Adam Thirlwell |
Adam Thirlwell
"J'avais dans la tête l'idée d'un paragraphe infini"
PORTRAIT - "Candide et lubrique" (éditions de l'Olivier), le nouveau roman d'Adam Thirlwell, confirme une fois encore les espoirs que ses pairs ont porté en lui depuis ses débuts à l'âge de 24 ans. L'écrivain britannique, qui aime jouer sur le fond et la forme de ses livres, s'amuse à innover et expérimenter en s'inspirant également du design et de l'art contemporain. Rencontre.
En 2004, un jeune Londonien de 24 ans perçait dans les lettres avec un premier roman insolent, Politique. Sans attendre, le magazine Granta l'a inclus dans sa liste des "meilleurs romanciers britanniques de moins de 40 ans". Douze ans après, Adam Thirlwell a gardé sa bouille de gamin espiègle et confirmé les espoirs que portaient cette étiquette d'enfant prodige qui ne le lâche plus.
"Ça pose toujours un problème quand on commence très jeune !", s'amuse-t-il dans un français parfait. "Mais j'essaie de grandir un peu depuis... Quand j'étais plus jeune, je voulais vraiment créer mon propre style. Après l'avoir fait, il m'a fallu encore en changer. Je ne pouvais pas continuer comme dans Politique, mais ça vient aussi du sujet du livre, il faut toujours trouver la bonne narration pour la bonne histoire."
L'auteur de Virgin Suicides est l'un de ses plus grands fans
Adam Thirlwell ne s'est certes pas reposé sur ses lauriers. Il a publié un autre roman,L'Evasion, un essai sur la traduction, un livre-objet très design (Kapow !, non traduit), des articles pour le New Yorker... Et aujourd'hui, ce Candide et lubrique qui porte sa griffe tout en innovant encore. "Je vois des connexions entre Politique et Candide et lubrique, il s'agit toujours de la peur de l'ennui, du temps qui ne passe pas, et de la recherche du désir, de l'excitation." On y suit un narrateur sans nom et sans histoire, qui se réveille un matin auprès d'une femme qui n'est pas la sienne. Tout ça ne lui ressemble tellement pas qu'il va se lancer dans d'autres folies, dont des braquages au pistolet à eau, avec son ami Hiro, aussi immature et déjanté que lui.
Jeffrey Eugenides a qualifié de roman de "fou" et d'"hilarant", mais quand on fait remarquer à Thirlwell qu'il est tout autant mélancolique, il acquiesce : "Je pense qu'on peut dire la même chose de tous mes livres. Celui-ci est vraiment hanté par le temps, peut-être parce que je suis plus âgé maintenant. Avant, j'écrivais des 'livres jeunes' ! J'étais très intéressé par les trentenaires car c'est un âge de transition. Mon héros veut essayer de repousser le passage à l'âge adulte mais c'est impossible. Le moteur du roman, c'était de montrer un personnage à la fois responsable et innocent, dans une banlieue ordinaire qui pourrait être n'importe laquelle."
Alors Thirlwell s'amuse. Il joue sur le monologue intérieur de son personnage, les registres de langue, les références, parfois jusqu'au délire. "Avant, mes romans étaient conçus comme des collages de petits morceaux, alors qu'ici c'est beaucoup plus fluide. J'avais dans la tête l'idée d'un paragraphe infini. J'ai un grand souci de la construction, mais avec ce roman il y avait quelque chose qui m'a un peu dépassé." Il faut dire que Thirlwell aime les expériences littéraires transversales, comme le prouvent ses participations aux projets de ses amis plasticiens : "Le monde de l'art m'intéresse beaucoup, reconnaît-il, il y a une énergie intellectuelle qui m'attire. Avec Philippe Parreno que je connais bien, nous allons donner une conférence ensemble à la Serpentine Gallery à Londres, en avril, sur l'art du montage vidéo. A côté de certains artistes, je trouve quelquefois que le roman est un peu démodé. Alors j'essaie petit à petit de le rendre plus contemporain."
METRONEWS
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