappe par sa diversité: «On ne peut pas dresser de portrait type du lecteur de Joël Dicker; il touche à la fois les dévoreurs de livres et ceux qui lisent peu, de tous les âges», constate Bénédicte Kuchcinski.
Depuis 2012, année de son premier succès, Joël Dicker a ouvert la voie du thriller à d’autres écrivains romands comme Marc Voltenauer ou Nicolas Feuz, qui sort également un nouveau titre ces jours-ci. Et c’est une Romande, Christine Pompéï, autrice jeunesse, qui a été numéro un des ventes la semaine dernière, et qui cultive aussi une forte relation de proximité avec ses lecteurs.
Genève et Verbier
L’Enigme de la chambre 622 suscite une attente particulière puisque le roman se déroule en Suisse. Pour la première fois, Joël Dicker quitte le décor des Etats-Unis et situe son intrigue entre Genève et Verbier. Autre élément porteur: l’écrivain se met lui-même en scène. Comme dans La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, on retrouve le procédé d’un narrateur écrivain en train d’écrire le livre que le lecteur tient dans ses mains. Mais cette fois-ci, le narrateur Joël Dicker a pris de la bouteille, il est véritablement devenu un écrivain à succès. Et il pleure son mentor, l’éditeur Bernard de Fallois, décédé en janvier 2018, à qui il doit, écrit-il, son succès et sa notoriété: «Lorsque je l’avais rencontré, j’étais un auteur même pas publié: il avait fait de moi un écrivain lu dans le monde entier.»
Jeune poulain
Le roman tresse deux mystères: l’un, fictif évidemment, qui a lieu dès la première page, un meurtre découvert dans la chambre du palace de Verbier (fictif aussi); et l’autre, la façon dont l’éditeur Bernard de Fallois, grand spécialiste de Marcel Proust, éminence de la scène éditoriale française, s’y est pris pour lancer son jeune poulain avec la réussite que l’on sait. Pour la partie fictive, on retrouve le rythme de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert avec des éléments du soap familial du Livre des Baltimore, surtout pour la relation père-fils, au cœur du drame, ici aussi.
Banque privée
C’est le milieu, fertile en intrigues, de la banque privée genevoise qui sert de cadre à la saga. On ne peut s’empêcher de chercher des ressemblances avec des personnages réels mais le roman n’est pas à clé. L’Enigme de la chambre 622 n’est pas un roman noir non plus, pas de questionnement ou de critique de la société. Joël Dicker affirme sa ligne: divertir et donc tenir à distance le poids du monde et les sujets qui fâchent. Les coups de théâtre, chausse-trapes et révélations s’inspirent de la pantomime et du feuilleton populaire, c’est aussi le côté vintage, assumé, de l’auteur. Les fans recherchent justement le côté évasion, loin, très loin de toutes les pandémies possibles. Les autres restent sur leur faim, tant pis pour eux.
Avec l’hommage rendu à l’éditeur Bernard de Fallois, Joël Dicker livre beaucoup de lui-même et de ses débuts. Une cartographie de la Genève de son enfance se dessine, avec le parc Bertrand en pôle important. Le dosage entre part personnelle et intrigue à multiples couches est équilibré. L’Enigme de la chambre 622 est indéniablement un bon cru.
LE TEMPS