mardi 22 octobre 2019

Nobel de littérature / « Handke, c'est la simplicité de l'inattendu »

Peter Handke

Nobel de littérature : « Handke, c'est la simplicité de l'inattendu »

Ami de 30 ans et traducteur du nouveau Prix Nobel, Georges-Arthur Goldschmidt compare l'effet de la langue de Peter Handke à celui que produit celle de Goethe.

Propos recueillis par Valérie Marin La Meslée
Modifié le 10/10/2019 à 18:24 

Publié le 10/10/2019 à 17:14 


Auteur d'un Peter Handke au Seuil, Georges-Arthur Goldschmidt, écrivain et traducteur, déjeunait encore dimanche dernier avec celui qui est devenu depuis Prix Nobel de Littérature 2019, mais « évidemment, nous n'avons pas parlé de cela ! » Même si pour son traducteur de plus de trente livres et ami depuis trente ans, « avec des passages orageux », l'écrivain autrichien aurait dû l'avoir depuis longtemps. Si ce n'était « cette stupide histoire de l'Odéon où l'on a interdit la représentation de sa pièce », dit-il, allusion au positionnement de l'écrivain aux côtés du peuple serbe, « qui a retardé sa distinction ». Georges-Arthur Goldschmidt, 92 ans, témoigne ici de cette relation unique qui commença dans un couloir de maison d'édition au début des années 1970.

La rencontre

« Je venais de porter les épreuves de mon second récit Le Fidibus (Julliard, 1972), quand mon éditeur Christian Bourgois me rattrapa dans le couloir, m'amena dans son bureau, et me demanda, puisque j'étais germanophone, si je ne pouvais pas traduire ce texte qu'il avait reçu d'un certain Peter Handke, dont je n'avais jamais entendu parler. À l'époque, j'allais beaucoup en Allemagne. Je l'ai lu dans le train. J'ai été émerveillé par ce prodige linguistique. Il s'agissait de Bienvenue au conseil d'administration. Que j'ai accepté de traduire aussitôt. Ensuite, j'ai rencontré Peter Handke. Nous avons ri, et nous sommes devenus amis.

Traduire Handke


Il écrit presque l'allemand en français, les mots ne sont pas entourés de choses vagues, c'est une langue d'une précision et d'une justesse inouïe. Si vous voulez, un allemand classique qui n'a jamais été écrit et qui est évident. Un peu comme l'effet en son temps que provoqua Goethe : qui écrit un allemand évident et chaque fois nouveau. Un effet de langue où tout est nouveau, tout à fait l'inverse de Thomas Mann, par exemple. La langue de Handke est d'une simplicité confondante. Quasiment la langue du conte, un peu comme les frères Grimm, en très simple. Son allemand est influencé par la littérature autrichienne, car il est à moitié slovène et autrichien, et profondément issu du paysage linguistique autrichien.

Ce que Handke apporte à la littérature


D'une part, il a apporté une langue accessible à n'importe qui, on n'a pas besoin de culture ou de connaître des citations d'Héraclite pour le comprendre, mais aussi il est l'auteur de textes fondateurs où il a renouvelé “la sensation vraie”, selon son expression. Après l'avoir lu, on ne regarde plus de la même façon, car il attire l'attention du lecteur sur des choses telles qu'un cheval qui passe pendant qu'on assiste à un grand discours à l'université. Il renouvelle la vision du monde dans la mesure où il attire l'attention sur d'autres choses. Handke, c'est la simplicité de l'inattendu.

Un poète en prose

Il a une vision à la fois complètement novatrice et très ancienne des choses, au sens où il dit des choses que tout le monde dit et que personne ne formule. Sa vision du monde est celle qui est avant l'opinion, en dessous du vocabulaire si je puis dire. Comme lorsque vous vous retournez dans la rue, et oui, c'est cela, c'est au fondement même de toute pensée qu'il écrit. Pas autre chose que de la poésie, oui, mais il a le mérite de l'écrire en prose, sans le flafla. »




Lent retour, Le Poids du monde et La Nuit morave (tous publiés aux éditions Gallimard).
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