mardi 15 décembre 2015

Chiens et chats, les meilleurs amis des écrivains

Chiens et chats, les meilleurs amis des écrivainsE 


Astrid De Larminat 
 Publié le 06/02/2013 à 17:35

Une idée court que si le chien est le meilleur ami de l'homme, c'est le chat, auréolé de son mystère, qui a la faveur de l'écrivain. «Le chien s'accommode d'un maître qui nourrit des sentiments banals et une morale humanocentriste surévaluée (…), un type bien, constructif, pas morbide pour un sou, civique en diable, très famille, un type normal en somme», écrit Lovecraft qui n'était pas un grand humaniste. «Tandis que le chat, poursuit-il, est fait pour celui qui réalise quelque chose, non par devoir, mais pour le plaisir, le charme, la splendeur.»
La guerre est ouverte entre chiens et chats, futile certes, mais entrons dans le jeu. Michel Houellebecq, est-il besoin de le rappeler, n'a rien du type normal dont parle Lovecraft, et pourtant il disait de son chien: «Clément a partagé ma vie. Parfois, il restait enfermé derrière une porte pendant des heures sans appeler. Un humain ne ferait jamais ça, il crierait. Je trouve ça très émouvant, cette façon d'attendre, cette confiance. Le chien dépose sa vie entre vos mains.»

Bébert, le chat de Céline

François Nourissier, dans Lettre à mon chien, décidant de passer outre le ridicule d'être un homme qui aime son teckel, explique: «Un chien peut être fou, abruti, pathétique - il n'est jamais sérieux. Il n'est jamais important. J'en ai ma claque des humains empesés de gravité.» Certes, comme le dit joliment Frédéric Vitoux, auteur du Dictionnaire amoureux des chats et d'un livre sur le chat de Céline, Bébert, «le chat, imprévisible, silencieux, avec ce que son regard laisse pressentir de sagesse, est le sparring partner idéal de l'écrivain». Pourtant le chien n'est pas sans profondeur: «Je reste en arrêt sous ton regard. Je voudrais l'interpréter, écrit encore Nourissier s'adressant à son chien. Je ne puis m'empêcher de respecter en toi cet accord secret que tu exprimes, la communication que sans doute tu établis avec les couches secrètes de la vie.»
Frédéric Vitoux rappelle ce mot d'esprit d'Ira Lewis, dramaturge américain: «Le chien pense: ils me nourrissent, ils me protègent, ils m'aiment, ils doivent être des dieux. Le chat pense: ils me nourrissent, ils me protègent, ils m'aiment, je dois être un dieu.» Le chien, modèle du croyant, le chat, emblème du divin? Le célèbre passage de L'Animalque donc je suis de Jacques Derrida tendrait à le confirmer. Le philosophe se demande pourquoi il est gêné lorsque son chat le voit nu. Il réfléchit sur «l'expérience originale de cette malséance qu'il y aurait à paraître nu en vérité, devant le regard insistant de l'animal (…), un regard de voyant, de visionnaire ou d'aveugle extralucide. Honte de quoi et nu devant qui?». Le chat serait-il l'œil de Dieu, ce Dieu devant qui le premier homme cacha sa nudité après lui avoir désobéi?
Roger Grenier dans un ouvrage inspiré par son braque prénommé Ulysse en hommage au chien du héros de l'Odysséequi seul reconnut le roi d'Ithaque lorsqu'il rentra chez lui sous les traits d'un mendiant, passe en revue ce que les grands hommes ont écrit sur les chiens.
Maeterlinck remarquait que le chien est le seul des animaux qui «ait fait alliance avec nous»: «Il sait à quoi dévouer le meilleur de soi. Il sait à qui se donner au-dessus de lui-même.» Levinas se rappelait qu'en Allemagne pendant la guerre, le groupe de prisonniers juifs dont il faisait partie voyait dans le regard des gardiens qu'il n'appartenait plus à l'espèce humaine. Un jour, un chien errant se joignit à eux: «Pour lui - c'était incontestable - nous fûmes des hommes.»

Des créatures de Dieu

L'épitaphe rédigée par Lord Byron pour son chien célèbre «un être qui possède la beauté sans la vanité, la force sans l'insolence, le courage sans la férocité et toutes les vertus de l'homme sans ses vices». Napoléon raconte dans le Mémorial de Sainte- Hélène qu'il avait vu en Italie un chien gémir et lécher le visage du cadavre de son maître: «Jamais rien, sur aucun de mes champs de bataille, ne m'a causé pareille impression.»Les animaux auraient-ils le don d'attendrir les cœurs endurcis?
Les animaux ont quelque chose de religieux. «Créatures de Dieu, frères et sœurs de l'homme, signifiants de la sagesse divine», comme disait Claudel, ils relient l'homme à plus grand que lui.
Dans son roman Flush, écrit du point de vue d'un chien, Virginia Woolf suggère que l'animal voit de façon poétique. «Il est intéressant de s'entraîner à avoir le regard d'un chien attaché à la sortie d'un supermarché, à éprouver ce qu'il ressent en voyant les humains s'agiter, ajoute Houellebecq. Les animaux ne comprennent pas tout. Pour écrire, il faut être comme ça, dans un état de semi-compréhension, un peu séparé.» L'écrivain serait-il l'homme le plus proche de l'animal?



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