jeudi 3 septembre 2015

Salinger et le cinéma



J.D. Salinger et le cinéma


Aurélien Ferenczi
Publié le 29/01/2010. Mis à jour le 29/01/2010 à 15h29.


« Franny portait un manteau en rat d'Amérique à poils ras, et Lane, en se dirigeant vers elle à pas rapides, le visage toujours impassible, se dit avec une joie contenue qu'il était le seul sur le quai à connaître ce manteau. Il se souvint qu'un jour, dans une voiture qu'on leur avait prêtée, après avoir embrassé Franny pendant une bonne demi-heure, il avait embrassé le revers de son manteau comme s'il avait été un prolongement organique de Franny aussi parfaitement désirable que son corps» Si l'on tape J.D. Salinger sur Imdb, on n'obtient pas grand-chose : pas d'adaptation hollywoodienne – et c'est tant mieux – de L'Attrape-cœurs, pas d'engagement pour tel ou tel studio où le grand écrivain, au service d'un producteur inculte, aurait souffert le martyre (y a-t-il eu, dans les années qui suivirent la parution, des tentatives d'adaptation ? ce serait intéressant de le savoir). Mais J.D. Salinger, disparu hier à 91 ans, a (au moins) un épigone cinématographique, et c'est Wes Anderson. Je suppose qu'on pourrait ainsi illustrer l'extrait de Franny et Zooey ci-dessus avec cette vision (délicieuse) de Gwyneth Paltrow dans La Famille Tenenbaum, mais ce n'est pas tout.
Wes Anderson ne s'en est jamais tout à fait caché – bien qu'il ne soit pas le meilleur commentateur de son œuvre, mais unexcellent article de Matt Zoller Seitz, sur le site du Museum of the Moving Image (l'auteur a examiné par ailleurs d'autres influences stylistiques des films du grand Wes) fait le job à sa/notre place (on lui emprunte ci-dessous l'équivalent en vidéo, non sous-titré hélas). Il y a du Holden Caulfield chez la plupart des héros andersoniens, en particulier chez Max Fischer, le héros de Rushmore. Et les névroses familiales qui agitent ses personnages évoquent celles de la famille Glass – que l'on retrouve dans Franny et Zooey ainsi que dans les nouvelles du grand écrivain. La Famille Tenenbaum est sans doute son film le plus « salingérien » (Beatrice Boo-Boo Glass prend d'ailleurs le nom Tannenbaum dans un récit du romancier). Pour faire court, il y aurait chez Wes Anderson le même souci absolu du détail (ses adversaires trouvent ses films « sur-décorés ») et, surtout, le même désarroi existentiel – et quand je dis désarroi, prenez-le au sens fort. Au corpus des films inspirés par Salinger, il faudrait ajouter le joli Metropolitan, de Whit Stillman (1990), création tellement isolée d'un cinéaste perdu de vue depuis qu'on a envie d'en faire le prologue de toute l'œuvre de Wes Anderson... !



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