Les billes bleues
Olivier Steiner
1 décembre 2015
L
es yeux comme des billes bleues. Le regard qui arrive est jeune, brillant, incroyablement, follement jeune. Billes bleues, 65 ans les yeux, bleu clair profond, nulle trace de haine. Comme si la haine n’avait jamais existé.
Dans la maison, vers 19h après la cantine, nous avons encore une heure de liberté. Je traîne dehors avec les fumeurs, on fait des provisions de nicotine pour la nuit, je discute avec Françoise, Nadia, Marco le bogosse. Françoise, je crois, me parle de ses nuits blanches, du poids qu’elle n’arrive plus à perdre. Sans la voir je la vois arriver. Billes bleues. Une femme âgée, fatiguée, voûtée. Une nouvelle. T’aurais pas une clope ?
Dans la maison le marché des clopes est le principal lien social, juste après le malheur. Les clopes c’est simple, il y a ceux qui en ont et ceux qui n’en ont pas. Parmi ceux qui en ont il y a ceux qui en donnent et ceux qui n’en donnent pas. Parmi ceux qui n’en ont pas il y a ceux qui demandent et ceux qui n’en demandent jamais. La petite société est ainsi découpée en quatre groupes, les amitiés, les inimitiés traversent ces quatre groupes.
Elle passe lentement, je le vois sans la voir, dans ma tête ça y va de mes références, je ne sais pas pourquoi je pense à la mendiante de Lahore et de Savannakhet, celle qui n’arrête pas de marcher. Vous auriez une cigarette ? J’entends la voix. Je la perçois. C’est étrange, ça m’est familier, je connais cette voix. Je frissonne. Cette voix, du velours cramé. Cette voix, du carbone, du basalte.
Elle passe, encore. Cette fois-ci plus près, elle s’approche, va passer devant moi, devant la table de ping-pong. Je suis avec Nadia qui me parle de ses problèmes intestinaux. Une clope ? Oui, j’en ai. Mais… non… C’est toi ? Je me lève. C’est bien toi ?
Elle lève la tête, les yeux comme des billes bleues, les mêmes, intacts, ceux de La chambre, Je, Tu, Il, Elle, Les Rendez-vous d’Anna… C’est toi ? Oui, c’est moi. T’es qui, toi ? Olivier, tu te rappelles ? Olivier S., tu te souviens ? Oh oui, quel grand couillon ! Prends-moi dans tes bras, tu vas me sauver. Ce que je ne sais pas encore, c’est que c’est elle qui va aussi me sauver.
Ses yeux billes bleues, contre, tout contre, et les miens, marrons quelconques, quatre yeux qui se ferment, se plissent et refusent de se laisser aller à pleurer. Je fume des JPS noires, t’en veux une ?
A partir de ce soir-là dans la maison des angoisses, on ne se quitte plus. Du matin au soir, quand on ne dort pas, quand on a la force et l’envie de parler, on se parle. De rien, vraiment de rien, de tout, vraiment de tout.
On s’était fâchés, il y a longtemps, là maintenant entre ces quatre murs on en rigole. T’as quand même un caractère de cochon ! Oh toi aussi, tu sais. Oui, je sais. Allez, c’est oublié. Mais on s’était fâchés à cause de quoi, tu te souviens ? De Madonna. Ah, oui, c’est vrai, Madonna, oh merde… le féminisme, l’âge. T’avais écrit un truc super misogyne, Olivier. Non, c’est pas ça. Tu vois tu avais mal compris. J’avais juste dit que j’aimais moins MDNA que la Madonna de mon adolescence, celle de Justify my love, celle qui me troublait sexuellement. C’était pas de la misogynie, c’était de la nostalgie. Arrête, Olivier, arrête de jouer sur les mots, t’aimes pas les femmes de toute façon. Hein, tu les aimes, tu les connais ? T’es un pédé quand même… Je ne lui donne pas tort, je n’ai plus envie de lui donner tort. Dans la maison les perspectives sont différentes. On fume, on se marre, on dort.
