mercredi 8 février 2017

Camilla Grebe / Un cri sous la glace / Crimes et sentiments




« Un cri sous la glace », de Camilla Grebe, éd. Calmann-Lévy, 400 pages, 21,90 euros.

Camilla Grebe: Crimes et sentiments


Paris Match| Publié le 07/02/2017 à 07h00
François Lestavel


Avec « Un cri sous la glace », la romancière suédoise réussit un polar psychologique subtil et prenant.
Méfiez-vous ! Un titre accrocheur peut être diablement trompeur. Car « Un cri sous la glace », qui laisse augurer d’un énième avatar de « Scream » à la sauce scandinave, n’emprunte pas les sentiers rebattus du thriller gore. Et si l’on retrouve d’emblée la tête d’une inconnue dans l’appartement cossu de Jesper Orre, riche homme d’affaires de Stockholm parti sans laisser d’adresse, la suite déjoue les pronostics pour céder la place à un roman choral à trois voix, où l’énigme se niche dans les émotions enfouies des personnages. A commencer par celles d’Emma, employée de la chaîne de vêtements que possède Jesper. Une jeune femme éprise de son patron, mais souffrant de son comportement de pervers narcissique… Quant à Peter, le flic taciturne chargé de l’enquête, il est hanté par ses amours ratées avec Hanne, ex-profileuse et ex-amante qu’il a appelée à la rescousse. Une Hanne d’autant plus touchante qu’elle doit se coltiner un mari odieux et dissimuler sa mémoire qui flanche… « Le plus important à mes yeux, confirme Camilla Grebe, c’était de construire des personnages intéressants, sans tomber dans les clichés qui abondent dans le thriller, et de les faire interagir pour mieux explorer les relations hommes-femmes. »
Camilla Grebe

"Quand je me suis lancée dans l’écriture, je ne croyais pas être capable de me débrouiller seule"
S’il y a un final renversant digne de Gillian Flynn, Camilla Grebe sait apporter aussi sa touche singulière dans un genre qu’elle a longtemps pratiqué en duo, notamment avec sa sœur Asa Traff, à travers une série mettant en scène une psychiatre. « Quand je me suis lancée dans l’écriture, confie l’ex-businesswoman, je ne croyais pas être capable de me débrouiller seule, alors j’ai composé des histoires avec Asa. Désormais, j’ai vraiment envie de décider de tout, d’être responsable à 100 %. Même si je sens que ma sœur a eu un peu de mal à avaler que j’aie aussi du succès en solo… » A 48 ans, la Suédoise a enfin assouvi ses désirs créatifs et trouve dans le polar un véhicule idéal pour parler de l’état du monde, notamment de l’homophobie et du racisme galopant qui la révoltent et seront au cœur de son prochain livre. « C’est un genre intéressant car on peut s’en servir pour faire passer des messages et expérimenter beaucoup de styles : y mettre de la politique, le transformer en une histoire d’amour, se contenter d’un simple divertissement ou ajouter des touches poétiques. » Toutes les nuances d’un noir qui lui va si bien.

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