mardi 20 septembre 2022

Arthur Rimbaud / Rumeurs et visions

Arthur Rimbaud
 




Arthur Rimbaud

Rumeurs et visions

Samedi 17 septembre 2022

Résumé

Un montage de textes qui fait la part belle aux "Illuminations", dont le manuscrit est conservé à la BnF, mais aussi à d’autres poèmes de Rimbaud, interprétés par plusieurs comédiens. Un cheminement dans cette œuvre poétique fulgurante et radicale. En direct de la Maison de la Radio et de la Musique

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Afin de célébrer la réouverture du site Richelieu, berceau historique de la BnF, les 17 et 18 septembre, France Culture s’associe avec la BnF et diffuse en direct le samedi 17 septembre à 21h Arthur Rimbaud - Rumeurs et visions. Ce montage de textes composé par Laure Egoroff fait la part belle aux Illuminations, dont le manuscrit est conservé à la bibliothèque, mais aussi à d’autres poèmes de Rimbaud, interprétés par plusieurs comédiens.

"Aussi précoce que fulgurante, l’œuvre poétique d’Arthur Rimbaud - des premiers vers en alexandrins d’inspiration parnassienne à la prose visionnaire des Illuminations, en passant par la période de la Voyance et la crise d’Une saison en enfer, seul recueil publié de son vivant - tient entre ces cinq années: 1870-1875. Le poète a entre quinze et vingt ans.
L’influence des maîtres - Hugo, Banville, Leconte de Lisle - et la régularité du vers laissent la place à l’exploration de terres poétiques inconnues. L’expérimentation formelle d’une écriture qui doit fixer la sensation s’accompagne de l’épreuve physique et psychique d’un « long, patient et raisonné dérèglement de tous les sens ». Le jeune Rimbaud “s’encrapule” à Paris, à Bruxelles, à Londres en compagnie de Verlaine, plonge dans l’inconnu pour en rapporter « de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues".

Pendant trois années surtout, de 1870 à 1873, Rimbaud ne vit que pour la poésie, dans l’espoir qu’elle puisse "changer la vie". Puis, peu après sa vingtième année, il dit adieu à la création littéraire. Après plusieurs voyages en Europe, il gagne Aden en Egypte où il s’engage dans une maison de commerce de peaux et café, puis se rend en Ethiopie, à Harrar notamment, pour y faire du trafic d’armes.

Rapatrié à Marseille à la suite d’une tumeur cancéreuse à la jambe, il y meurt le 10 novembre 1891 à l’âge de 37 ans.

"A en croire Les poètes de sept ans, la révolte sourdait déjà chez l’écolier penché sur sa table de travail. Certaines compositions en vers latins du brillant jeune élève de Charleville évoquent des échappées dans la campagne ardennaise loin des bancs et des maîtres d’école. Les projets de fugue sont mis en actes par trois fois en 1870-71, au grand désespoir de sa mère, Vitalie Cuif. L’adolescent se rebelle contre sa "sale éducation" religieuse, la société bourgeoise, conventionnelle, l’ordre, le travail, tous les conformismes de pensée propres à l’occident. Avec Michelet et les révolutionnaires de 1848 et 1870, il a nourri le rêve d’une humanité libérée de toutes les servitudes, il a adhéré aux espoirs portés par la Commune.

Nous suivrons les traces dans l’œuvre d’une insatisfaction de l’existence, de la projection dans un ailleurs rêvé - image du bateau ivre ou du canot tirant sur sa chaîne. A l’eau stagnante de la flache, Rimbaud superpose les flots tumultueux d’un océan qui doit l’emmener vers la vie nouvelle, loin des « marais occidentaux », loin de la maison rustique, des livres de messe, des ancêtres et de l’incompréhension de la "mère Rimb". Mais cet entêtement dans la fuite n’est pas pour autant rupture complète des amarres : les liens familiaux perdurent et l’enfance rayonne comme un territoire perdu à regret. Ce montage de textes est donc une tentative pour tresser ensemble certains de ces fils, avec pour continuum l’eau sur laquelle s’irisent rêves et ambitions. Nous cheminerons ainsi jusqu’à l’ailleurs poétique radical que constituent les  Illuminations , proses oniriques et mystérieuses dont les recherches actuelles s’accordent à dire qu’elles furent, au moins pour partie, les dernières productions littéraires de Rimbaud. "Je ne peux plus parler", "je voudrais me taire" écrit Rimbaud dans Une Saison en enfer . On peut penser que les tableaux des Illuminations sont à lire comme des contrepoints à la pensée articulée, le poète lui substituant l’image pure, le réel fragmenté, surgissant par visions successives, un jeu de correspondances lancé d’âme à âme, avant de se taire pour de bon." Laure Egoroff

