samedi 20 décembre 2014

Sandrine Collette / Une brume si légère

« Une brume si légère » de Sandrine Collette, illustrée par Dominique Corbasson

« Une brume si légère » de Sandrine Collette, illustré par Dominique Corbasson

LE MONDE |  • Mis à jour le  | Par 

« Une brume si légère » de Sandrine Collette, illustrée par Dominique Corbasson | LE MONDE


Rêves et cauchemars

Les 306 Peugeot, surtout les grises, peuvent avoir une seconde vie surprenante. Notamment en période de crise. Vous enlevez les sièges arrière. A la place, vous étalez quelques épaisseurs de couvertures. Et, hop, vous obtenez un lit ! Jo va découvrir cette autre utilisation d’une voiture hors d’âge en franchissant le portail de La Casse, une ville encastrée dans le lit d’une rivière et constituée de carcasses de bagnoles au rebut, où s’entassent des démunis en pleine dégringolade sociale.


Autrefois, Jo était une dessinatrice reconnue, mariée à un financier aux dents longues. Ils habitaient dans un vaste appartement sous les toits à Paris. Patatras ! Divorce. Chômage. Solitude. Et engrenage inexorable vers la misère. Résultat, Jo a abouti là, parcelle 2167, dans une Peugeot 306. Grise. Heureusement, il y a Nathan, un des gardiens de ce bidonville en ferraille, qui ressemble à « la préhistoire, version Mad Max ou pire »

Illustration « Une brume si légère » de Sandrine Collette, illustrée par Dominique Corbasson.
Illustration « Une brume si légère » de Sandrine Collette, illustrée par Dominique Corbasson. | LE MONDE


CHIENNE DE VIE

Une brume si légère, dernière nouvelle de la troisième saison des « Petits Polars » édités par Le Monde et SNCF, ressemble à un cauchemar éveillé. On se dit. Pas possible. Pas elle. Pas eux. Pas comme ça. Eh bien, si. Sans espoir de miséricorde. Chienne de vie qui brise même l’amour le plus inattendu. Sandrine Collette est encore une petite nouvelle dans le monde du polar. Elle a déjà publié deux romans, Des nœuds d’acier (2013) et Un vent de cendres (2014), remarqués pour leur atmosphère insolite, baroque, oppressante.
Le premier, qui a obtenu le Grand Prix de littérature policière, raconte un huis clos brutal entre un jeune homme sortant de prison et deux vieillards le séquestrant. Stephen King n’est pas loin… Le deuxième, sorte de version terrifiante de La Belle et la Bête, relate des amours impossibles au milieu des vignes, pendant les vendanges. Boileau et Narcejac auraient apprécié. Normal, les deux livres de Sandrine Collette ont inauguré le réveil de la collection « Sueurs froides » chez Denoël, où les maîtres du suspense à la française furent publiés dans les années 1960…
Avant d’écrire des intrigues glaçantes, Sandrine Collette s’occupa de chevaux et retapa des maisons dans le Morvan. Cela vous forge le caractère. Elle fut également professeure à l’université de Nanterre. Cela vous caparaçonne l’âme. Du coup, ses récits froids comme la lame possèdent une étrange humanité.
Retrouvez « Les Petits Polars du “Monde” avec la SNCF », saison 3, « Sur mes gardes », de Franz Bartelt, samedi 20 septembre à 21 heures sur France Culture. A réécouter et à podcaster sur Franceculture.fr.


Sandrine Collette et Dominique Corbasson vues par Dominique Corbasson.
Sandrine Collette et Dominique Corbasson vues par Dominique Corbasson. | LE MONDE


L'auteure : Sandrine Collette

Née à Paris, Sandrine Collette rêve dès l'enfance d'être palefrenière. En attendant, elle passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique. Elle décide alors de partager sa vie entre l'université de Nanterre, où elle devient chargée de cours, un mi-temps de consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et la restauration de maisons en Champagne puis dans le Morvan. Une existence qui lui permet de naviguer entre deux mondes et de s'occuper, enfin, de chevaux.
Alors qu'elle écrit des bribes d'histoires depuis longtemps, elle décide de composer une fiction et de l'envoyer à un éditeur. Ses références vont de Luis Sepulveda à Marguerite Duras ou Paulo Coelho. Sur les conseils d'une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia de grands auteurs comme Boileau-Narcejac ou Sébastien Japrisot avant de se mettre en sommeil. Il s'agit Des nœuds d'acier, que Sandrine Collette écrit sans penser qu'il entre dans la catégorie des polars, et plus particulièrement des thrillers. En imaginant son héros, prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave, la romancière pense plutôt à un conte philosophique qu'à un roman noir. Des nœuds d'acier sont publiés en 2013 et obtiennent le Grand Prix de littérature policière.
En 2014, Sandrine Collette publie son deuxième livre, tout aussi atypique que le premier : Un vent de cendres (chez Denoël). Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne. Climat oppressant, personnage mystérieux et menaçant, jeune fille trop curieuse : le roman revisite le conte La Belle et la Bête et s'achève par une scène aussi spectaculaire qu'effrayante.
La campagne profonde, la forêt, les vignes… Sandrine Collette aime situer ses intrigues dans un univers rural, même si son « petit polar », Une brume si légère, est exceptionnellement urbain. La romancière part toujours d'une image qui lui permettra de dérouler le fil de sa fiction. Son prochain livre se situera cette fois en haute montagne. 

Christine Ferniot
L'illustatrice: Dominique Corbasson

Née à Paris, Dominique Corbasson effectue ses études à l'Ecole nationale des arts appliqués et des métiers d'art. Elle travaille d'abord comme styliste chez Courrèges, spécialisée dans les ambiances couleur, puis dans le prêt-à-porter. Parallèlement, elle ne cesse de dessiner et, pour ses débuts, s'approche naturellement de la presse. Elle va rapidement travailler pour des magazines comme CosmopolitanLe Figaro Madame, mais aussi pour des journaux étrangers comme Vanity Fair.
Elle se tourne également vers la publicité pour les Galeries Lafayette ou Habitat. A partir de 1995, elle est remarquée au Japon, où l'on apprécie sa vision de Paris et des Parisiennes. En 1997, elle présente à Tokyo sa première exposition « Les Grands Magasins », suivie en 2000 de « Paris et moi », qui donne lieu à la publication d'un album. A New York, Tokyo ou Paris, elle conçoit des couvertures de livres, des campagnes publicitaires, des illustrations pour la presse.
partir de 1996, Dominique Corbasson illustre également des livres pour enfants et devient la complice privilégiée de l'écrivain Jean-Philippe Arrou-Vignod chez Gallimard Jeunesse. Le dernier en date, La Cerise sur le gâteau est paru au printemps 2013, dans la série des « Jean-Quelque-Chose ».
Dominique Corbasson est également l'auteur, d'une bande dessinée intitulée Les Sœurs Corbi (Gallimard). Cet ouvrage se présente comme un polar décalé, à la manière d'Agatha Christie, porté par un graphisme élégant et teinté de fantaisie.
En 2013, elle a présenté ses dessins sur Paris à la galerie Champaka de Bruxelles. Puis, en octobre, François Avril et Dominique Corbasson ont exposé ensemble à la galerie Petits Papiers de Bruxelles leurs travaux intitulés West Coast, belle variation graphique sur Los Angeles et les paysages californiens.
En septembre 2013, Dominique Corbasson a publié un nouveau livre intitulé Parisienne aux éditions Alain Beaulet, regard intimiste et poétique sur la capitale.
Chr. F.

LE MONDE






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire