Célèbre romancier, coiffeur à succès et apôtre de la tolérance, Joseph Joffo, mort jeudi à 87 ans, a marqué plusieurs générations avec son livre autobiographique "Un sac de billes", dans lequel il racontait comment, à 10 ans, enfant juif de Paris, il avait fui les nazis avec son frère Maurice.
Né à Paris en avril 1931, d'un père coiffeur et d'une mère violoniste, immigrés russes qui s'étaient installés dans le quartier de Montmartre, son enfance s'écoule heureuse jusqu'à l'Occupation, où elle bascule dans le drame absolu.
Comme il l'avait raconté avec beaucoup de pudeur et de tendresse dans son plus célèbre roman, il doit fuir Paris en 1942 avec son frère plus âgé pour se réfugier en zone libre, alors que la nasse se renferme petit à petit sur les Juifs de la France occupée.
Démarre alors un long périple jusqu'à Menton puis Nice où leurs parents les rejoignent. Mais la trêve n'est que de courte durée. En 1943, les Allemands envahissent la zone et les Joffo s'enfuient de nouveau.
Maurice et lui sont arrêtés par la Gestapo, à l'hôtel Excelsior, et, sommés de prouver qu'ils ne sont pas juifs, n'échappent à une probable déportation que grâce à un prêtre qui leur fournit des certificats de baptême. Suivront d'autres épreuves où leur débrouillardise leur permettra de survivre, jusqu'à la Libération. Leur père n'a pas cette chance : arrêté également, il est déporté à Auschwitz, d'où il ne reviendra jamais. Joseph avait respecté la tradition familiale en reprenant le salon de coiffure familiale. Avec un talent reconnu : avec ses frères, ils en ouvrira une douzaine dans la capitale.
"J’étais le meilleur coiffeur de Paris. Tout le monde venait chez moi, de Delon à Belmondo… Je me souviens un jour de cette formidable brochette : Pierre-Christian Taittinger, François Mitterrand, Jacques Chirac et Bernadette… Je regrette de ne pas avoir fait la photo", avait-il raconté l'an dernier au Parisien.
Un énorme succès en librairie
C'est près d'une vingtaine d'années après les faits, qu'il rédige "Un sac de billes" sur un cahier d'écolier. Il est refusé par une quinzaine de maisons d'édition, avant que Jean-Claude Lattès ne le lance, en publiant le livre en 1973, écrit avec l'aide de Claude Klotz (Patrick Cauvin).
"Quand j'ai écrit ce livre c'était juste pour raconter ma vie à mes enfants et mes petits enfants. Cela m'a permis d'exorciser ces années", avait-il dit au Parisien.
"Un sac de billes" connaitra un énorme succès en France et à l'étranger, avec 20 millions d'exemplaires vendus dans une vingtaine de pays, et fera de Joseph Joffo, coiffeur de talent devenu auteur, un écrivain qui signera plus d'une quinzaine de romans, dont une suite, "Baby foot", publiée en 1977. Son dernier roman, "Le Partage", était paru en 2005. Il avait également rédigé plusieurs livres pour enfants dont "Bashert", publié en 2009.
"Un sac de billes", qui avait été adapté deux fois au cinéma (en 1973 par Jacques Doillon puis l'an dernier par Christian Duguay), est devenu une référence dans de nombreuses écoles, pour illustrer l'Occupation et la Shoah auprès des enfants.
Joseph Joffo avait lui-même donné de nombreuses conférences dans des établissements scolaires, pour sensibiliser les jeunes aux dangers de l'antisémitisme et du racisme. A travers la plupart de ses ouvrages, comme "Abraham Lévy curé de campagne", il avait porté inlassablement ce message. "Son autobiographie était belle, son témoignage précieux. Ce formidable écrivain a marqué des millions de lecteurs, par le récit de son enfance pendant l'occupation allemande", a réagi sur Twitter Sacha Gozlan, président de l'Union des étudiants juifs de France.
"N'oublions pas le témoignage si fort que nous laisse Joseph Joffo, rescapé de la Shoah. (...) Un travail de mémoire si essentiel dans la lutte contre l'antisémitisme", a souligné de son côté le maire de Nice, Christian Estrosi. Joseph Joffo résidait ces dernières années à Cannes et il est mort à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes), où il était hospitalisé.