En direct de la maison de la radio et de la musique

Choix de poèmes d’ Arthur Rimbaud et réalisation : Laure Egoroff
Avec : Audrey Stupovski, Mathieu Perotto et Adrien Michaux
Prise de son, montage, mixage: Pierrick Charles, Bastien Varigault
Assistante à la réalisation : Justine Dibling
Conseillère littéraire Caroline Ouazana

"C’est en 1957, lors de la vente de la collection du grand bibliophile Lucien Graux, que la Bibliothèque nationale préempta ce qu’il est convenu d’appeler « le manuscrit des Illuminations de Rimbaud », même si quasiment chaque terme de cette dénomination pourrait être contesté, à commencer par le singulier : il ne contient en effet que 29 poèmes sur la quarantaine du recueil tel que nous le connaissons aujourd’hui. Un second volume, contenant quatre autres textes, fut acquis dans cette même vente. Quelques autres feuillets se trouvent dans des collections publiques ou privées, certains enfin sont perdus. Le recueil du département des Manuscrits, constitué par Lucien Graux et relié sous maroquin rouge, rassemble les premiers poèmes publiés en 1886 dans la revue La Vogue, un extrait imprimé de cette revue, et une lettre de Verlaine au publiciste Léo d’Orfer.

Bien que Rimbaud fût encore vivant à cette date, il est totalement étranger à cette publication, et, dans son exil abyssin, n’en eut même pas connaissance. En 1875, il avait laissé cette liasse de feuillets aux soins de son ami le poète Germain Nouveau et de Verlaine, avec pour mission vague de les publier — c’est du moins ce que l’on croit savoir par quelques allusions dans les lettres et les souvenirs de Verlaine. Il est manifeste en tout cas qu’il s’agit bien de copies mises au propre ; la plupart sont de la main de Rimbaud, quelques-unes de celle de Nouveau, ce qui a conduit certains à contester la paternité des poèmes. Aucun brouillon antérieur n’est conservé ; il s’agit donc des seuls témoins manuscrits des Illuminations. Leur parfaite netteté peut donner l’illusion d’une genèse spontanée de ces textes, comme s’ils étaient nés d’une révélation, et non d’un travail poétique.

Le cheminement de ces manuscrits, passés de main en main, reste très mystérieux, et relève presque du roman policier. Même s’il n’intéresse que les chasseurs de trésors, il conditionne la conception même des Illuminations telles que nous croyons les connaître : au fil de ces tribulations, des feuillets ont très bien pu disparaître ; la complétude du recueil est donc hypothétique. Tout aussi hypothétiques sont la date de composition (les manuscrits ne portent aucune indication), le titre d’Illuminations (donné par Verlaine, qui disait le tenir de Rimbaud, mais sans qu’on ait aucune trace de cette intention) et la composition même du recueil : l’ordonnancement actuel du manuscrit est dû à l’écrivain et critique d’art Félix Fénéon, qui se chargea de la première publication. C’est lui qui numérota les feuillets, selon un ordre semble-t-il aléatoire, pour les transmettre à l’imprimeur (on retrouve les indications typographiques et les noms des ouvriers au crayon sur le manuscrit). Quelle forme, quel titre, quel sens Rimbaud aurait-il donnés à ces textes s’il les avait lui-même menés jusqu’à la publication ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Tel qu’il est, ce manuscrit sans rature ni information contextuelle ne fait que repousser l’énigme et ne nous apprend donc rien sur les Illuminations — rien, sinon la fascinante fragilité et la vertigineuse contingence d’un miracle poétique."

Thomas Cazentre
Conservateur, département des Manuscrits
Bibliothèque nationale de France


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