vendredi 25 avril 2014

Gabriel García Márquez / Cent ans de solitude / Extraits


Gabriel García Márquez
CENT ANS DE SOLITUDE
Extraits

Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace. Macondo était alors un village d'une vingtaine de maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des oeufs préhistoriques. Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt. 

Couverture de Cent ans de solitude

Tous les ans, au mois de mars, une famille de gitans déguenillés plantait sa tente près du village et, dans un grand tintamarre de fifres et de tambourins, faisait part des nouvelles inventions. 

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Vers cette époque également revinrent les gitans, derniers héritiers du savoir de Melquiades, et ils retrouvèrent le village si éteint, ses habitants si éloignés du reste du monde, qu'ils s'introduisirent de nouveau dans les maisons en trainant des barres de fers aimantées, comme si ç'avait été en vérité la dernière découverte des savants de Babylone, et se remirent à concentrer les rayons solaires à l'aide de leur loupe géante [...] 

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Fasciné par une réalité immédiate qui lui apparut dès lors plus fantastique que le vaste univers de sa propre imagination, il [José Arcadio Buendia] se désintéressa dès lors complètement du laboratoire d'alchimie [...] 

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Il n'y avait, dans le coeur d'un Buendia, nul mystère qu'elle ne pût pénétrer, dans la mesure où un siècle de cartes et d'expérience lui avait appris que l'histoire de la famille n'était qu'un engrenage d'inévitables répétitions, une roue tournante qui aurait continué à faire des tours jusqu'à l'éternité, n'eût été l'usure progressive et irrémédiable de son axe. 

Couverture de Cent ans de solitude

"C'est comme si le monde faisait des tours sur lui-même."

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Bien des années plus tard, sur son lit d'agonie, Aureliano le Second devait se rappeler cet après-midi pluvieux de juin où il fit irruption dans la chambre pour faire connaissance avec son premier fils. 

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"Je connais déjà tout ça par coeur, s'écriait Ursula. C'est comme si le temps tournait en rond et que nous étions revenus au tout début." 

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"... une vieillesse en éveil permet de mieux discerner les choses que toutes les investigations dans les cartes."

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Pourtant, dans l'impénétrable solitude de son arrière-vieillesse, elle bénéficia d'une telle clairvoyance pour examiner jusqu'aux plus insignifiantes péripéties de l'histoire de la famille, que, pour la première fois, elle put faire toute la lumière sur des vérités que ses occupations d'autrefois l'avaient empêchée de bien voir. [...] elle avait déjà effectué une récapitulation infinitésimale de ce qui avait été la vie de la maison depuis la fondation de Macondo, et avait complètement révisé l'opinion que, depuis toujours, elle s'était faite sur ses descendants. 

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L'atmosphère était si humide que les poissons auraient pu entrer par les portes et sortir par les fenêtres, naviguant dans les airs d'une pièce à l'autre.

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Un filet de sang passa sous la porte, traversa la salle commune, sortit dans la rue, prit le plus court chemin parmi les différents trottoirs, descendit des escaliers et remonta des parapets, longea la rue aux Turcs, prit un tournant à droite, puis un autre à gauche, tourna à angle droit devant la maison des Buendia, passa sous la porte close, traversa le salon en rasant les murs pour ne pas tacher les tapis, poursuivit sa route par l'autre salle, décrivit une large courbe pour éviter la table de la salle à manger, entra sous la véranda aux bégonias et passa sans être vu sous la chaise d'Amaranta qui donnait une leçon d'arithmétique à Aureliano José, s'introduisit dans la réserve à grains et déboucha dans la cuisine où Ursula s'apprêtait à casser trois douzaines d'œufs pour le pain.



- Ave Maria Très-Pure ! s'écria Ursula.


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"Jusqu'alors, il ne lui était jamais venu à l'idée que la littérature fut le meilleur subterfuge qu'on eût inventer pour se moquer des gens [...]."

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Le premier de la lignée est lié à un arbre et les fourmis sont en train de se repaître du dernier.

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Dans la longue histoire de la famille, la répétition persistante des prénoms lui avait permis de tirer des conclusions qui lui paraissaient décisives. Alors que les Aureliano étaient renfermés, mais perspicaces, les José Arcadio étaient impulsifs et entreprenants, mais marqués d'un signe tragique. 

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Le secret d'une bonne vieillesse n'était rien d'autre que la conclusion d'un pacte honorable avec la solitude.

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[..] le plus à craindre, dans cette maladie de l'insomnie, ce n'était pas l'impossibilité de trouver le sommeil, car le corps ne ressentait aucune fatigue, mais son évolution inexorable jusqu'à cette manifestation plus critique : la perte de mémoire. Elle voulait dire par là qu'au fur et à mesure que le malade s'habituait à son état de veille, commençaient à s'effacer de son esprit les souvenirs d'enfance, puis le nom et la notion de chaque chose, et pour finir l'identité des gens, et même la conscience de sa propre existence, jusqu'à sombrer dans une espèce d'idiotie sans passé. 

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C'était l'histoire de la famille, rédigée par Melquiades jusque dans ses détails les plus quotidiens, avec cent ans d'anticipation. [...] Mais avant d'arriver au vers final, il avait déjà compris qu'il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l'instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre de seconde chance. 

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"Aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre une seconde chance"


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