H.R. Giger, sombre prophète de la biomécanique
Si l’Alien de Ridley Scott a hanté vos nuits, c’est de la faute à Giger. Comme un pont entre nous, le ciel et les abysses, l’artiste a dessiné ses cauchemars peuplés de déesses érotiques et de bambins torturés, contaminant le cinéma et la musique depuis les années 1970. Trois ans après sa mort, une expo et un livre lui rendent hommage.
Erotomechanics VII© H.R. Giger
Chez le techno-chamane Giger, la science-fiction se mêle à l’occulte et la mort côtoie le sexe. Ses fresques surréalistes représentent l’humain fondu dans une machinerie poisseuse pénétrant les corps de tuyaux et découvrant les mécanismes greffés sous la peau. Né en Suisse en 1940, Hans Ruedi Giger étudie l’architecture puis le design industriel. À côté, il publie ses premiers dessins à l’encre, se passionne pour Sigmund Freud et tient un journal où il retranscrit ses rêves. Dans un style qu’il baptise « bio-mécanique », son bestiaire dérangeant et fascinant lui ouvre les portes des studios de cinéma jusqu’à son œuvre la plus célèbre, le monstre galactique du film Alien.
Pour la petite histoire, on doit l’Alien de Giger à une succession d’évènements entamée par Salvador Dali. C’est lui qui mettra un catalogue de l’artiste suisse entre les mains du réalisateur Alejandro Jodorowski, alors que celui-ci prépare le tournage de son adaptation avortée du roman de SF Dune. Giger réalise des décors pour le film qui ne verra jamais le jour et fait à cette occasion la connaissance de Dan O’Bannen, futur scénariste d’Alien. Marqué par la rencontre, O’Bannen présente à Ridley Scott le premier recueil de Giger paru en 1977, Necronomicon, et le réalisateur trouve dans le tableau Necronom IV la représentation parfaite de sa bébête de l’espace. Réalisé à partir de tubes récupérés sur une vielle Rolls Royce et de vertèbres de serpents, l’extraterrestre qui pond dans l’abdomen d’innocents après un viol buccal devient un des monstres les plus célèbres du cinéma, mais aussi un des plus beaux. Après le succès d’Alien, Giger et l’équipe d’effet spéciaux remportent en 1980 l’Oscar des meilleurs effets visuels et la carrière de l’artiste suisse décolle. Son esthétique fascine autant que sa personnalité : il dit aimer rester dans l’ombre, reproduit des symboles sataniques et les rumeurs les plus folles lui collent à la peau. On le dit hanté par l’actrice Li Tobler, sa muse et petite amie, qui se suicide par arme à feu à l’âge de 27 ans, en 1975.
Au début des années 1980, la reine du punk Debbie Harry demande à Giger de réaliser la pochette de son premier album solo. Il la représente le visage transpercé d’aiguille, et réalise le clip du single « Backfired ».
Giger inspire aussi les musiciens et ses dessins apocalyptiques ornent les pochettes d’artistes comme ses voisins suisses de Celtic Frost, Magma ou les Dead Kennedys, qui font face à un procès pour obscénité à cause de l’illustration « Penis landscape » insérée dans leur album Frankenchrist. Pour le chanteur de Korn, Giger réalise un porte micro « biomécanique » qu’il utilise sur scène.
À la fin des années 1990, Giger rachète un château médiéval à Gruyères, dans son pays natal. Quoi de mieux qu’une vielle bâtisse en pierre pour accueillir le Giger Museum, entièrement dédié à son œuvre ? Pour une immersion maximale dans sa psyché apocalyptique, le Giger bar décoré par l’artiste y est un passage obligé. Pour toujours plus de Giger, l’exposition « Seul avec la nuit » est visible au Lieu Unique à Nantes jusqu'au 27 août, et l’ouvrage H.R. Giger, Mythologies du futur est disponible chez l’éditeur Taschen.
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