On se réveille, lentement elle rouvre les yeux, elle est inquiète. Le train arrive quand, Olivier, tu le sais ? Quel train ? Celui pour la Pologne, Olivier… Je ne réponds pas, je crois que je tremble, j’ai du froid dans le dos, je baisse la tête, j’ai peur. Il n’y a pas de réponse.
Dis, Olivier, t’es pas un vrai juif c’est ça, t’es même pas coupé ? Je ris. Non. Et Steiner c’est Duras, c’est ça ? Oui, j’étais jeune et con, un peu fan, je voulais être Yann Andréa je crois. Ok, je te pardonne. Même si t’es pas un vrai, si c’est Duras je te pardonne. Tu me ferais un bisou sur la bouche, là, comme si on était des amoureux sur un banc, tu crois que tu pourrais ? Bien sûr que je peux. Je le fais. Nous le faisons. A partir de ce moment-là, chaque jour et plusieurs fois par jour on se fait des bisous sur la bouche. Pendant les bisous sur la bouche on se sent moins seul, c’est ça l’histoire, moins de froid dans le monde.
Un jour on se rend compte que quelque chose vient de changer à l’extérieur, c’est le printemps. Au milieu du petit parc un énorme cerisier branches qui éclatent en pixels blancs. C’est notre horizon, notre seule ligne de fuite, l’avenir je lui dis, regarde comme ça recommence, comme c’est naïf, comme ça reprend malgré tout, ça y croit comme au premier jour. On quitte les chaises en plastique, on va sous le cerisier, on s’allonge sur l’herbe, regards vers le ciel à travers les branches, on parle du Japon, on voudrait y aller, y être, elle connaît, je l’écoute, elle est celle qui sait qui a tout vu, je suis celui qui écoute et qui absorbe, les caresses, les coups. Les coups de griffes.
Il était comment, Chéreau ? Qu’est-ce que tu dirais là comme ça, d’un coup ? Je ne sais pas, elle m’intimide ta question. Il était gentil et très présent… tu vois ? Je crois qu’elle voit. Elle dit qu’elle l’aimait bien, quand même, même s’il s’était vendu au système. J’ai envie de la contredire, envie de lui dire que c’était plus complexe, qu’il luttait aussi contre le système dans le système, je ne le fais pas. Elle a raison de toute façon, ceux qui aiment ont toujours raison.
Un autre jour, elle fière. J’ai trouvé un truc, elle dit, leurs pilules de merde je les glisse sous la langue et dans leur dos je recrache tout ! Ils nous droguent, Olivier, c’est la prison, ici, c’est les camps, tu t’en rends compte ? Je tiens le discours de la petite morale, je dis que c’est pas bien de faire ça, oui la chimie ça abrutit mais ça aide aussi, ça fait du bien, faut pas recracher. Je me sens nul. Elle ne répond pas, elle se fout de mes conseils. En tout cas, Olivier, te laisses pas faire avec la sismo, je sais qu’ils en font ici, beaucoup, te laisse pas électrocuter, c’est la gégène, Olivier, blague pas avec ça, t’es encore trop jeune, ça grille la mémoire leur truc, ils font des expériences, ils ne savent même pas ce qu’ils font.
Plus tard, après une sieste, T’as lu Ma mère rit ? j’espère que t’as lu ! Oui, j’ai lu. Et alors ? Ben, c’est beau, très très beau. Oui, je sais, c’est ce que j’ai fait de plus important. Elle n’était pas vraiment malheureuse, ma mère, tu sais. Elle était au-delà. Elle n’était pas vraiment malheureuse mais elle n’a jamais rit. T’en connais des gens qui ne rient jamais mais vraiment jamais, t’en as déjà connu ? Je réfléchis, je réponds que non, je ne crois pas. Elle dit qu’il y en a très peu, des gens comme ça, c’est qu’ils ont vu le pire, ce qui devrait pas être vu, et ça a tué le rire comme dans l’œuf. Ces gens qui ont vu sont rares et durs comme des diamants. Elle, c’était sa mère, mon diamant. Alors j’ai écrit qu’elle riait, tu vois, je l’ai marqué, sur la couverture, comme un tatouage sur la peau du livre, comme ça une fois dans sa vie elle aura rit. Puis dans le livre c’est au présent, elle rit, ma mère, dans le livre, je dis qu’elle rit, je l’écris donc elle rit.
Le temps passe, on a des amitiés et des fâcheries, elle va un peu mieux et moi aussi, on se remplume. Elle a repris des kilos, elle s’est redressée, elle marche plus vite, moi j’ai un peu fondu, j’avais enflé à cause des thymo-régulateurs, ça va mieux, le cerisier perd ses pétales blancs, les fruits viendront bientôt. On regarde l’évolution végétale, on attend. Ça va mieux, elle veut retravailler, elle a retrouvé l’élan, l’envie, la force, Tu pourrais me trouver L’idiot de Dostoïevski, et Les frères Karamazov ? Je vais adapter ça, il y a un film à faire, après La captive, La folie Almayer, ça va être génial, je vais tourner à Eurodisney, je vais y mettre Mickael Jackson, lui ou son fantôme, on va se débrouiller, tu verras ça sera génial, je commence à voir le film. Je me débrouille pour obtenir les livres, j’achète une cartouche de clopes, des Pueblo, je lui offre tout ça, avec une chemise à fleurs trouvée chez H&M, allez, maintenant au travail. Les billes bleues rient, je crois, elles dansent, un bisou sur la bouche. Juste avant la fatigue.
Elle travaille, parfois je retrouve des feuilles dispersées dans le parc, je reconnais son écriture, je ramasse, je l’engueule un peu. Mais ce sont tes notes, c’est hyper précieux, ne laisse pas tout ça voler au vent, au moins numérote les pages ! T’inquiète pas, t’inquiète pas, j’ai tout dans la tête.
Après, un beau jour, on se retrouve à trois. Il y a cet autre garçon, 23 ans, très beau, Antonin, on a tous les deux flashé sur lui. On ne se quitte plus, on fait triangle, ça circule encore mieux dans un triangle. Antonin est beau comme le cerisier, on parle de la beauté d’Antonin, de sa présence, de ses yeux vairons, du tatouage sur ses doigts : Paul sur la main droite, Celan sur la gauche. Ça ne s’invente pas. Antonin a la grâce et il ne le sait pas. Nous, elle et moi, nous sommes un peu plus vieux, alors nous le savons, nous voyons la grâce, on est en admiration devant elle. Antonin est un fruit que nous mangeons, que nous nous partageons. Personne ne peut comprendre, ça restera entre nous trois.
Le train arrive quand, Olivier ? Il n’y a pas de train, je te le promets, c’est fini tout ça. C’est loin dans le passé. Elle ne répond pas, elle est ailleurs. Il y a un voile devant les billes bleues. Je reste devant le seuil, assis sur le banc à côté d’elle, je ne peux pas aller là où elle se trouve, ce n’est pas mon histoire, ma vie. Je crois que dans sa vie le train n’en finit pas d’avancer dans la nuit, vers la destination finale. Je ne peux pas partager ça. Je reste au bord et j’ai envie de pleurer. Elle dit : Ne me retiens pas avec tes larmes, laisse moi partir, ne me retiens pas avec tes larmes, tu ne pleures que sur toi, sois silence si tu peux. Je fais silence, elle revient à elle, sourit, se met à chantonner quelque chose en yiddish. Elle me parle de violon et de violoncelle.
