Mavis Gallant |
Mavis Gallant
La voyageuse immobile
Nouvelliste exceptionnelle, Mavis Gallant est l’un des plus grands écrivains canadiens. Si tous s’entendent maintenant pour reconnaître la finesse de sa plume, cela ne l’aura pas empêché d’être ignorée pendant près de trente ans, tant par le lectorat que par la critique du Québec et du Canada. Ironie du sort, dirait-on, pour celle qui, justement, a fait de ce trait d’esprit le signe distinctif de sa prose. Stéphan Bureau tente donc de réparer l’outrage...
Mavis Gallant voit le jour à Montréal, en 1922. Née de parents anglophones, elle est pourtant inscrite à l’école francophone, où elle est faite pensionnaire. Puis son père meurt, et sa mère refait sa vie, en quelque sorte à ses dépens. En effet, l’enfance de Mavis est marquée par l’abandon : la petite sera ballottée entre dix-sept établissements scolaires avant d’être confiée, à l’adolescence, aux soins d’un tuteur résidant à New York.
Mavis Gallant n’a que dix-huit ans lorsqu’elle le train la redépose à Montréal. Elle se fait embaucher par le Montreal Standard, où elle travaille comme journaliste pendant cinq ans et se forme en quelque sorte à l’écriture. À la même époque, elle se marie avec John Gallant, un pianiste manitobain dont elle divorcera presque aussitôt, mais dont elle conservera le nom.
Puis, un bon matin, tout bascule ! Craignant de passer à côté de son destin en se « traînant jusqu’à la retraite », Mavis Gallant démissionne de son poste et tente sa chance comme écrivain. Elle envoie l’une de ses nouvelles au célèbre magazine The New Yorker qui, presque aussitôt, accepte de publier ses écrits. La carrière littéraire de la première Canadienne à être éditée dans la prestigieuse publication est lancée ! Libre et déterminée, la jeune femme met les voiles sur Paris.
C’est dans l’Europe d’après-guerre - on est en 1950 - que Mavis Gallant débarque. Elle séjourne en Autriche, en Espagne, en Italie et dans le sud de la France, consignant méticuleusement les détails d’une vie quotidienne ravagée par la guerre qui serviront à nourrir ses écrits. Malgré la précarité de sa situation, elle s’établit ensuite à Paris, où elle réside encore.
Bien qu’elle soit polyglotte et qu’elle parle couramment le français, l’écrivain n’a jamais écrit qu’en anglais, puisque l’anglais est pour elle « la langue de l’imagination ». Passée maître dans l’art de la nouvelle - qui possède ses lettres de noblesse dans la culture anglo-saxonne mais dont la culture francophone tarde à reconnaître les mérites -, Mavis Gallant dit du genre qu’il est plus exigeant qu’il n’y paraît : « un mot de trop ou manquant, et l’édifice s’écroule ». Rien à craindre pour celle dont la prose fait preuve à la fois d’une finesse et d’un sens du détail sans pareil, d’un fort pouvoir d’évocation et d’une ironie mordante.
Mavis Gallant a souvent répété qu’elle détestait les étiquettes, tout particulièrement celle d’écrivain en exil, qu’elle réfute avec véhémence puisque la notion d’exil implique l’impossibilité d’un retour. Quant à elle, elle est revenue plusieurs fois au Canada, entre autres pour en recevoir le Prix du Gouverneur général en 1982, ainsi que le Grand Prix du festival Métropolis bleu, en 2002.
À la lecture de son œuvre exceptionnelle, subtile et ironique, force est d’admettre qu’il est tentant de transgresser l’interdit et de se risquer à lui apposer une étiquette que l’œuvre comme son auteur méritent amplement : celle d’un secret trop bien gardé !
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