mercredi 25 septembre 2019

Quand Virginia Woolf sort de sa chrysalide




Quand Virginia Woolf sort de sa chrysalide

Toute la semaine, sur France Culture, une passionnante « Grande Traversée » dépoussière l’image éthérée et mélancolique de la femme de lettres anglaise et dépasse le cliché de l’auteure pathétique, pâle, à la santé mentale fragile. Au fil des cinq épisodes, on arpente les lieux clés de sa vie.

  • Cécile Jaurès
  • le 22/07/2019 à 07:41 

Grande Traversée Virginia Woolf 
Du lundi 22 au vendredi 26 juillet à 9 h 06 sur France Culture (rediffusion à 22 h 10).
« Et si tu pouvais voler, où irais-tu ? », demanda un jour à Virginia sa sœur Vanessa. « Je choisirais un endroit parfait, un lieu plein de petits gâteaux couverts de sucre glace, avec des fleurs splendides, des arbres à grimper et où la mélancolie n’existe pas », répondit-elle.

Avant d’être une figure incontournable de la littérature anglaise, célébrée dans le monde entier, Virginia Woolf (née Stephen) fut une petite fille gaie, rieuse, excellente joueuse de cricket, une adolescente qui adorait danser sur les plages de Cornouailles au son du phonographe familial.
Dans la série d’été qu’elle lui consacre, Simonetta Greggio, écrivaine elle-même, s’est attachée à « redécouvrir cette icône sur laquelle pèsent trop de poids, notamment celui de son suicide en 1941, par lequel on lit souvent sa vie à rebours ».

Un père puits de science et une mère disparue trop tôt

Dépassant le cliché de l’auteure pathétique, pâle, à la santé mentale fragile, dont le destin fut plombé par les drames (abus sexuel par ses demi-frères, internement de sa demi-sœur Laura, mort précoce de ses parents, puis de son frère adoré Thoby…), elle dessine le portrait d’une femme attachante, à l’intelligence brillante et à l’humour ravageur.
Au fil des cinq épisodes, on arpente les lieux clés de sa vie, comme l’austère et asphyxiante maison du 22 Hyde Park Gate, à Londres, où elle grandit entre un père puits de science et une mère tendre, disparue trop tôt. Cette dernière était l’incarnation de la parfaite épouse victorienne, partageant son temps entre l’instruction de ses enfants, les activités caritatives et les séances de pose pour ses amis peintres préraphaélites.
Entre deux extraits de romans, Simonetta Greggio feuillette les albums de photographie, cet art naissant pratiqué par toute la famille, notamment par la célèbre Julia Cameron, sœur de sa grand-mère.

Un rejet viscéral du carcan victorien.

« On apprend beaucoup d’un regard en biais, d’une façon de s’habiller », note la productrice, qui restitue à merveille l’effervescence joyeuse et l’étonnante liberté sexuelle du « Bloomsbury Group ». Au sein de cette fraternité à l’ancienne, qui se réunit dans la maison investie par la fratrie Stephen devenue orpheline, la jeune Virginia côtoie des étudiants de l’université de Cambridge et les artistes de la bohème londonienne, tous soudés par un rejet viscéral du carcan victorien. Elle y rencontre son futur époux Leonard Woolf, journaliste et militant socialiste, avec qui elle crée la maison d’édition Hogarth Press qui publiera la plupart de ses œuvres mais aussi Freud, Rainer Maria Rilke ou T.S. Eliot.
« Très active, totalement en avance sur son temps, Virginia Woolf s’est donné les moyens d’être indépendante », salue Simonetta Greggio. Convaincue que l’art pouvait améliorer le monde, l’auteure d’Orlando possédait une insatiable curiosité. Quand elle était à Londres, elle passait son temps au théâtre, à l’opéra, dans les galeries, avant de se retirer dans sa maison du Sussex, Monk’s House, pour rédiger ses romans. « Écrire à Londres, c’est comme essayer de planter un drapeau en plein vent », disait-elle avec son sens de la formule.
À la lumière du féminisme et de la psychanalyse, cette « Grande Traversée » propose une lecture résolument moderne de cette femme en quête de liberté que l’on a plaisir à fréquenter le temps d’un été.




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