Tu devrais parler au docteur, quand même, ça ne peut pas faire de mal, tu peux tout dire, tu peux l’engueuler si tu veux, il est payé pour ça, tu sais, pour faire tampon. Les billes bleues me regardent avec tristesse et mépris. Mais qu’est-ce que tu crois, Olivier ? Tu me prends pour qui ? J’ai vu les meilleurs, à Paris, à New-York whatever, qu’est-ce que tu crois ? Tu me fais rire avec tes conseils. Dis-moi juste un truc : Il peut ressusciter ma mère le docteur ? Il peut la faire rire ? Je ne réponds pas. Je te pose une question, Olive, alors, il peut ressusciter ma mère ? Sa question est un ordre. Ben, non… je dis. Alors il est incompétent !
Dans la maison la nouvelle circule, elle est célèbre ça commence à se savoir, elle a fait des films, elle doit connaître des stars. Les gens s’intéressent, ils viennent poser des questions. Y’en a une qui demande si elle connaît des acteurs américains. Elle répond qu’il n’y en avait qu’une, Delphine Seyrig qu’elle s’appelle. Dans la maison personne ne connaît Delphine Seyrig, c’est quand même pas Sharon Stone.
Un jour elle est en pleine forme, elle a 23 ans, c’est bon, elle a vraiment commencé à écrire, à adapter Dosto, Antonin jouera Aliosha, et il y aura Stanislas, bien sûr, peut-être Maria de Meideros. Olivier, tu me prêtes ton téléphone ? Je voudrais écrire à Stan, il me manque.
Un autre jour, on se moque, on a envie de critiquer, on critique. Tout Paris y passe. On est des ados méchants, on a l’âge bête, on se fait les dents. Elle me raconte qu’un jour un journaliste sérieux lui a parlé de son processus filmique, il voulait en savoir plus… Quel processus ? Ça veut dire quoi processus ? Cinema is cinema is cinema is cinema. Basta. Et y’a pas de processus, don’t act c’est un acte, comme on dit acte sexuel. Tu dis processus sexuel, toi ? Lol. Aujourd’hui les billes bleues sont géniales, impertinentes, géniales, c’est comme ça que je les préfère. Que je les aime. La conversation dérive, on passe du coq à l’âne, je ne sais plus comment elle en arrive à me demande si je connais le péché des péchés, le seul qui soit impardonnable. Non, je réponds non. Vivre sans être vivant, Olivier, ça c’est le péché ultime, et y’en a partout des morts-vivants, ils nous grignotent, c’est des vampires, il faut lutter.
Les jours passent et on aime Antonin, on regarde Antonin et je crois que parfois on le contemple. Olivier, tu veux coucher avec lui ? Mais, non, il pourrait être mon fils, je réponds, je t’assure que c’est pas de cet ordre, depuis le début c’est pas de cet ordre, je me sens comme son grand frère. Et puis je suis pas très attiré par les jeunes en général. T’as tort, Olivier. C’est ce qu’il y a de plus beau les jeunes, c’est con à dire mais on ne le sait pas assez. Pas assez. Vraiment. Retiens ce que je viens de te dire, sauvegarde la jeunesse, n’arrête jamais de regarder vers la jeunesse. C’est la seule direction. N’abandonne pas. Ne crève pas vivant comme les autres.
Un soir encore après la cantine, 18h30 ou 19h, la lumière est belle, un peu rose orangé, Antonin est assis sur une chaise, alangui, il fume. Elle a comme une épiphanie. Donne moi ton téléphone, Olivier, je vais faire un film, donne vite ! Je m’exécute, elle s’approche, ne dit rien, fait son cadre, son plan, direct sur Antonin qui se sait pas quoi dire sur le moment. Hors-champ je dis : Tu pourrais dire un poème ? Antonin hésite, il est troublé, il cherche ses mots puis les trouve. A poil ? Non, poème, j’ai pas dit à poil, j’ai dit poème. J’ai cru que tu avais dit à poil… De toute façon dire un poème c’est se mettre à poil…
Antonin (citant René Daumal) : Je suis mort parce que je n’ai pas le désir / Je n’ai pas le désir parce que je crois posséder / Je crois posséder parce que je n’essaye pas de donner / Essayant de donner, on voit qu’on a rien / Voyant qu’on a rien, on essaye de se donner / Essayant de se donner on voit qu’on est rien / Voyant qu’on est rien, on désire devenir / Désirant devenir, on vit.
Une petite suspension, plus personne ne bouge et on ne respire plus, on sait sans le savoir que ce qui vient de se passer est sacré, elle ajoute pour refermer le moment : Et quand on vit, on ne meurt pas. Cut.
Les jours passent, les semaines, les cerises arrivent. Elles font plier les branches, tombent, on les mange, on se les dispute avec les corbeaux. Je finis par quitter la maison, le docteur me trouve stabilisé, sortie définitive, bon de sortie, je fais mes bagages. Elle, elle reste avec Antonin. En tant qu’ancien patient de la maison je n’ai pas le droit de revenir comme simple visiteur, c’est la règle. Alors on se perd de vue. Je n’ai plus de nouvelles. Je reprends ma vie là où je l’avais laissée, je suis rattrapé par mes trucs, mes problèmes, mon égo, le tourbillon. Parfois je pense aux bisous sur la bouche, j’envoie un sms à Antonin pour avoir des news. Les bisous me manquent mais ça me paraît loin désormais, les bisous, les billes bleues, hors de la maison on oublie la maison.
L’été arrive avec les premières chaleurs, les cerises pourrissent.
Je reçois un mail en juillet, elle est sortie de la maison, enfin libérée, elle veut aller en vacances, quelque part au soleil près de la mer, n’importe où, elle demande si je veux partir avec elle. Je ne réponds pas. C’est pas que je n’ai pas envie de répondre ou d’aller au soleil mais tout me semble si compliqué, de nouveau si inextricable, il y a que je replonge, les trains pour la Pologne reviennent. Je ne les vois pas mais j’entends le bruit des rails, tout le temps. Je ne réponds pas au mail, je me dis chaque jour que je répondrai demain, le temps passe.
Le fait est que je plonge, je replonge, le mouvement est trop fort, il m’entraîne vers les fonds marins, quelque chose m’attrape par les pieds, une force, des lianes ou des algues, ça me tire vers le bas, sous l’eau, je coule. Je suis à nouveau transporté dans une maison, une autre cette fois-ci, ailleurs. Je perds le contact avec les billes bleues. De nouvelles couches de vie se superposent, de nouvelles rencontres, nouveaux drames et nouvelles tragédies.
Fin septembre ça va beaucoup mieux, j’ai été bien soigné dans la nouvelle maison, je la rappelle, je laisse des messages, elle ne répond pas. Je me dis juste qu’elle m’a oublié, que je ne compte plus. Je ne m’inquiète même pas.
Puis un jour un matin, je me réveille et j’apprends que cette fois-ci elle a vraiment pris le train pour la Pologne, avec sa mère, en sens inverse, dans le même wagon toutes deux, en pleine nuit, elles y sont retournées. La nouvelle tombe et c’est comme si un sabre m’ouvrait le ventre. Ça ne cicatrise pas.
Le temps passe et je n’arrête pas de me souvenir, je ne sais pas si c’est un souvenir vivace ou une sorte de hantise. Je parle d’Antonin à mon amie Mireille Perrier. Le monde est petit, c’est fou, il se trouve que Mireille est une amie de la mère d’Antonin. On parle d’Antonin, de ses poèmes, de son talent pour l’écriture et la beauté. Un jour on propose à Mireille de prendre la parole dans un cinéma, c’est une soirée hommage, Mireille décide de lire un poème d’Antonin Veyrac, un poème tout récent, sur elle, pour elle.
Moi je disais je pensais les billes bleues, Antonin, lui, parle des amandes, parle d’un jet de terre. Aimer est amer, penser aux amandes. Il est bête ce jeu de mots, il n’est pas si bête en même temps.
La fin ? Il n’y a pas de fin. La fin est une boucle, quelques phrases de Samuel Beckett, je m’y accroche : (…) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut dire les mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer.
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