So long Leonard Cohen (1934-2016)
Christine Marcandier
Comme David Bowie, Leonard Cohen aura livré un dernier album testamentaire, avant de mourir, à 82 ans : You want it darker. Sombre, toujours plus sombre, alors qu’il avait dû interrompre en 2013 une tournée mondiale entamée en 2008 pour raisons de santé, qu’il venait de perdre sa muse Marianne Ihlen, que tout faisait signe, jusqu’à ses déclarations en interviews vers une fin presque désirée (lire ici celle, crépusculaire, qu’il accorda au New Yorkercet été). Comme Bob Dylan, il aurait pu prétendre au prix Nobel de littérature, tant il contribua, lui aussi, à un fondamental brouillage des frontières entre la chanson et la poésie, lui qui publia par ailleurs plusieurs recueils de poésie et deux romans (Jeux de dames et Les perdants magnifiques). Là s’arrêtent les comparaisons, l’univers de Leonard Cohen est singulier, unique.
C’est en décembre 1967 que l’artiste sort son premier album, Songs of Leonard Cohen, avec trois titres que nous fredonnons tous encore, So long Marianne, Sisters of Mercyet Suzanne.
Suzanne takes you down to her place near the river
You can hear the boats go by, you can spend the night forever
And you know that she’s half-crazy but that’s why you want to be there
And she feeds you tea and oranges that come all the way from China
And just when you mean to tell her that you have no love to give her
Then he gets you on her wavelength
And she lets the river answer that you’ve always been her lover
You can hear the boats go by, you can spend the night forever
And you know that she’s half-crazy but that’s why you want to be there
And she feeds you tea and oranges that come all the way from China
And just when you mean to tell her that you have no love to give her
Then he gets you on her wavelength
And she lets the river answer that you’ve always been her lover
And you want to travel with her, and you want to travel blind
And you know that she will trust you
For you’ve touched her perfect body with your mind
And you know that she will trust you
For you’ve touched her perfect body with your mind
And Jesus was a sailor when he walked upon the water
And he spent a long time watching from his lonely wooden tower
And when he knew for certain only drowning men could see him
He said…
And he spent a long time watching from his lonely wooden tower
And when he knew for certain only drowning men could see him
He said…
Leonard Cohen, en 1967, c’est déjà la chanson comme une confession sobre, ne sombrant jamais dans l’impudeur ou le pathos. Comme dans Seems so long, Nancy, sur son second album (Songs for a room, 1969), titre écrit à la mémoire de la jeune femme retrouvée dans sa salle de bains de Montréal, en 1965, une balle dans la tête.
Venu à la chanson parce qu’il ne parvenait pas à gagner sa vie en tant qu’écrivain comme l’écrit David Remnick dans un long portrait publié par le New Yorker en octobre dernier, Leonard Cohen quitte Montréal pour New York en 1966 et tenter sa chance dans la musique. Il n’en demeurera pas moins un poète et un écrivain.
Comme Bob Dylan, auquel on ne cessa de le comparer et de le mesurer tout au long de sa carrière — mais il est de ceux qui eurent une œuvre, pas une carrière —, Leonard Cohen est un troubadour, influencé par Allen Ginsberg, Irving Layton mais aussi toute la tradition anglaise (Blake, Yeats), la Torah et le Zohar.
Chacune de ses chansons est un poème porté par une voix sombre, mêlée de couleur grise, aux lointains du chant qui s’est perdu, un timbre unique, des mélodies d’une immense simplicité apparente. Il est l’auteur d’Hallelujah, dont Jeff Buckley fera l’une des plus belles reprises de l’histoire de la musique.
Les années 90 furent le seul moment d’éclipse de Leonard Cohen, il disparaît de la scène, se réfugie dans le bouddhisme, avant de revenir pour livrer plusieurs albums, Ten New Songs (2001), Dear Heather (2004), Old Ideas (2012), Popular Problems (2014) et You Want it Darker (2016).
On pourrait citer comme une litanie triste ces titres qui ont accompagné nos existences, Bird on the Wire, First we take Manhattan, Take this waltz, Dance me to the end of love, Leonard Cohen est de ceux, rares, qui ont écrit la bande son de nos vies, un « visionnaire prolifique » comme l’écrit le communiqué annonçant sa mort. Un géant.
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