Le cinéma se livre(s)
Paris Match| Publié le 10/02/2017 à 07h51Alain Spira
Deux livres courts, mais serrés prennent le cinéma par un autre bout de la lorgnette pour nous entraîner, chacun à sa manière, de l'autre côté des décors.
Travelling sur Berlin
Initiée par Edouard Dor, la collection «Ciné voyage» propose aux voyageurs cinéphiles des balades labyrinthiques dans des villes ayant servi de cadre et de muses à de grands cinéastes au fil des décennies. Après Tokyo, Rome, New York, Marseille..., c'est au tour de Berlin d'être «mise en scène» par la plume de Camille Larbey. Avec de la pellicule pour fil d'Ariane, l'auteur nous guide de façon chronologique, à travers les strates et les soubressauts de l'Histoire qui, du muet à nos jours, ont façonné la capitale allemande jusqu'à en faire le carrefour européen de l'avant-garde. La nuit venue, vous aurez peut-être la chance de croiser l'ombre de M le Maudit traversant l'Alexanderplatz. Cette même place inspira Alfred Döblin dont le roman «Berlin Alexandederplatz» fut porté à l'écran par Werner Fassbinder. Happé par le tourbillon de la guerre, la ville nazifiée devient un «Cabaret» tragique où chanteront des Lili Marleen jusqu'à «La Chute» finale incarnée magistralement par un Bruno Ganz en Führer. Puis, le grand couteau de l'après-guerre s'abattra au milieu de la cité teutonne, la scindant en deux parts d'un gâteau que les blocs de l'Est et de l'Ouest vont se partager. Cette schizophrénie va se répercuter dans un grand nombre d'oeuvres que l'auteur passe en revue en exégète accompli. Guide, mais aussi aide-mémoire, «Berlin mis en scènes» fait défiler les époques au rythme de 24 images par seconde. Des secondes qui peuvent durer une éternité ou un éclair, tant le temps devient relatif dans les salles obscures transpercées par les faisceaux des projecteurs. Et lorsque vous refermerez ce livre, vous serez en 2415. Et Berlin sera toujours Berlin...
«Berlin mis en scène» de Camille Larbey, collection Ciné Voyage, éd. Espaces&Signes, prix: 12 euros.
7ième Art ou 7ième ciel?
Féminin jusqu'au bout des onglets grâce aux illustrations glamours de Yann Legendre, «Aller au cinéma ou faire l'amour» est un joli bouquin-bouquet de pages, un délicat carnet intime ouvert à tous. Entrée en cinéma comme en religion, Christine Masson partage sa foi avec les auditeurs de France Inter tous les samedis matin dans «On aura tout vu», l'émission qu'elle anime avec Laurent Delmas. On savait que cette journaliste était une grande voix de la radio, on découvre qu'elle est aussi une bien belle plume, vive et colorée en noir & blanc et en technicolor. Comme le cinoche...Son métier l'a amenée à interviewer tant de cinéastes, d'acteurs et d'actrices, que son carnet d'adresse n'a rien à envier à l'index d'une encyclopédie du cinéma. Parmi toutes ces rencontres, elle a cueillies les plus marquantes, celles dont le parfum continue d'enivrer sa mémoire, mais aussi celles dont les épines l'ont égratignée. N'est-ce pas Maurice Pialat? Elle comprendra ce que veut dire être "Sous le soleil de Satan" quand elle se retrouvera face à ce diable d'homme. Sauvée par Depardieu le généreux, voyageuse temporelle avec Wim Wenders, sous le charme de Youssef Chahine, elle connaîtra un retentissant fiasco en chef de chorale improvisée près de la table de Francis Ford Coppola... Spielberg, Herzog, De Niro, Malkovitch, Sharon Stone, Tilda Swinton, la liste des étoiles qui sont passées dans le ciel "Massonique" nous laissent, chacune, un peu de leur éclat. A travers ses rencontres et ses émois cinéphiliques, c'est aussi Christine Masson qui se dévoile en s'effeuillant l’âme, page après page, sur l'écran blanc de ses feuillets. Et, au bout de cette projection d’elle-même, le lecteur-spectateur ému est persuadé d’une chose : la vraie star du générique, c'est elle…
«Aller au cinéma ou faire l'amour» de Christine Masson - éd. Textuel - 144 pages - 19,90 euros.
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