«La Servante écarlate»: sous les bonnets blancs, la révolte
La troisième saison de la célèbre dystopie, diffusée dès maintenant sur OCS, délaisse un peu la violence pour planter les graines d'une future rébellion. Un tournant bienvenu
Publié jeudi 6 juin 2019 à 21:34,
modifié jeudi 6 juin 2019 à 21:36.
Une longue robe rouge sang et une cornette blanche. On peut ne jamais avoir regardé The Handmaid's Tale (La servante écarlate), ce costume nous est familier, régulièrement arboré lors de manifestations autour du monde - contre la venue de Trump à Varsovie, contre la loi anti-avortement à Buenos Aires...
En deux ans, la série produite par la plateforme Hulu est devenue symbole de la lutte pour les droits des femmes. Basée sur le roman éponyme de l'écrivaine Margaret Atwood, La Servante écarlate imagine un futur proche où les États-Unis, renversés par une dictature chrétienne fondamentaliste nommée Gilead, aurait réduit les femmes au silence et à des rôles prédéfinis. Au choix: servir, enfanter...ou mourir.
Margaret Atwood et Elisabeth Moss |
Révolution écarlate
C'est justement au moment où la vague anti-avortement déferle aux Etats-Unis, violente et menaçante, que la saison 3 débarque sur nos écrans. Troublant timing. La fin d'une longue attente, aussi. Parce qu'il y a près d'un an, la fin de la deuxième saison avait laissé les téléspectateurs abasourdis, interloqués. On y voyait June (l'effarante Elizabeth Moss), enfin parvenue à la frontière de Gilead, refuser de monter dans la camionnette qui l'emmènerait loin de cet enfer, préférant confier son nouveau-né à une autre «handmaid», Emily. Mais pourquoi?!
On n'attendra pas longtemps pour la réponse, puisque la saison 3 reprend à peine quelques minutes après. On voit le van s'éloigner, ses phares comme des lucioles dans la nuit noire, et June qui court à perdre haleine sous le halo des lampadaires, priant pour que sa fille s'en sorte. Mais June en a une deuxième, Hannah, arrachée à ses bras et désormais élevée par la famille d'un commandant. Elle ne partira pas sans elle.
C'est donc l'amour maternel qui pousse June à retourner tête baissée dans la gueule du loup. Elle ne tarde d'ailleurs pas à s'introduire dans le nouveau foyer d'Hannah pour la récupérer, une tentative avortée et franchement mal préparée. Mais si June décide de se sacrifier, c'est aussi parce qu'elle a un plan: faire naître une révolution.
Marthas dans le coup
La servante repasse donc sa robe écarlate, après une punition inévitable - mais plutôt légère considérant sa fuite doublée d'un kidnapping. Les Waterford ne la reprendront pas, leur couple est désormais rongé par la rage et le chagrin de Serena, qui a laissé son bébé lui échapper. Et rappelons que son mari lui a quand même fait couper un doigt la saison précédente...
June atterrit ainsi chez le commandant Joseph Lawrence (Bradley Whitford, A la maison blanche), ce barbu qui avait aidé Emily à quitter le pays. Désormais, elle s'appelle «Ofjoseph» (les noms des servantes sont directement dérivés de celui de leurs maîtres) et on se dit qu'elle est plutôt bien tombée. D'autant que Lawrence se montre plus intéressé par ses bouquins que par les cérémonies de procréation. Mais le commandant n'est autre que la tête pensante de Gilead, qui a créé les colonies de travail où meurent des milliers de femmes, et qui se plaît à humilier ses servantes. Un personnage difficile à cerner, fascinant dans sa complexité.
Il n'empêche, June commence à planter les graines d'une rébellion. En s'associant aux Marthas - dédiées aux tâches domestiques - également dans le coup, ou en se mettant en quête d'alliés plus puissants. Dont certains de ses ennemis, ce qui peut laisser le téléspectateur un peu dubitatif.
Explorer «l'après»
Dans les trois premiers épisodes, on retrouve l'atmosphère à la fois suspendue et angoissante, les monologues raillants de June et les clairs-obscurs de La Servante écarlate. Mais la série a pris un tournant. Après une deuxième saison insoutenable de violences, saturée de gros plans sur le visage terrifié d'Elizabeth Moss, ce troisième volet laisse la torture hors champ pour mettre l'accent sur la psychologie des personnages. En particulier celle des leaders de Gilead, tyrans glacés qui ont forcément des failles. Et qui dit failles, dit espoir. «C'est tellement important dans le monde actuel, et pour notre public, de montrer qu'il y a de l'espoir et une échappatoire», confiait récemment Elizabeth Moss au Guardian.
De l'espoir, il y en a aussi au Canada voisin, où sont accueillis les réfugiés de Gilead. Parmi eux Emily, projetée dans ce monde où l'attendent sa famille et une batterie de tests médicaux - taux de cholestérol inclus. Avec intelligence, la série explore «l'après», tout aussi violent, et donne d'avantage de place à Luke, le mari de June. Une bouffée d'air bienvenue après la banlieue suffocante de Boston.
«Bénie soit la lutte» est la devise de cette troisième saison, et on ne peut que se réjouir de voir les femmes s'allier plutôt que subir. En novembre, Margaret Atwood publiera la suite de son roman, qui se déroule 15 ans après. On saura peut-être ce que la révolte a donné...